Livre.gif (217 octets) Littérature Francophone Livre.gif (217 octets)



-
dictées

- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour francophone <-

retour
page d'accueil

 


Hubert Haddad

(Tunis, Tunisie, 10/03/1947 - )

hubert haddad


"Hubert Abraham Haddad est né à Tunis le 10 mars 1947, d'un père tunisien et d'une mère d'origine algérienne, née Guedj. Après avoir vécu à Sfax, Bône et Tunis, ses parents émigrent à Paris en 1950. Écrivain, Hubert Haddad commence à publier à la fin des années soixante, d'abord dans des revues. Il fonde lui-même plusieurs revues de littérature, comme Le Point d'Être, revue littéraire, ou Le Horla. Très vite, il investit tous les genres littéraires, à commencer par la poésie avec Le Charnier déductif (Debresse, 1968).

La nouvelle et le roman tiennent la plus grande part de sa production, avec d'un côté les Nouvelles du jour et de la nuit (deux coffrets de cinq volumes chacun rassemblant soixante nouvelles) et de l'autre une vingtaine de romans comme L'Univers, premier roman-dictionnaire paru en 1999 chez Zulma et réédité en édition augmentée en 2009, ou encore Palestine (Prix des cinq continents de la francophonie 2008, Prix Renaudot Poche 2009).
Par ailleurs dramaturge et historien d'art, Hubert Haddad est aussi peintre (expositions à Paris, Chaumont en Champagne, Châlons, Orléans, Marrakech) et à l'occasion illustrateur. Il a publié de nombreux essais, comme Saintes-Beuveries (José Crti, 1989), Les Scaphandriers de la rosée (Fayard, 2002), ainsi qu'une somme encyclopédique en deux volumes sur la passion littéraire et les techniques d'écriture : Le Nouveau Magasin d'écriture (2006) et Le Nouveau Nouveau Magasin d'écriture (2007).

Sous le pseudonyme de Hugo Horst, il anime depuis 1983 la collection de poésie Double Hache aux éditions Bernard Dumerchez. Il publie aussi des romans noirs, avec un personnage récurrent, l'inspecteur Luce Schlomo (Tango chinois). Hubert Haddad est un des acteurs de la Nouvelle fiction.
" (Wikipedia)

le peintre d'éventail

- Le Peintre d'éventail (2013) Zulma. 188 pages.
Le bandeau rouge, "Sublime Japon", annonce la couleur du livre : le cliché.
Avant une plongée dans le passé récent, on commence par quelques pages qui se situent dans le présent - et déjà deux petits agacements : il est fait mention d'une "armistice" (page 10) à propos de la fin de la Seconde Guerre Mondial au Japon alors qu'il s'agit d'une capitulation : il y a une différence entre les deux termes (en gros : la capitulation est une décision militaire ; une armistice est une décision politique ; pour plus de détails, voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Armistice#Diff.C3.A9rence_entre_armistice_et_capitulation ) ; et puis on lit "du thé bouillant" (page 11), alors que chacun sait qu'il ne faut pas mettre de l'eau bouillante pour faire un bon thé. Et on entame l'histoire du peintre d'éventail.
"A quoi bon revenir sur mes errements. Un vieil homme n'a que le temps de détisser et retisser son linceul. Tu sais déjà presque tout du pauvre Matabei, peintre sur éventail qui n'aura vécu que d'espérance jusqu'à l'heure du chaos. Quand je me suis installé dans la pension de dame Hison, en bas de la première montagne, c'était seulement pour quelques jours, histoire de changer d'air.
Les arbres cachent tout ce qui ne mérite pas d'être vu. Il y avait des cèdres de Chine sur les pentes, un magnifique ginkgo qui attire les pèlerins, des chênes bleus et de beaux châtaigniers, des érables rouges jusqu'au pont de bois qui sert ou qui ne sert pas sur la rivière étourdie, entre le lac de Duji et la forêt de bambous géants recouvrant d'ombres vertes le versant sud de la première montagne.
" (page 12).

