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Joseph CONRAD
(Berditchev, Ukraine, 03/12/1857 - Bishopsbourne, Angleterre, 03/08/1924)


joseph conrad

 

Un des écrivains de langue anglaise les plus importants du XX° siècle. L'anglais n'était pas sa langue maternelle.

"Teodor Józef Konrad Korzeniowski est né à Berdytchiv en Russie (aujourd'hui en Ukraine), au sein d'une famille de la noblesse polonaise. Son père, Apollo Korzeniowski, engagé dans la résistance polonaise, est arrêté en octobre 1861, et envoyé en exil d'abord dans des conditions difficiles au nord de la Russie, puis dans le nord-est de l'Ukraine à partir de 1863.
Sa famille le suit, et la mère de Conrad meurt de la tuberculose en avril 1865. Gravement malade lui-même, Apollo Korzeniowski peut rentrer d'exil en 1868. Mais il meurt en mai 1869 à Cracovie, ville alors autrichienne, laissant Conrad orphelin à l'âge de onze ans.
Celui-ci est alors confié à son oncle maternel qui demeurait à Cracovie.

Conrad part en 1874 pour Marseille, où il s’embarque comme mousse sur un voilier. Il fait ainsi pendant près de quatre ans son apprentissage en France pour entrer ensuite dans la marine marchande britannique, où il va demeurer plus de seize ans. Il obtient son brevet de capitaine au long cours en 1886, et prend la même année la nationalité britannique, sous le nom de Joseph Conrad.
Conrad parlait avec une égale facilité le polonais, l’allemand, le français et l’anglais ; mais il décida d’écrire dans la langue de sa nouvelle patrie.
En 1890, il travaille pour l'État indépendant du Congo. En 1896, désespérant de retrouver un commandement, il écrit à un ami « il ne me reste que la littérature comme moyen d'existence » et déclare clairement écrire pour l'argent… [...]

En 1896, il publia son premier livre, La Folie Almayer, où il dépeint la perdition d’un Occidental en Malaisie.
Dès lors paraissent régulièrement d’autres livres, toujours plus remarqués par les lettrés. Mais Conrad ne connut que tardivement le succès commercial (avec Chance en 1913), chose dont il eut toujours du mal à comprendre la raison, sans doute la trop grande complexité de son œuvre.
Toute sa vie d'auteur, il a affirmé vouloir écrire pour le grand public, et laisse une œuvre considérable ( Lord Jim, Jeunesse, Au cœur des ténèbres, Typhon, Nostromo, Le Miroir de la mer, Sous les yeux de l’Occident, L'Agent secret, Victoire...)

Il a été classé parfois comme auteur de « romans de mer », mais c'est aussi restrictif que cela le serait pour Herman Melville sous prétexte que celui-ci est surtout connu pour Moby Dick. De fait, Au cœur des ténèbres, Lord Jim, Nostromo, L'agent secret, Sous les yeux de l'occident, Victoire, sont de grands, sombres et profonds romans, mais ne se passent pas, ou peu, en mer...

Certains regardent Conrad comme un précurseur de l'existentialisme ; ses personnages sont faillibles, désenchantés, mais ne renoncent jamais à affronter la vie.

Conrad parlait couramment le français, mais, détail amusant, il le parlait avec un accent marseillais, après son séjour dans la cité phocéenne. André Gide fut son intercesseur dans le milieu littéraire français. Il traduisit lui-même Typhon.
" (d'après Wikipedia)

 

sextuor

- Sextuor (A set of six,1908). Traduit de l'anglais par Vladimir Volkoff. Le livre de poche. Biblio. 308 pages.

Le texte en anglais est disponible sur : http://www.gutenberg.org/ebooks/2305

Le recueil de nouvelles commence par une note de l'auteur (1920) :
"Les six récits contenus dans ce volume sont le produit de trois ou quatre années de travail intermittent. Ils ont été écrits à de longs intervalles et sont d'origines variées. Aucun n'est en rapport direct avec une expérience personnelle". (page VII).
Bien sûr, quand un écrivain introduit son ouvrage, il ne le gâche pas, il ne résume pas tout. C'est la différence entre un texte d'introduction écrit par l'écrivain, et celui rédigé par un préfacier (qui n'est souvent qu'une personne payée pour résumer le livre que l'on va lire).

