Livre.gif (217 octets) Littérature Anglo-saxonne Livre.gif (217 octets)



-
dictées
-
littérature
- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour
Littérature anglo-saxonne
<-


Autre littérature :

Littérature japonaise

retour
page d'accueil

 


KASISCHKE Laura
(Lake Charles, Louisiana, 1961 - )

 
laura kasischke

Laura Kasischke est romancière, poétesse, et enseigne l'écriture à l'Université du Michigan (Ann Arbour, Michigan).
Elle a obtenu de nombreux prix, notamment et surtout en poésie (elle est plus reconnue en tant que poétesse que comme romancière).
Elle est parfois comparée à Joyce Carol Oates pour sa propension à imaginer des histoires pleines de violence et de menace ("mais où va-t-elle chercher tout ça ?"), mais son style est très différent de celui (ou plus exactement de ceux) de Joyce Carol Oates : il est d'apparence froide et rigoureuse dans la menace cachée.

Il y a une grande cohérence dans l'oeuvre romanesque de Laura Kasischke : comment prendre conscience, concrètement, d'être en vie, alors que la vie elle-même est une succession de banalités se déroulant dans la blancheur aseptisée de la banlieue américaine ? Mais malgré au quotidien atone, à l'atrophie des sensations, des forces menaçantes grondent pour qui sait les entendre. Et les écouter, justement, est peut-être un moyen de se convaincre que l'on est vivant...

Un événement aura eu une grande importance sur son oeuvre : elle était amoureuse de son profeseur de création littéraire. Or, ce professeur avait eu une aventure avec sa mère, ce qu'elle lui a révélé, juste avant le dîner. Laura Kasischke se souvient qu'elle était debout à côté du réfrigérateur lorsque sa mère le lui a dit, et alors tout ce qu'elle savait de manière inconsciente, les couches de secrets, les vies secrètes des gens, la signification de petits gestes, de vérités à moitié énoncées, tout cela fusionna avec l'acte d'écrire. "Ça ne m'a jamais quitté. Quand j'écris maintenant, je suis en quelque sorte debout devant le réfrigérateur, réalisant soudain combien tout est complexe si vous pouvez seulement discerner la totalité de l'histoire" (source : http://www.pshares.org/issues/article.cfm?prmArticleID=8497).

Dans l'oeuvre de Laura Kasischke, on retrouve ainsi souvent ce sentiment de révélation, de brusque lumière sur ce que l'on savait, mais qu'on ne voulait pas s'avouer, pas regarder.

un oiseau blanc dans le blizzard

- Un oiseau blanc dans le blizzard (White bird in the blizzard, 1998). Traduit en 2000 par Anne Wicke, Christian Bourgois Editeur, 321 pages.
Le roman commence par la disparition de la mère de la narratrice, Katrina :
"J'ai seize ans lorsque ma mère se glisse hors de sa peau par un après-midi glacé de janvier - elle devient un être pur et désincarné, entouré d'atomes brillants comme de microscopiques éclats de diamant,   accompagné,   peut-être, par le tintement d'une cloche, ou par quelques notes claires de flûte dans le lointain - et disparaît.
Personne ne la voit s'en aller, mais elle est bel et bien partie.
" (page 11).

Depuis le départ (ou disparition...) de sa mère, Katrina fait des cauchemars teintés de blanc, de vide. "La nuit suivant le départ de ma mère, je rêve que mes draps sont devenus de la neige et que leur blancheur froide m'enveloppe dans l'hiver comme un enfant mort-né. La lumière, le lit, les draps - on dirait qu'un ange pâle et énorme est agenouillé au-dessus de moi, un colosse de marbre pur, qui semble me repousser de ses ailes aux doigts nus vers la matrice d'un mois de janvier dans l'Ohio...
Je suis le petit "o" qui se glisse dans le grand "O" de l'Ohio, ce vaste "O" vide qui avale tout d'un seul coup."
(page 20).

Katrina et ses parents vivent dans une banlieue américaine chic et aseptisée. Elle fréquente une école typiquement américaine :   "[...] et même Melody Little, la fille la plus populaire du lycée, m'a fait un petit signe dans les douches après la gymnastique. Sa peau, sous la vapeur, paraissait aussi lisse que du plâtre humide, mais l'eau chaude avait donné à ses cuisses le rouge des camions de pompiers". (page 60).
Elle est visiblement à la recherche d'elle-même, de ce qui la définit, de ce qui marque la différence entre elle et les autres, la peau qui sépare les êtres. "Sans la peau, nous nous serions vidés" (page 18), conclut le passage où elle perd sa virginité avec Phil, le fils de ses voisins, un garçon pas très intelligent. "C'était le mois de mars, la lumière qui saignait sous les stores était pâle et floue, comme si de l'eau grise coulait dans les veines de ce mois" (page 17). C'est gai...