Dès le début, on a le ton : une accumulation de tout ce qui fait japonais : la petite pension, les bambous, les érables rouges, le pont de bois, tout est là. Deux pages plus loin, on a eu en plus des pèlerins, une maison de poupée, une planteuse de riz, des oiseaux à foison (grive, pluvier, rollier...), et le jardin dont s'occupe Maître Osaki - lequel, comme tout maître qui se respecte, est discret. Ah, j'allais oublier les incontournables haïku.
Ce que Matabei est bien, là, à contempler les paysages et à penser à l'impermanence (comme tout Japonais, bien sûr : on croit qu'ils dorment dans les transports, eh bien non : je suis sûr qu'ils méditent tous sur l'impermanence).
Rapidement (page 21), on prend connaissance du traumatisme qui a conduit Matabei à se mettre à l'écart du monde (ce qui permet habilement de conjuguer les événements contemporains qui parlent au lecteur avec tout le folklore traditionnel). Un accident dont il n'est pas responsable. Mais, comme cela ne suffit pas, on en rajoute une couche avec le séisme de Kobé de 1995. Ça fait beaucoup... et on n'en est qu'à la page 21 !

Matabei finit par remarquer maître Osaki, toujours occupé à son jardin. Il apprend beaucoup de lui.
"Matabei savait maintenant que les vrais maîtres vivent et meurent ignorés et qu'on ne pouvait espérer plus belle équité en ce monde." (page 54).
En voilà une pensée idiote, digne d'un Paolo Coelho, voire d'un Marc Levy. Non mais franchement ! Et Hokusai, alors ? Et Hiroshige ? Et Bashô ? Ils ont vécu et sont morts ignorés, peut-être ? Non. Cela veut donc dire qu'ils n'étaient pas des vrais maîtres ? Quelle bêtise.
La stupidité de la phrase éclate encore plus page 119 : "la réputation d'Osaki Tanako, à sa grande surprise, volait très loin au-dessus de son entourage immédiat, jusque dans les monastères et chez les érudits."
À ce moment-là, Matabei remet-il en question la fameuse phrase stupide de la page 54 ? Eh bien, non. Aucune réaction. Matabei continue à appeler Osaki "maître". C'est à n'y rien comprendre, puisqu'il savait depuis la page 54 que les vrais maîtres sont ignorés. Il s'agit sans doute d'une forme profonde d'impermanence, celle du raisonnement. Rien n'a d'importance, les phrases ronflent mais ne portent pas à conséquence.

Dans le même genre (bête) : "La maladie, comme la folie, n'existait que dans le regard des autres." (page 177). Encore une phrase définitive, qui claque. Or, dès la page suivante, on lit : "Dès que nausées et maux de tête cessaient, Matabei reprenait où il l'avait laissé le legs invisible du vieux maître." Etonnant, non ? Pourtant, Matabei est seul, il n'y a personne pour poser son regard sur lui : la maladie ne devrait donc pas exister.
Bref. Il ne sert à rien de tirer sur l'ambulance. On me dira sans doute que tout cela n'est pas consternant comme je le crois, mais qu'il s'agit de quelque chose qui relève de la poésie.

