Livre.gif (217 octets) Littérature Espagnole Livre.gif (217 octets)



-
dictées
-
littérature
- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour
Littérature espagnole
<-


Autre littérature :

Littérature japonaise

retour
page d'accueil

 


Ana María MATUTE
(Barcelone, 26/07/1925 - Barcelone, 25/06/2014)


ana maria matute

 

"Elle est la deuxième des cinq enfants d'une famille de la petite bourgeoisie catalane, conservatrice et religieuse. Sa mère était hispanophone et son père catalanophone, propriétaire d'une usine de parapluies. Née à Barcelone, elle y passe une enfance marquée par la Guerre civile espagnole, ce qui se reflétera dans son œuvre littéraire, centrée sur « les petits garçons étonnés » qui observent malgré eux et cherchent à comprendre la déraison qui les entoure.

Elle commence une carrière littéraire précoce et prolifique avec Los Abel en 1948, finaliste du Prix Nadal. [...] Après son divorce, la législation espagnole de l'époque ne lui permet pas de voir Juan Pablo, son fils.

Elle occupe le siège K de l'Académie royale espagnole, dont elle est l'un des six membres féminins de 1996 à sa mort en 2014. De plus, elle est la troisième femme à avoir reçu le Prix Cervantes (2010). Elle est une des voix les plus personnelles et isolées de la littérature espagnole." (source Wikipedia).

paradis inhabité    paraiso
Photographié sur la plaza de Matute (d'accord, le nom de la place n'a rien à voir avec l'auteur, mais c'était amusant), à Madrid, le 21/05/2015. A droite, la couverture espagnole avec la mystérieuse licorne du livre.

- Paradis inhabité (Paraíso inhabitado, 2009). Traduit de l'espagnol par Marie-Odile Fortier-Masek. Phébus. 283 pages.

Il s'agit du dernier roman achevé de l'auteur.
La narratrice, une vieille femme, raconte son enfance.
Nous sommes à Madrid, à peu près au moment de l'avènement de la République de 1931.

Le roman commence ainsi : "A ma naissance, mes parents ne s'aimaient plus. Cristina, ma soeur aînée, était alors une peste, dont le seul regard m'accusait de quelque mystérieux crime de lèse-majesté, que je n'ai jamais pu élucider. Quant à mes frères, Jerónimo et Fabián, jumeaux boutonneux, ils se moquaient pas mal de moi. Aussi les premières années de ma vie furent-elles solitaires.
Un de mes plus anciens souvenirs remonte au soir où j'ai vu courir la licorne. Avec une stupéfiante netteté, je la vis s'élancer hors de son cadre, puis réapparaître et reprendre sa place, belle, nivéenne, énigmatique.
Je n'ai jamais su pour quelle raison elle avait tenté de s'échapper. Longtemps cela m'intrigua et me fit même peur. Je ne devais pas avoir plus de quatre ou cinq ans, mais ce souvenir tient une place importante parmi les premiers de ma vie. Parfois, les souvenirs ressemblent à des bibelots : en apparence inutiles, nous y tenons sans trop savoir pourquoi et ne parvenons pas à nous en défaire. A la longue, ils s'entassent au fond de ce tiroir que nous évitons d'ouvrir, par crainte d'une trouvaille indésirable.
" (page 7)

(en espagnol : "Nací cuando mis padres ya no se querían. Cristina, mi hermana mayor, era por entonces una jovencita displicente, cuya sola mirada me hacía culpable de alguna misteriosa ofensa hacia su persona, que nunca conseguí descifrar. En cuanto a mis hermanos Jerónimo y Fabián, gemelos y llenos de acné, no me hacían el menor caso. De modo que los primeros años de mi vida fueron bastante solitarios.
Uno de mis recuerdos más lejanos se remonta a la noche en que vi correr al Unicornio que vivía enmarcado en la reproducción de un famoso tapiz. Con asombrosa nitidez, le vi echar a correr y desaparecer por un ángulo del marco, para reaparecer enseguida y retomar su lugar; hermoso, blanquísimo y enigmático.
Nunca supe por qué razón el Unicornio había intentado escapar del cuadro y durante mucho tiempo me intrigó, y aun me atemorizó un poco. Por aquellos días yo no debía de tener más de cinco años —quizá sólo cuatro—, pero ese recuerdo tiene un lugar relevante entre los primeros de mi vida. A veces, los recuerdos se parecen a algunos objetos, aparentemente inútiles, por los que se siente un confuso apego. Sin saber muy bien por qué razón, no nos decidimos a tirarlos y acaban amontonándose al fondo de ese cajón que evitamos abrir, como si allí fuéramos a encontrar alguna cosa que no se desea, o incluso se teme vagamente.
")