"En vérité, ma mère a disparu vingt ans avant le jour où elle est réellement partie. Elle s'est installée dans la banlieue avec un mari. Elle a eu un enfant. Elle a vieilli un peu plus chaque jour - de cette façon qu'ont les épouses et les mères d'âge moyen d'être de moins en moins visibles à l'oeil nu. Vous levez peut-être les yeux de votre magazine quand elle entre dans la salle d'attente du dentiste, mais elle est en fait transparente." (page 28).

La mère est-elle vraiment partie ? A-t-elle vraiment téléphoné à son mari, intendant dans une école, pour lui dire qu'elle ne reviendrait pas ? Y avait-il des signes avant-coureurs, des indices de préparatifs ?
Katrina revoit par fragments des morceaux de la vie familiale... Quelles étaient les relations entre ses parents ? Sa mère ne faisait-elle vraiment que maintenir "notre maison dans un état de propreté et de stérilité qui aurait pu rivaliser avec l'esprit de l'hiver lui-même ; alors peut-être a-t-elle tout simplement fini par s'épousseter elle-même, en un nuage lumineux qui s'est envolé par la fenêtre de la chambre, un nuage fait d'une poudre douce comme le talc, qui s'est mélangé avec les flocons qui tombaient, avec la poussière céleste et les cendres lunaires qui flottaient au loin" (page 11).

Obsession d'une propreté de surface irréprochable qui recouvre bien sûr des secrets moins propres, des espoirs déçus, ce livre est tout imprégné d'un sentiment de catastrophe inévitable, de quelque chose que l'on sait sans savoir et qui arrive, parce que la fatalité doit arriver, un jour ou l'autre. Le meilleur roman de Laura Kasischke, sans doute parce qu'il a une vraie fin.

a suspicious river

- A Suspicious River (Suspicious River, 1996). Traduit en 1999 par Anne Wicke. Points. 404 pages.
Leila est réceptionniste depuis plusieurs années dans un Motel à Suspicious River, petite ville tranquille : "Vous pourriez très bien imaginer, si vous n'y êtes jamais passé, que Suspicious River est une petite ville sympathique. Un bowling. Sept églises. Dix motels. Quatorze bars. Une boutique de souvenirs de neuf cents mètres carrés, dont la façade est une peinture murale sur parpaing de Pocahontas sortant de son tipi, qui s'étale sur un pâté d'immeubles dans Main Street" (page 73).
Mais même les cygnes de la rivière semblent, si je puis dire, déshumanisés : "Un de ces gros oiseaux blancs apportait dans son bec des herbes déracinées venant de la rivière et il les donnait à l'autre qui les enfonçait mécaniquement dans la boue." (page 77).

Un jour, pour soixante dollars, Leila se vend avec la location de la chambre (ce qui donne lieu à des scènes qu'on pourrait qualifier de chaudes, si ce n'était la froideur et l'indifférence apparente de Leila, qui accomplit sa tâche mécaniquement, comme les cygnes).

Que compte-t-elle faire avec l'argent qu'elle accumule et qu'elle met scrupuleusement de côté ? Et puis un certain Gary Jensen arrive et c'est, pour elle, le début d'une sacrée déchéance pas piquée des hannetons (on pourrait faire un parallèle avec Histoire aux yeux pâles, de la néo-zélandaise Kirsty Gunn).

La construction, comme cela sera une habitude chez l'auteur, s'appuie sur des souvenirs d'école, sans doute pour confronter les espérances de la petite Leila Murray avec les déceptions de la grande Leila, celle qui vit avec Rick, son mari.
Un roman assez glauque, qui tire vers la dépravation auto-destructrice (du genre : "je ne m'aime pas, jusqu'où pourrais-je aller dans la déchéance volontaire à forte tendance freudienne ?") dont l'adaptation au cinéma a bien su garder la froideur.

la vie devant ses yeux

- La Vie devant ses yeux (The Life before her eyes, 2002). Traduit en 2002 par Anne Wicke. Christian Bourgois Editeur, 348 pages.
Autant Un Oiseau Blanc dans le Blizzard avait une chronologie clairement annoncée (Première partie : Janvier 1986, deuxième partie : Janvier 1987, etc.), autant la Vie devant ses yeux est un roman plus compliqué. Le prologue annonce "Avril" (mais de quelle année ?) et l'épilogue "Mai".
Le roman s'ouvre sur une citation d'Apollinaire :
"Voici que vient l'été, la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps" (extrait de La Jolie rousse, Calligrammes, 1918 ; on peut trouver l'intégralité de la poésie sur : http://www.wheatoncollege.edu/Academic/AcademicDept/French/ViveVoix/Resources/jolierousse.html - à noter que sur le même site, on peut entendre Le Pont Mirabeau déclamé par Apollinaire lui-même).