L'autre point marquant du livre, c'est le style, les énumérations. Voici une petite description du jardin :
"L'art de la dissimulation et de la révélation par étapes au gré de la promenade était poussé à son comble, cela à travers toutes les directions du jardin, lequel semblait bel et bien y gagner les proportions et la complexité d'un labyrinthe. Les lanternes de pierre, le chemin de rosée, tout le réseau joyeux de rigoles au départ d'une cascade, les passerelles d'une ou deux enjambées, les portes claires comme on en voit au seuil des sanctuaires flottants, les formations arborées au deuxième et troisième plans - saules et bouleaux, pruniers, érables parmi les azalées -, juste avant la capture par habiles échappées du paysage naturel - élévations, replis des pâtures et forêts -, entre les haies et les murs limitant le jardin : ce mélange de rusticité et de raffinement atteignait un équilibre surnaturel, sans aplomb eût-on dit, qui associait les vertus des jardins de thé et du jardin sec conçus pour la contemplation immobile." (page 80).
Tout est très japonais, mais tellement japonais, tellement trop japonais que cela sonne faux : trop, c'est trop. C'est censé être poétique, léger, et tout n'est qu'overdose, comme ces estampes caricaturales destinées à l'exportation.
Et ces phrases qui crient leur poésie... "Le chant éperdu des oiseaux de la forêt laissait croire à l'innocence du jour." (page 147)... "le sanglot d'un rapace nocturne" (page 158)... "Les saisons ne vieillissent jamais. Un éternel été succède au beau suicide du printemps. Et l'automne empourpre les érables à l'heure dite." (page 175). Si l'on pouvait savoir exactement quelle est cette heure, ça serait bien pratique pour le tourisme.

Ceux qui aiment ce genre de texte trouveront leur bonheur. Pour les autres, c'est très dur.
Hubert Haddad a l'art de tout gâcher. Je vais faire pareil. On a donc droit au tsunami (pour continuer dans ce qui "parle") : à un moment tout est emporté... mais les carpes, elles, non. Elle ne sont plus dans leur mare, mais dans des flaques, mortes ou mourantes (à cause du sel de l'eau ?), toujours est-il qu'elles sont encore là (page 138). On saura donc ce qu'il faut faire en cas de menace de vague géante : piquer une tête dans la mare la plus proche. Les maisons, les arbres seront détruits, emportés, mais on pourra continuer à barboter tranquillement. C'est totalement ridicule, bien sûr. Ou bien c'est poétique, au choix (il doit y avoir plus de symbolique dans les carpes mourantes que dans les carpes emportées). On notera qu'un passage semble faire un petit écho à la scène de l'inondation dans Bruine de Neige, de Tanizaki (c'est toujours dangereux de faire écho à un chef-d'oeuvre de la littérature, on peut souffrir de la comparaison).

Concernant les personnages, ils semblent répondre à un cahier des charges : ainsi, on a le vieux sage, le jeune apprenti... et bien sûr la jolie fille de service. C'est désespérant.

Passons sur le caractère toujours bâtard d'une oeuvre située dans un pays étranger (à qui s'adresse-t-elle ? on nous dit des évidences pour un Japonais, comme le risque d'étouffement par mochi, ou - et c'est dit à plusieurs reprises - le fait qu'une oeuvre ne doit pas être symétrique, mais légèrement inachevée et donc pas totalement "parfaite") et notons juste que Laszlo Krasznahorkai, avec Au nord par une montagne, s'en est lui très bien sorti (comme quoi c'est possible, mais pas pour tout le monde).

Alors, pourquoi le Peintre d'éventails a-t-il reçu tant de bonnes critiques ? Il condense tous les clichés qui traînent sur le Japon (et cela fait toujours plaisir de se voir confirmé dans ses clichés), à tel point qu'il en est souvent insupportable (j'ai interrompu à plusieurs reprises ma lecture pour lire autre chose, j'ai failli abandonner, heureusement qu'il n'est pas très long). D'autres auteurs ont donné dans le cliché ou l'exotique, comme Kawabata avec Kyôto (qui n'est vraiment pas sa meilleure oeuvre, et de loin). Mais pas à ce point.
Et le fond, me dira-t-on ? J'ai bien peur qu'il n'y en ait pas. À part les clichés (l'impermanence, les vrais maîtres meurent ignorés, etc.).
Un livre raté dans les grandes largeurs.

Dans un genre que l'on pourrait qualifier d'un peu similaire, mais infiniment meilleur, plus profond tout en étant plus modeste, on pourra lire Notes de ma cabane de moine, de Kamo no Chômei.



- Retour à la page de Littérature Francophone -

 

Toutequestion, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)