Chaque nouvelle a un sous-titre qui explicite le genre, comme si le recueil était en plus une démonstration de différents types d'écriture possibles.

1/ Gaspar Ruiz. Sur le mode romanesque. (70 pages)
"Souvent les guerres révolutionnaires tirent des personnages étranges de l'obscurité commune qui enveloppe les vies humbles, lorsque l'état de la société n'est pas troublé." (page 9). Nous sommes au Chili, pendant la lutte d'indépendance contre la royauté espagnole.
"Une grande bataille venait d'être livrée sur les rives du Bio-Bio. Parmi les prisonniers de l'armée royaliste en déroute se trouvait un soldat nommé Gaspar Ruiz. La vigueur de sa stature et la grosseur de sa tête le faisaient remarquer parmi ses compagnons de captivité. Pas de doute : il y avait là une personnalité. [...]
Maintenant, capturé les armes à la main dans les rangs des royalistes, il ne pouvait s'attendra qu'à être fusillé comme déserteur.
Cependant Gaspar Ruiz n'était pas un déserteur ; son esprit ne disposait pas de l'agilité nécessaire pour distinguer les avantages et les périls de la trahison. Pourquoi aurait-il changé de camp ?
" (page 10).

Gaspar Ruiz est une force de la nature, mais son esprit est resté un peu enfant. On suivra ses aventures, effectivement romanesques (assaisonnées d'une bonne rasade de hasards, coïncidences, et autres événements hors du commun). Mais c'est vraiment intéressant.
Un bonne nouvelle, donc.

2/L'Indic (The informer). Sur le mode ironique. (31 pages).
Nous plongeons dans le monde des anarchistes, qui semble fasciner Conrad (L'Agent secret...)
"« Il n'y a aucun espoir d'amener l'humanité à s'amender, sinon par la terreur et la violence »" (page 85).
L'homme qui vient de prononcer cette phrase nous raconte une histoire qui lui est arrivée, à lui qui est une figure du milieu anarchiste.
"Naturellement il n'existe pas de hiérarchie parmi les affiliés. Il n'y a pas de système rigide. »
Ma surprise fut grande mais brève. Evidemment, parmi des anarchistes extrémistes, il ne pouvait y avoir de hiérarchie : rien qui rappelât une loi de préséance. D'ailleurs l'idée que l'anarchie présidât aux activités des anarchistes était rassurante quant à leur efficacité.
" (page 88).
Un groupe d'anarchiste prépare des coups. Mais il semble qu'il y ait une taupe, un indic, parmi eux, qui informe la police... Comment le démasquer ?
C'est l'occasion de voir une galerie de personnages dont on perçoit les motivations : des "purs", jusqu'à ceux (ou celles) qui, riches, se donnent un rôle et des frissons. Les imbéciles utiles, en somme.

3/La garce (The brute). Sur le mode indigné. (29 pages).
"La Garce, le seul récit de marin du volume, provient, comme Il Conde, d'un récit direct et se fonde sur une suggestion recueillie sur des lèvres humaines et vivantes. Je ne veux pas révéler le vrai nom du vaisseau criminel [...]" (page IX).

Texte original
Traduction de Volkoff
"Eh! Why not? Why couldn't there be something in her build, in her lines corresponding to—What's madness? Only something just a tiny bit wrong in the make of your brain. Why shouldn't there be a mad ship—I mean mad in a ship-like way, so that under no circumstances could you be sure she would do what any other sensible ship would naturally do for you. There are ships that steer wildly, and ships that can't be quite trusted always to stay; others want careful watching when running in a gale; and, again, there may be a ship that will make heavy weather of it in every little blow. But then you expect her to be always so. You take it as part of her character, as a ship, just as you take account of a man's peculiarities of temper when you deal with him. But with her you couldn't. She was unaccountable. If she wasn't mad, then she was the most evil-minded, underhand, savage brute that ever went afloat. "Pourquoi ne pourrait-il y avoir un bateau fou, je veux dire fou à la manière des bateaux, si bien que vous ne pourriez jamais être sûr qu'il se comporterai à votre égard comme tout bateau de bon sens le ferait naturellement ? Il y a des bateaux qui réagissent mal aux coups de barre, et d'autres qui ne virent pas toujours bien vent debout ; il y en a qu'il faut surveiller par gros temps, et d'autres qui prennent un petit grain pour une grande tempête. Mais vous vous attendez à ce qu'ils se conduisent toujours de la même manière. Vous considérez que c'est là un aspect de leur caractère de bateau, comme vous tenez compte des particularités du caractère d'un homme auquel vous avez affaire. Avec celle-là, impossible. Toujours des surprises. Si elle n'était pas folle, c'était la garce la plus malfaisante, sournoise, féroce, qui ait jamais navigué." (page 122).

