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Philogelos (de Hiéroclès et Philagrios ?)

philogelos

Va te marrer avec les Grecs - Philogelos (Φιλόγελως). Traduit du grec ancien, annoté et postfacé par Arnaud Zucke. Mille et une nuits n°358. 92 pages.

"Le Philogelos (du grec ancien Φιλόγελως / Philógelôs signifiant « L'Ami du rire ») est le plus ancien recueil de blagues connu en Occident. Contenant 265 blagues en grec ancien, ce recueil date du IIIè ou IVè siècle de notre ère. Il est en tout cas postérieur à 248, car la blague 62 fait référence au millénaire de Rome qui fut célébré cette année-là. Préciser la date du recueil est difficile en raison de sa nature et du manque d'information sur ses auteurs. Selon Louis Robert : « Le fond du texte a été rédigé au IIIe siècle après J.-C., en utilisant des éléments antérieurs et avec des additions ou retouches postérieures ».

Le recueil est attribué à Hiéroclès et Philagrios, dont on sait très peu et qu'il ne faut pas confondre avec d'autres homonymes. Bien que le recueil soit le plus ancien connu, on a retrouvé chez Athénée que Philippe II de Macédoine avait financé un club à Athènes afin de recueillir les meilleures blagues de ses membres." (Wikipedia).

"On s'accorde à en situer une première rédaction au III° ou au IV siècle de notre ère, bien que les premiers manuscrits connus datent seulement du X° siècle. [...] les détails culturels et le vocabulaire, riche en emprunts latins et en termes byzantins, indiquent une composition étalée dans le temps avec des remaniements postérieurs. [...]
Cette collection de blagues antiques est la seule rescapée du genre.
" (postface, pages 79-80).

"On croit que l'humour antique loge exclusivement dans les comédies, et éventuellement dans une certaine «ironie » philosophique dont Socrate serait le patron. Mais l'humour était une pratique littéraire très répandue. Diogène-Laërce, célèbre biographe des penseurs les plus fins, ne peut exposer la vie des maîtres ou raconter leurs pensées sans les assaisonner de leurs bons mots, réparties ou boutades significatives. [...] Cicéron en personne était un boute-en-train qui, paraît-il, dans son métier d'avocat, sauva de nombreux clients grâce à des plaisanteries bien placées, malheureusement effacées de la version officielle qu'il donna de ses discours à son imprimeur." (page 82)

Les blagues sont regroupées par catégories.

La plus importante est la première : Histoires d'intellectuels. "Le scholasticos, que nous avons traduit par « l'intellectuel » est un homme qui a trop fréquenté l'école et les livres, et qui a un peu perdu le sens des réalités." (page 86)

Blague 3 : "C'est un intellectuel qui exerce la médecine. Quelqu'un vient le trouver et lui dit : « Docteur, quand je me lève le matin, pendant une demi-heure je vois tout sombre, et ce n'est qu'après que j'y vois clair. Le médecin lui répond : « Tu n'as qu'à te réveiller une demi-heure plus tard. »"
5 : "C'est un homme qui rencontre un intellectuel et lui dit : « Monsieur l'intellectuel, je vous ai vu en rêve et je vous ai parlé. - Je suis navré, répond l'autre, j'étais occupé, je ne vous ai pas remarqué. »"
15 : "C'est un intellectuel qui se met un bandage au pied après avoir fait un rêve dans lequel il marchait sur un clou. Un collègue lui demande pourquoi il porte un bandage et, en apprenant la raison, il s'écrie : « Pas étonnant qu'on nous traite d'imbéciles ! Quelle idée, aussi, de dormir pieds nus ! »"

On a donc de l'absurde et des paradoxes, mais on rencontre également de l'humour qui est devenu très classique :
12 : "C'est un intellectuel qui part en voyage. Un de ses amis lui demande de lui acheter deux jeunes esclaves, âgés chacun de quinze ans. « D'accord, dit l'autre, et si je n'en trouve pas, je t'en achète un de trente."

La plupart des blagues sont très courtes, quasiment un résumé, une trame. Parfois, pourtant, elles sont un peu plus étoffées :
56 : "C'est un intellectuel, un chauve et un coiffeur qui voyagent ensemble. Ils bivouaquent dans un endroit désert et décident de faire des tours de veille de quatre heures chacun pour surveiller leurs affaires. C'est au coiffeur que revient la première veille et, pour s'amuser, il rase l'intellectuel dans son sommeil ; puis il le réveille, une fois son quart terminé. L'intellectuel, en se réveillant, se gratte la tête et s'aperçoit qu'il n'a plus un cheveu. « Ah ! s'écrie-t-il, ce maudit coiffeur s'est trompé : au lieu de me réveiller, il a réveillé le chauve. »"

Puis vient la fameuse blague 62, qui fait référence à un événement que l'on peut dater :
"C'est un intellectuel qui assiste à la fête célébrant le millénaire de Rome. Apercevant un athlète en train de pleurer, il lui dit, pour le consoler : « Ne t'en fais pas ! Au prochain jubilé du millénaire, c'est toi qui gagneras. » "

Trois blagues avant d'aborder la catégorie suivante :
63 "C'est un intellectuel qui est l'assistant d'un gouverneur, borgne de l'oeil droit. Comme le gouverneur passe dans une vigne et loue la beauté des plants qui se trouvent sur sa gauche, l'intellectuel lui dit : « Au retour, vous verrez, l'autre côté vous plaira aussi ! »"
66 : "C'est un intellectuel qui voit sur une rivière une barque pleine de blé, et affaissée sous le poids. « Si le niveau de la rivière monte encore un peu, dit-il, la barque va être submergée. »"
67 : "C'est un intellectuel qui rencontre son beau-père de retour d'un voyage. Ce dernier lui demande des nouvelles de son meilleur ami. « En ce moment, il est d'excellente humeur, car il vient d'enterrer son beau-père.» "

Puis viennent deux histoires d'avares ; des histoires de vantards ; et une histoire d'idiots :
109 : "C'est un idiot qui est en procès. Il entend dire qu'aux Enfers les tribunaux rendent des arrêts justes... et, du coup, il se pend."
Bon, ça n'est pas très drôle, là.

