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Michel Houellebecq

(La Réunion, 26/02/1956 -)

houellebecq


"Michel Houellebecq (prononcé [wɛlˈbɛk]), de son vrai nom Michel Thomas, né le 26 février 1956 ou 19581 à La Réunion (France), est un écrivain, poète, essayiste et romancier français. Il est, depuis la fin des années 1990, l'un des auteurs contemporains de langue française les plus traduits dans le monde. En parallèle de ses activités littéraires, il est également chanteur, réalisateur et acteur, s'illustrant notamment en 2014 dans deux films : L'Enlèvement de Michel Houellebecq et Near Death Experience.

Il est révélé par les romans Extension du domaine de la lutte et, surtout, Les Particules élémentaires, qui le fait connaître d'un large public. Ce dernier roman, et son livre suivant Plateforme, sont considérés comme précurseurs dans la littérature française, notamment pour leur description de la misère affective et sexuelle de l'homme occidental dans les années 1990 et 2000. Avec La Carte et le Territoire, Michel Houellebecq reçoit le prix Goncourt en 2010, après avoir été plusieurs fois pressenti pour ce prix.", (totalité de la notice à lire sur wikipedia).

la possibilité d'une île

- La Possibilité d'une île (2005). J'ai Lu. 447 pages. Prix Interallié.

Le livre est constitué de l'autobiographie d'un homme nommé Daniel, en alternance avec la lecture et le commentaire qu'en font ses lointains clones (ce sont des néo-humains). Le Daniel de notre époque est Daniel1 ; les Daniel du futur sont Daniel24, Daniel25... Chaque Daniel qui meurt est remplacé. Comment cette société de clones solitaires a-t-elle été créé ? Nous l'apprendrons au fil du roman.
Les clones de Daniel ne connaissent plus ni le rire ni les pleurs. Ainsi, les néo-humains lisent les autobiographies de leurs prédécesseurs non sans une certaine incompréhension. Ici, c'est Daniel24 qui parle :
"Certains de mes prédécesseurs, comme Daniel13, manifestent dans leur commentaire une étrange nostalgie de cette double perte ; puis cette nostalgie disparaît pour laisser place à une curiosité de plus en plus épisodique ; on peut aujourd’hui, tous mes contacts sur le réseau en témoignent, la considérer comme pratiquement éteinte." (page 61).

Mais venons-en au commencement, et à Daniel1. Notre héros est humoriste de profession.
"Après mon baccalauréat, je m’inscrivis à un cours d’acteurs ; s’ensuivirent des années peu glorieuses pendant lesquelles je devins de plus en plus méchant, et par conséquent de plus en plus caustique ; le succès, dans ces conditions, finit par arriver – d’une ampleur, même, qui me surprit. J’avais commencé par des petits sketches sur les familles recomposées, les journalistes du Monde, la médiocrité des classes moyennes en général – je réussissais très bien les tentations incestueuses des intellectuels en milieu de carrière face à leurs filles ou belles-filles, le nombril à l’air et le string dépassant du pantalon. [...]
Je ne veux pas dire que mes sketches n’étaient pas drôles ; drôles, ils l’étaient. J’étais, en effet, un observateur acéré de la réalité contemporaine ; il me semblait simplement que c’était si élémentaire, qu’il restait si peu de choses à observer dans la réalité contemporaine : nous avions tant simplifié, tant élagué, tant brisé de barrières, de tabous, d’espérances erronées, d’aspirations fausses ; il restait si peu, vraiment.
" (page 25).
Daniel est cynique :
"Finalement, le plus grand bénéfice du métier d’humoriste, et plus généralement de l’attitude humoristique dans la vie, c’est de pouvoir se comporter comme un salaud en toute impunité, et même de pouvoir grassement rentabiliser son abjection, en succès sexuels comme en numéraire, le tout avec l’approbation générale.
Mon humanisme supposé reposait en réalité sur des bases bien minces : une vague saillie sur les buralistes, une allusion aux cadavres des clandestins nègres rejetés sur les côtes espagnoles avaient suffi à me valoir une réputation d’homme de gauche et de défenseur des droits de l’homme. Homme de gauche, moi ? J’avais occasionnellement pu introduire dans mes sketches quelques altermondialistes, vaguement jeunes, sans leur donner de rôle immédiatement antipathique ; j’avais occasionnellement pu céder à une certaine démagogie : j’étais, je le répète, un bon professionnel. Par ailleurs j’avais une tête d’Arabe, ce qui facilite ; le seul contenu résiduel de la gauche en ces années c’était l’antiracisme, ou plus exactement le racisme antiblancs.
" (pages 26-27)


Daniel rencontre Isabelle, rédactrice en chef de la revue Lolita. Ecoutons-la :
"Tu connais le journal où je travaille : ce que nous essayons de créer c’est une humanité factice, frivole, qui ne sera plus jamais accessible au sérieux ni à l’humour, qui vivra jusqu’à sa mort dans une quête de plus en plus désespérée du fun et du sexe ; une génération de kids définitifs. Nous allons y parvenir, bien sûr ; et, dans ce monde-là, tu n’auras plus ta place. Mais je suppose que ce n’est pas trop grave, tu as dû avoir le temps de mettre de l’argent de côté." (page 38).
Tout cela est amusant, et en même temps il y a un fond de vérité un peu désespérant là-dedans...