Excellent.

4/ L'Anarchiste (An anarchist). Sur le mode désespéré. (29 pages).
Nous sommes en Guyane, sur une île à vingt milles du continent. Le narrateur est venu pour voir de plus près des papillons rares et beaux. Le directeur de l'élevage de bétail d'une grande compagnie le fait visite l'élevage. A un moment, en s'adressant à un mécanicien, il l'appelle "Crocodile".
"« Je l'appelle Crocodile parce qu'il vit à moitié sur terre, à moitié sur l'eau. il est amphibie, quoi. Il n'y a pas d'autre amphibie dans cette île que les crocodiles. Donc, il doit appartenir à la même espèce, hein ? Mais en réalité, il n'est rien de moins qu'un citoyen anarchiste de Barcelone." (page 151).
Qui est vraiment cet homme, qui ne connaît d'ailleurs pas l'espagnol ?
Une nouvelle un peu moins bonne que les précédentes, mais qui comporte tout de même des passages forts.

5/ Il Conde. Sur le mode pathétique. (22 pages).
"Vedi Napoli e poi mori".
Le narrateur fait un séjour à Naples ; il y rencontre un comte (le "Il conde" du titre) dans un hôtel. Il s'absente dix jours, puis revient. Le comte est changé... que lui est-il arrivé ? On le saura.
Une nouvelle pas mauvaise, mais un peu anecdotique. La moins bonne du recueil.

6/ Le Duel. Une histoire militaire. 106 pages.
La pièce de résistance du recueil, et finalement le seul texte du recueil à ne pas être un récit à l'intérieur d'une nouvelle.

Texte original
Traduction de Volkoff
"Napoleon I., whose career had the quality of a duel against the whole of Europe, disliked duelling between the officers of his army. The great military emperor was not a swashbuckler, and had little respect for tradition.
Nevertheless, a story of duelling, which became a legend in the army, runs through the epic of imperial wars. To the surprise and admiration of their fellows, two officers, like insane artists trying to gild refined gold or paint the lily, pursued a private contest through the years of universal carnage.
"
"Napoléon Ier, dont la carrière fut comme un duel contre toute l'Europe, n'encourageait pas le duel parmi les officiers de son armée. Ce grand empereur militaire n'était pas un bretteur et ne respectait guère les traditions.
Néanmoins, une histoire de duel, devenue une légende dans l'armée, parcourt l'épopée des guerres impériales. A l'étonnement et à l'admiration de leurs camarades, deux officiers - on eût dit des artistes fous essayant de dorer de l'or fin ou de teindre des lis - se sont affrontés d'homme à homme au cours de ces années où le carnage était universel.
"(page 203)

 

Ces deux militaires, Féraud et d'Hubert, de physique et d'extraction sociale différents, mais hussards tous deux (ah, ces incroyables hussards !) vont donc s'affronter en duels, pour un motif que Conrad a "rendu assez plausible à force d'absurdité." (comme il l'écrit lui-même dans sa note, page X).
Sens de l'honneur jusqu'à l'absurde, envie, jalousie, incompréhension, aide parfois... la relation entre ces deux hommes est assez fascinante.
Excellent.

Conrad s'est semble-t-il inspiré de François Fournier-Sarlovèze.

Ridley Scott en a tiré son film Les Duellistes (The Duellists, 1977)


Un très bon recueil de nouvelles, d'où se détachent Le Duel, bien sûr, mais aussi La Garce et Gaspar Ruiz (malgré son côté d'aventures un peu naïf).

 

Bande-annonce du film de Ridley Scott :

 

 

au coeu des ténèbres

Au Coeur des Ténèbres (1899). Nouvelle traduction par Odette Lamolle. Postface par Sylvère Monod. Editions Autrement Littératures. 174 pages.

Le livre (qui porte la bizarre indication "roman" sur la couverture) comporte deux nouvelles : Au Coeur des Ténèbres et Un Avant-Poste du progrès.