Le roman commence ainsi : "Elles sont dans les toilettes des filles quand elles entendent les premiers tac-a-tac-a-tac d'une arme semi-automatique. Le bruit semble faux, lointain, et elles continuent ce qu'elles étaient en train de faire : elles se brossent les cheveux, elles regardent leur reflet dans le miroir...
Tac-a-tac-a-tac.
"
Puis, le drame personnel arrive : "Et, au-delà du son lointain de toutes les clochettes qu'elle a pu entendre et aimer, elle perçoit le bruit de son propre coeur qui bat sourdement en elle, qui fait circuler le sang à travers son corps ; elle aime ce bruit-là, aussi... Elle l'a toujours aimé, qu'elle s'en soit ou non rendu compte avant. Elle l'aime tant qu'elle pourrait très bien rester ici, comme ça, au milieu de ces toilettes, terrifiée et violemment vivante, pour le restant de ses jours." (page 21). "Mais, à ce moment-là, Michael Patrick lui plaque l'arme contre l'oreille. Le canon touche sa temps et cette noirceur bleutée devient comme un murmure terrible et intime...
Elle doit répondre à ce murmure.
“Ne me tue pas”, lui souffle-t-elle.
Et, quand il demande “Et alors, je dois tuer qui ?” elle s'entend répondre : “Tue-la. Ne me tue pas.”
"(page 22).

Puis le lecteur suit la vie banale de Diana McFee. "Diana McFee ouvrit les yeux, et ce fut un peu comme si elle voyait le ciel pour la première fois. Etre en vie, quelle banalité surprenante ! Une femme de quarante ans qui, au beau milieu du mois de juin, regardait fixement un ciel très bleu, un ciel paraissant être le coeur de quelque chose d'entièrement nouveau qui aurait été nettement découpé en deux avec un couteau bien aiguisé. Un esprit fait d'éther. Un vide à couper le souffle, comme une cuisine propre, comme une conscience tranquille." (page 25).

Comment Diana vit-elle avec la conscience du drame qu'elle a vécu, du choix qu'elle a fait ? Mais est-ce vraiment sa vie, remplie de gestes quotidiens : aller chercher sa fille à l'école primaire, préparer à manger vers 2020 ? Ou bien est-ce la vie rêvée de l'adolescente qui va (peut-être ?) perdre la vie dans une tuerie qui fait évidemment référence au drame de Columbine ?
Va-et-vient entre les petits faits sans importance de la mère au foyer et les petits faits différents mais sans plus d'importance de l'adolescente qu'elle fut - ou qu'elle est. Le tout avec un sentiment de menace...

Ce roman sera forcément comparé à Elephant, le film de Gus Van Sant. Comme lui, il est composé d'impressions. Le film tout comme le livre ne s'attardent pas vraiment sur les motivations des assassins. Le film montre toutefois une vue plus globale, alors que le livre reste cantonné aux toilettes des filles où un drame à la "Choix de Sophie" a lieu.
Pour en faire un livre de près de 350 pages, Laura Kasischke utilise des artifices : le sentiment de menace qu'elle maîtrise parfaitement, les glissements entre présent, passé, réalité, fantasme...
Soyons honnêtes, la fin est décevante. Elle écrit bien, elle sait parfaitement rendre menaçante la banalité du quotidien, mais cela on le savait déjà, et ça ne suffit (malheureusement) pas ici.

Un film réalisé par Vadim Perelman, avec Uma Thurman a été tiré de ce roman en 2007.

Autres romans traduits en français :
- Rêves de garçons (Boy Heaven, 2007)
- A moi pour toujours (Be Mine, 2007)

- La Couronne verte (Feathered, 2008)
- En un monde parfait (In a perfect World, 2009)


Romans non encore traduits :
- Eden Springs (2010)
- The Raising (2011)


Poèmes :
- Brides, Wives, and Widows (1990)
- Wildbrides (1992)
- Housekeeping in a dream (1995)
- Fire & Flower (1998)
- Dance and disappear (2002) Prix Juniper 2001.
- What it Wasn't (2002)
- Gardening in the Dark (2004)
- Lilies Without (2007)
- Space, in Chains (2011)



Quelques poèmes sur le net :
Bike ride with older boys : http://www.loc.gov/poetry/180/179.html (extrait de Dance and disappear, 2002)
Miss Congeniality : http://www.poems.com/missckas.htm
Protracted Absence (également disponible lu en mps3) et The Second Week of May : http://www.umich.edu/news/MT/NewsE/08_04/poem.html
Sacred Flowers Watching Me, Hardware Store in Town Wthout Men et Message : http://www.ausablepress.org/c_kasischke_p.html (extraits de Gardening in Dark, 2004)
Kitchen Song : http://www.poemhunter.com/p/m/poem.asp?poet=18166&poem=191569


Adaptations au cinéma :
- A Suspicious River (Suspicious River, 2000), réalisé par Lynne Stopkewich avec Molly Parker. Visible. Molly Parker est très bien.
- In Bloom (2007, d'après La Vie devant ses Yeux), réalisé par Vadim Perelman, avec Uma Thurman.

Divers :
On peut trouver une interview (qui date de 1999) en format mp3 sur http://www.lib.msu.edu/vincent/writertest/laura.htm

- Retour àla page Littérature Anglo-saxonne -

Toute question, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)