Nous arrivons aux histoires d'Abdéritains (les habitants d'Abdère), qui ont apparemment une solide réputation de benêts. C'est l'occasion d'avoir plusieurs blagues de bon goût qui se moquent de gens atteints d'hydrocèle : par exemple la 118ème : "C'est un Abdéritain qui se promène et aperçoit un homme atteint d'hydrocèle en train de pisser. « Celui-là, s'écrie-t-il, il a de quoi pisser au moins jusqu'au soir ! »"

Les Abdéritains ne sont pas les seules victimes des blagues grecques. Les Sidoniens en font aussi les frais.

Après vient une catégorie à part : les histoires de gens spirituels. Dans ces blagues, contrairement aux catégories précédentes, l'humour est bien volontaire.
142 : "C'est un médecin qui soigne un homme spirituel qui souffre des yeux : tout en lui mettant de la pommade sur les yeux, il lui vole une lampe. Un beau jour, le médecin lui demande : « Comment vont vos yeux ? - Depuis que vous m'avez traité, répond l'homme, je ne vois plus la lampe... »"

Puis viennent les histoires de Cyméens. Ce ne sont vraiment pas des lumières, ces gens-là... Trois exemples :
154. "Pendant la procession funèbre d'une importante personnalité de Cymé, quelqu'un s'approche et demande aux gens suivant le convoi qui est le mort. Un Cyméen se retourne alors et dit, en faisant un geste de la main : « C'est lui, là, dans le cercueil. »"
160 : "C'est un Cyméen qui va voir un de ses amis. Une fois devant sa maison, il appelle son ami par son nom. Un voisin lui dit : « Crie plus fort, si tu veux qu'il t'entende. » Il laisse alors de côté le nom de son ami et crie : « Ohé ! Plusfort ! »"
177 : "C'est un médecin cyméen qui opère un malade. Comme ce dernier souffre terriblement et pousse des hurlements, le médecin change de scalpel pour en prendre un tout émoussé."

Suivent quelques blagues mettant en scène des grincheux, puis des gens incompétents. En voici une :
197 : "C'est un instituteur incompétent à qui l'on demande « Comment appellait-on la mère de Priam ? - Nous, en tout cas, répond l'instituteur qui n'en sait rien, par respect on dit "Madame"» "
Une note précise : "Le piquant de l'affaire est que la question est vraiment difficile, puisque la mère de Priam ne compte pas moins de six noms concurrents dans la tradition..."

À propos de notes, elles permettent de comprendre les blagues quand il s'agit de jeux de mots intraduisibles, de jeux d'homophonie, de polysémie, ou quand un Sidonien, par exemple, a compris un mot de travers.

Après les froussards viennent les fainéants (on est dans les catégories qui rappellent les Caractères de Théophraste, fait remarquer Arnaud Zucker dans sa postface) :
211 : "Ce sont deux fainéants qui dorment ensemble. Un voleur arrive, leur subtilise une couverture et l'emporte. L'un des deux hommes s'en rend compte et dit à l'autre : « Lève-toi ! Rattrape-le ! Il nous a volé une couverture ! » Mais l'autre répond : « Laisse courir ! On le coincera quand il reviendra pour prendre le matelas. »"

Après viennent les jaloux, les goinfres, les ivrognes, les gens à mauvaise haleine (qui souffrent d'halitose, précise le traducteur) :
231 : "C'est un homme ayant mauvaise haleine qui, voulant mourir d'une mort toute personnelle, s'enveloppe la tête dans un linge et ouvre grand la bouche."
233 : "C'est un homme ayant mauvaise haleine qui rencontre un sourd. « Salut ! lui dit-il. - Beurk ! fait l'autre. - Qu'est-ce que j'ai dit ? demande l'homme. - Tu as pété », répond le sourd."
242 : "C'est un homme ayant mauvaise haleine qui passe son temps les yeux tournés vers le ciel à faire des prières. Zeus se penche et dit : « S'il te plaît ! Je t'en prie ! Sous terre aussi, tu sais, il y a des dieux ! »

Viennent ensuite les femmes lubriques, les misogynes (ceux qui n'aiment pas leur femme, pas les femmes en général), et on va finir avec eux :
247 : "C'est un homme qui déteste sa femme. Celle-ci meurt et il procède aux funérailles. Quelqu'un demande : « Qui repose en paix ? - Moi, répond-il, maintenant je suis veuf. »"

 

Un recueil de très bonne qualité qui peut aussi donner un aperçu de la vie quotidienne des Grecs.
On peut s'étonner de la modernité des blagues (le recours fréquent à l'absurde, notamment), ou bien penser que, finalement, le sens de l'humour ne change pas (y compris dans les blagues de mauvais goût).
Peut-être est-il juste un peu plus difficile, à notre époque, de trouver de qui se moquer sans se prendre un procès...


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