1/ Au Coeur des Ténèbres (Heart of Darkness, 1899 ; 126 pages).
Le texte commence ainsi (au passage, voici une petite comparaison avec une autre traduction) :

Texte original
Version Lamolle
Version J-J Mayoux (GF Flammarion)

"The Nellie, a cruising yawl, swung to her anchor without a flutter of the sails, and was at rest. The flood had made, the wind was nearly calm, and being bound down the river, the only thing for it was to come to and wait for the turn of the tide.
The sea–reach of the Thames stretched before us like the beginning of an interminable waterway. In the offing the sea and the sky were welded together without a joint, and in the luminous space the tanned sails of the barges drifting up with the tide seemed to stand still in red clusters of canvas sharply peaked, with gleams of varnished sprits."

"La Nellie, voilier de croisière, évita sur son ancre sans un frémissement de ses voiles et s'immobilisa. La marée avait tourné, le vent était presque tombé, et, comme nous devions descendre la rivière, la seule chose à faire était d'attendre la marée suivante.
La Tamise s'étendait devant nous jusqu'à la mer, semblable à une immense route marine. Au large, le ciel se confondait avec la mer, et, dans l'espace lumineux, les voiles brunies des bateaux dérivant vers l'amont avec le flux ressemblaient à des bouquets immobiles de toiles rouge taillée en pointe, avec des reflets sur les agrès vernis.
" (page 7).
"La Nellie, cotre de croisière, évita sur son ancre sans un battement de ses voiles, et s'immobilisa. La mer était haute, le vent était presque tombé, et comme nous voulions descendre le fleuve, il n'y avait qu'à venir au lof et attendre que la marée tourne.
La Tamise s'ouvrait devant nous vers la mer comme au commencement d'un chemin d'eau sans fin. Au loin la mer et le ciel se joignaient invisiblement, et dans l'espace lumineux les voiles tannées des barges dérivant avec la marée vers l'amont semblaient former des bouquets rouges de voilures aux pointes aiguës, avec des éclats de livardes vernies.
" (page 83)


À bord, un groupe d'hommes attend.
"Pour une raison ou une autre, nous ne commençâmes pas la partie de dominos envisagée. Nous étions songeurs, et seulement bons à garder ouverts des yeux placides. Le jour se terminait dans la sérénité d'une calme et délicate luminosité." (page 8).
Un homme, un certain Marlow, se met alors à parler.
"C'était un marin, mais aussi un voyageur, alors que la plupart des marins mènent, si l'on peut dire, une vie sédentaire. Leur esprit est de nature casanière, leur maison ne les quitte pas, c'est leur navire ; de même pour leur patrie : la mer. Un navire ressemble beaucoup à un autre navire, et la mer reste toujours la mer." (page 10).

Depuis tout petit, Marlow avait eu une fascination pour les cartes, et surtout pour les espaces vides, les régions inexplorées... Un jour, des années plus tard, il est fasciné par le dessin d'une grande rivière puissante, en Afrique. Se rappelant qu'il y avait un gros comptoir d'une compagnie commerciale, il parvient à s'y faire embaucher.
Il va donc en Afrique pour piloter un bateau et remonter le fleuve Congo.

station belge sur le Congo
Station belge sur le fleuve Congo, 1889.


Quelqu'un dit à Marlow : "« Dans l'arrière-pays vous rencontrerez certainement Mr. Kurtz. » Je lui demandai qui était Mr. Kurtz, et il me répondit que c'était un agent de première catégorie ; et, me voyant déçu par cette information laconique, il ajouta sans hâte, après avoir posé sa plume : « C'est un personnage très remarquable. » Sur de nouvelles questions de ma part, il précisa que Mr. Kurtz dirigeait actuellement un comptoir commercial très important, dans la véritable région de l'ivoire, « au fin fond du pays. Il nous envoie à lui seul autant d'ivoire que tous les autres réunis... »" (page 32).

Ce Mr Kurtz est le personnage central, en quelque sorte le but du texte.