Il y a aussi des passages qu'on lit forcément différemment depuis les attentats de janvier 2015. A un moment, Daniel a un succès de scandale avec ses spectacles, notamment "On préfère les partouzeuses palestiniennes." :
"Je quittai brièvement les pages « Spectacles » des quotidiens pour entrer dans les pages « Justice – Société ». Il y eut des plaintes d’associations musulmanes, des menaces d’attentat à la bombe, enfin un peu d’action. Je prenais un risque, c’est vrai, mais un risque calculé ; les intégristes islamistes, apparus au début des années 2000, avaient connu à peu près le même destin que les punks. D’abord ils avaient été ringardisés par l’apparition de musulmans polis, gentils, pieux, issus de la mouvance tabligh : un peu l’équivalent de la new wave, pour prolonger le parallèle [...]
l’espace d’une ou deux saisons, je m’étais retrouvé dans la peau d’un héros de la liberté d’expression. La liberté, à titre personnel, j’étais plutôt contre ; il est amusant de constater que ce sont toujours les adversaires de la liberté qui se trouvent, à un moment ou à un autre, en avoir le plus besoin.
" (pages 46-47).

Houellebecq (enfin, Daniel) parle très bien de son chien, ainsi que des voitures en général, un sujet qui pourtant ne me passionne pas :
"j’évoquai ma Bentley Continental GT, que je venais de troquer pour une Mercedes 600 SL – ce qui, j’en étais conscient, pouvait apparaître comme un embourgeoisement. S’il n’y avait pas de voitures, on se demande vraiment de quoi les hommes pourraient parler." (pages 123-124). Les choses ont évolué depuis 2005 et l'écriture du roman. Maintenant, en plus des voitures, les hommes parlent de leur smartphone (mon écran est plus grand que le tien), du nouveau forfait téléphonique auquel ils ont souscrit. Et puis encore et toujours de sport, bien sûr, avec quelques considérations météorologiquesà la clef (ne pas oublier de dire "pourvu qu'il ne pleuve pas pour Roland-Garros" avec une certaine émotion dans la voix).

Il y a aussi des considérations vraiment pas inintéressantes : "Avant Duchamp, l’artiste avait pour but ultime de proposer une vision du monde à la fois personnelle et exacte, c’est-à-dire émouvante ; c’était déjà une ambition énorme. Depuis Duchamp, l’artiste ne se contente plus de proposer une vision du monde, il cherche à créer son propre monde ; il est très exactement le rival de Dieu." (page 147).

Puis, un jour, Daniel fait une rencontre qui va changer sa vie, ou plutôt ses vies :
"Le couple était élohimite, c’est-à-dire qu’ils appartenaient à une secte qui vénérait les Élohim, créatures extraterrestres responsables de la création de l’humanité, et qu’ils attendaient leur retour. Je n’avais jamais entendu parler de ces conneries, aussi écoutai-je, au cours du dîner, avec un peu d’attention." (page 105).

Le roman bascule alors dans la description du fonctionnement d'une secte, avec ses problèmes (les relations extérieures ; la récolte de l'argent) et ses avancées scientifiques qui doivent aboutir à vaincre la mort. Ça tombe bien : Daniel vieillit.
"Dans le monde moderne on pouvait être échangiste, bi, trans, zoophile, SM, mais il était interdit d’être vieux. [...] Eh bien oui j’étais un homme vieillissant, j’avais cette disgrâce – pour reprendre le terme employé par Coetzee, il me paraissait parfait, je n’en voyais aucun autre ; cette liberté de mœurs si charmante, si fraîche et si séduisante chez les adolescents ne pouvait devenir chez moi que l’insistance répugnante d’un vieux cochon qui refuse de passer la main." (page 198)

La Possibilité d'une île est un roman très sombre, cynique, provocateur souvent très drôle. Il critique bien sûr la société contemporaine, sa bêtise (ce n'est pas difficile, mais même ainsi Houellebecq le fait très bien), mais il y a bien plus dans ce roman.
C'est très bon, même si les passages situés dans le futur, surtout au début du livre, ne sont pas toujours aussi intéressants que le reste. Heureusement, ils sont courts.
Ecoutons l'auteur parler de son roman bien mieux que moi :


le film

Par contre, le film réalisé par Michel Houellebecq lui-même (2008 ; Benoît Magimel interprète Daniel), est assez raté. Bizarrement, il est languissant, mou. Il y a beaucoup de silences, alors que le livre est plutôt bavard (mais dans le bon sens). Houellebecq a voulu tenter quelque chose de plus que la simple adaptation son livre, ce qui est bien ; mais il s'est malheureusement planté : il a fait d'un livre drôle, un film souvent ennuyeux.


      

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