La petite Adriana reste généralement dans la partie de l'appartement qu'occupent les deux domestiques : Tata Maria et Isabel, la cuisinière.
"Cachée sous la table à repasser, j'écoutais leurs conversations souvent sibyllines, qui suscitaient chez moi d'innombrables questions lorsqu'elles traitaient du monde et de la vie en général, mais devenaient parfaitement claires lorsque j'en faisais l'objet. J'appris ainsi à un âge précoce que j'étais arrivée sur le tard, qui plus est au mauvais moment pour la famille.
- Pauvre petite, elle n'a pas eu la chance de ses frères, chuchotait Isabel, grande sentimentale devant l'Eternel, en rangeant le linge.
" (page 8).
Son père est de moins en moins souvent à la maison, on sent que le divorce n'est pas loin... si les conventions sociales le permettent.

Adriana joue seule et se crée un monde fabuleux. Parfois, elle se lève la nuit, quand tout le monde dort, et explore, écoute le langage mystérieux des fleurs fanées, regarde les créatures vivant dans la grotte sous le canapé et qui feignent de l'ignorer ; elle donne aussi du sucre aux gnomes qui sont sous le radiateur.
"Déjà, par le passé, deux statuettes, l'une blanche, l'autre noire, m'avaient fait des signes, tantôt elles agitaient la main comme pour me saluer, tantôt elles souriaient. [...] Planquée contre le buffet, je croyais entendre la voix cassée, plaintive et rancunière de la vieille théière dont une discrète fêlure présageait la fracture imminente. Je percevais les complaintes des petites cuillères et des fourchettes dans le tiroir le plus en désordre de la cuisine : havre des dépareillés, soldats défaits d'une bataille contre le temps, à jamais retraités de la salle à manger des Géants. Ils pleuraient d'être ainsi privés d'un compagnon ou d'un ami dont ils s'étaient cru inséparables, et moi, je détectais leur plainte." (pages 13-14)
Elle adore les contes, surtout ceux d'Andersen, à travers lesquels elle se forge une vision du monde. Elle apprendra vite à lire.
Elle est également experte dans l'art de se cacher des Géants (les adultes, bien sûr).
Un jour, elle qui aime plus que tout qu'on lui fiche la paix, devra aller à l'école. Sa soeur Cristina, qui y est allée avant elle, était une petite fille modèle, pieuse, appliquée... avec vraisemblablement tout ce que cela comporte d'hypocrisie et de mauvais coups en douce.

L'école sera un passage difficile pour Adriana, qui n'est pas docile : elle pose des questions, et les Soeurs n'aiment pas ça.
"Jerónimo et Fabián parlaient peu avec moi, mais ils montraient à mon égard de la gentillesse, voir de la tendresse, que je n'appréciais pas toujours à sa juste valeur. Un jour, je leur demandai : « Comment c'est le collège ? » Ils se regardèrent, puis Jerónimo répondit : « C'est comme à l'armée ! Tu fais partie d'un bataillon, tu as des sergents, des lieutenants, des généraux... » Il se pencha vers moi et me caressa la tête." (page 15). "Des années plus tard, tous deux périrent, chacun dans une tranchée du camp opposé, encore persuadés qu'ils se battaient contre ces mots : couard, méchant, stupide." (page 18).

Méchante, c'est d'ailleurs ainsi qu'Adriana sera qualifiée par les dames pieuses de son école, ainsi que par sa mère, qui ne la comprend pas.
Adriana continue à être seule. "Pendant les récréations, je me tenais à l'écart, sous les mûriers, à regarder de longues caravanes de chenilles aller Dieu sait où. Voilà comment je voyais mes compagnes, les bonnes soeurs et moi-même." (page 22).
Le temps passe... Un jour, elle va faire la connaissance d'un voisin, Gavrila, un enfant plus âgé qu'elle. Il est le fils d'une danseuse...

Paradis inhabité décrit bien sûr une enfance, la découverte du monde et la perte de la magie. C'est un très bon et très joli roman.

 


- Retour à la page Littérature Espagnole -

Toute question, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)