"Remonter le fleuve, c'était revenir aux premiers jours de la création, quand la végétation s'épanouissant sur la terre et quand les grands arbres étaient des rois. Une rivière déserte, un profond silence, une forêt impénétrable. L'air était chaud, épais, lourd, visqueux. Il n'y avait nulle joie dans l'éclat du soleil. Les longs bras de la voie d'eau coulaient, dans la monotonie des lointains surchargés d'ombre. Sur les berges argentées, des hippopotames et des alligators se doraient au soleil côté à côté." (pages 57-58).

La remontée du fleuve (très symbolique) est lente et pénible...

le roi des Belges
Le Roi des Belges (1889), bateau commandé par Conrad pour l'Etat Indépendant du Congo.

"Au coeur des ténèbres constitue accessoirement un virulent pamphlet contre l'impérialisme et le colonialisme.", écrit Sylvère Monod dans sa postface, page 172.

C'est sûr.

"Six Noirs avançaient en file indienne, peinant sur le chemin montant. Ils marchaient lentement, très droits, balançant sur leur tête des petits paniers remplis de terre, et le cliquetis rythmait leur marche. [...] On voyait toutes leurs côtes, les articulations de leurs membres ressemblaient aux noeuds d'une corde ; ils avaient un collier de fer autour du cou et étaient tous reliés par une chaîne qui se balançait entre eux et cliquerait en mesure." (page 27)

"Ils mouraient à petit feu ; c'était flagrant. [...]
Puis je baissai les yeux et vis un visage tout près de ma main. le squelette se déploya complètement, une épaule appuyée contre l'arbre, les paupières se soulevèrent lentement et les yeux enfoncés se levèrent sur moi, vides et immenses, avec une sorte de lueur blanche aveugle au fond des orbites, qui s'éteignit lentement. L'homme paraissait jeune, presque un enfant, mais, avec eux, vous savez, on ne peut pas trop se rendre compte. Je ne trouvai rien d'autre à faire que de lui tendre un des biscuits du navire de mon bon Suédois, que j'avais en poche. Les doigts se refermèrent dessus et le gardèrent ; il n'y eut pas d'autre mouvement, pas d'autre regard.
" (page 30).

C'est un texte vraiment étrange, dense, métaphorique, très sombre, étouffant.
Il a inspiré Apocalypse Now (1979), le film de Francis Ford Coppola, avec Marlon Brando.


Le deuxième texte du recueil est Un Avant-poste du progrès. (An Outpost of Progress, 1897 ; 34 pages). Tout comme Au Coeur des Ténèbres, il se déroule au Congo. On y trouve également une critique du colonialisme. Mais le style est très différent.
"Il y avait deux Blancs pour s'occuper du comptoir commercial. Kayerts, le chef, était petit et gros ; Carlier, l'assistant, était grand, avec une grosse tête et un torse puissant perché sur deux jambes maigres. Le troisième homme de l'équipe était un Noir de la Sierra Leone, qui prétendait s'appeler Henry Price." (page 135).
Ces deux hommes, on pourrait dire qu'il s'agit de Bouvard et Pécuchet.
" C'étaient deux individus parfaitement incapables et insignifiants, d'un type dont l'existence n'est possible que grâce à la haute organisation des masses civilisées. Peu d'hommes se rendent compte que leur vie, l'essence même de leur personnalité, leurs aptitudes et leurs audaces ne sont que l'expression de leur foi en la sécurité de leur environnement. [...] Mais le contact soudain avec la sauvagerie pure et intégrale, avec la nature primitive et l'homme primitif, jette un trouble profond dans le coeur." (page 138).
Le style est simple, efficace, ironique (le titre !) : par moments, on croirait lire un conte tragique.

Le bateau, sur lequel les deux hommes sont venus, repart. Ils sont laissés à eux-mêmes.
Ecoutons le directeur, qui se trouve justement sur le bateau :
"- Regardez ces deux imbéciles !... Il faut qu'ils soient devenus fous, au pays, pour m'envoyer de tels échantillons. J'ai dit à ces gars de se faire un potager, de construire d'autres entrepôts et des clôtures, ainsi qu'une aire de débarquement. Je suis certain que rien de tout ça ne sera fait ! Ils ne sauront pas par quel bout commencer. J'ai toujours trouvé cette station inutile, et ils s'harmonisent bien avec elle !" (page 137).

Bien sûr, tout va très mal se passer.
Un texte sans doute moins profond que Au Coeur des Ténèbres, mais très efficace, très amusant (d'une certaine façon...) et en même temps assez horrible.

 

 

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