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Nikos Kazantzakis (Νίκος Καζαντζάκης)
(Heraklion, 18/02/1883 - Fribourg-en-Brisgau, Allemagne, 26/10/1957)

 
kazantzaki

 

"Penseur influencé par Nietzsche et Bergson,dont il suivit l'enseignement à Paris, il fut également tenté par le marxisme et s'intéressa au bouddhisme. Bien que son œuvre soit marquée d’un réel anticléricalisme, il n’en reste pas moins que son rapport à la religion chrétienne laissa des traces fortes dans sa pensée: goût prononcé de l’ascétisme, dualisme puissant entre corps et esprit, idée du caractère rédempteur de la souffrance… Ainsi la lecture de la vie des saints, qu'il faisait enfant à sa mère,le marqua-t-elle durablement.

Mais plus que tout, c’est le modèle christique, et plus particulièrement l’image du Christ montant au Golgotha, qui traverse son œuvre comme un axe fondateur. Bien que libéré de la religion, comme en témoigne sans équivoque son fameux « Je n'espère rien, je ne crains rien, je suis libre »
[qu'il a fait graver sur sa tombe, à Héraklion], Kazantzaki restera donc l’héritier de cet « idéal Christ » qui se fond aussi, il faut le souligner, avec celui emprunté à la culture éminemment guerrière d’une Crète farouche encore sous le joug turc dans ses années d’enfance.

De ces deux apports Nikos Kazantzaki fera jaillir sa propre source : une éthique puissante où résonnent les mots lutte, « montée », refus des espoirs, quête d’une certaine immortalité à travers l’élaboration d’un surhomme qui s’incarnera dans l’Ulysse de son Odyssée, épopée poétique de 3333 vers qu’il considérait comme son Obra. Mais Nikos Kazantzaki fut aussi un homme d'action. Journaliste envoyé comme correspondant dans diverses régions du monde, notamment pendant la Guerre d'Espagne pour le quotidien Kathimeriní, il a par ailleurs exercé à diverses reprises des fonctions officielles en Grèce, notamment en organisant le rapatriement des centaines de milliers de réfugiés micrasiates à la suite de la révolution russe de 1917 et au démantèlement de l’Empire ottoman en 1922 et un bref passage au gouvernement après la Seconde Guerre mondiale. Il fut lauréat du Prix international de la paix en 1950. Il est aussi l'un des instigateurs du renouveau de la langue grecque moderne, la dimotikí, inspirée des traditions orales (plutôt que du grec ancien) dans laquelle il a traduit de nombreux ouvrages de référence. Notons que ses romans, bien connus des lecteurs français,ne représentent qu'une toute petite partie de la production littéraire de cet auteur prolifique qui a su explorer quasiment tous les genres littéraires.

Níkos Kazantzákis était tout autant un homme d'action qu’un érudit. « Un homme véritable est celui qui résiste, qui lutte et qui n'a pas peur au besoin de dire Non, même à Dieu. » (Lettre au Greco) Tel était le moteur de sa vie. Sa quête d'authenticité et de vérité l'a mené à travers le monde sur des terrains glissants (guerre balkanique, guerre d’Espagne, Russie et Chine en révolution). Il alla de pays en pays, de doctrine en doctrine, épousant bien des causes qui touchaient son cœur." (Wikipedia, où l'on trouvera aussi une chronologie de la vie de l'auteur, et notamment : "En 1917, il rencontre Georges Zorbas, future icône d'Alexis Zorba, et exploite une mine avec lui...").

 

alexis zorba
Est de Santorin, 18 mai 2014.
"Heureux, pensai-je, l'homme à qui il a été donné, avant de mourir, de naviguer dans la mer égéenne.
Nombreuses sont les joies de ce monde - les femmes, les fruits, les idées. Mais fendre cette mer-là, par un tendre automne, en murmurant le nom de chaque île, je crois qu'il n'est pas de joie qui, davantage, plonge le coeur de l'homme dans le Paradis.
" (page 23)

Alexis Zorba (Βίος και Πολιτεία του Αλέξη Ζορμπά, 1946). Traduit du grec en 1947 par Yvonne Gauthier avec la collaboration de Gisèle Prassinos et Pierre Fridas. Pocket. 348 pages.

Nous sommes dans les années 1930. Le roman commence ainsi :
"Je le rencontrai pour la première fois au Pirée. J'étais descendu au port prendre le bateau pour la Crète. Le jour allait se lever. Il pleuvait. Un fort sirocco soufflait et les éclaboussures des vagues arrivaient jusqu'au petit café. Les portes vitrées étaient closes, l'air sentait le relent humain et l'infusion de sauge." (page 9).
Zorba arrive. Il demande au narrateur, qu'il ne connaît pas, de l'emmener. Ensemble, ils vont aller en Crète, dans un petit village, où le narrateur va tenter d'exploiter une mine.

Le narrateur est un jeune intellectuel qui a des problèmes existentiels assez classiques, mais à tendance bouddhiste, qu'il essaye de coucher sur le papier (que faire de sa vie ? la vie a-t-elle un sens ? etc. "la religion s'était dégradée en moi : elle était devenue art", page 197).
Zorba, de son côté, prend la vie comme elle vient : il tient surtout à être libre.
Qu'importent les livres ! Il faut vivre, c'est tout. Ce sont les hommes qui sont importants, pas les mots.

L'intellectuel est fasciné par l'énergie de Zorba, qui a vu du pays et a exercé un nombre considérable de métiers.
Voici Zorba qui parle à son patron : "A ce que je comprends, ta seigneurie n'a jamais eu faim, jamais tué, jamais volé, jamais couché avec la femme d'un autre. Qu'est-ce que tu peux donc savoir du monde ? Cervelle d'innocent, chair qui ne connaît pas le soleil... murmura-t-il avec un évident mépris.
Et moi, j'eus honte de mes mains délicates, de mon visage pâle et de ma vie qui n'était pas éclaboussée de sang et de boue.
- Soit ! fit Zorba en passant sa lourde main sur la table, comme s'il effaçait avec une éponge. Soit !
" (page 30).

Zorba, du fait que son patron a beaucoup lu, lui pose fréquemment des questions auxquelles il n'a pas réponse.
"Moi, quand je me débats avec des chiffres, je voudrais me fourrer dans un trou de la terre, pour ne rien voir. Si je lève les yeux et que je voie la mer, ou un arbre, ou une femme, même une vieille, hein ! va te faire fiche ! voilà les calculs et les cochons de chiffres qui foutent le camp, on dirait qu'il leur pousse des ailes... [...] Il y a des cas où même le sage Salomon... Tiens, un jour, je passais dans un petit village. Un vieux grand-père de quatre-vingt-dix ans était en train de planter un amandier. « Eh ! petit père, je lui fais tu plantes un amandier ? » Et lui, courbé comme il était, il se retourne et il me fait : « Moi, mon fils, j'agis comme si je ne devais jamais mourir. » Et moi, je lui réponds : « J'agis comme si je devais mourir à chaque instant. » Qui ne nous deux avait raison, patron ?
Il me regarda, triomphant :
- C'est ici que je t'attends, dit-il.
Je me taisais. Deux sentiers également montants et hardis peuvent conduire au sommet.
" (page 44).

Que racontent les livres que lit notre intellectuel ?
"Ils disent la perplexité de l'homme qui ne peut répondre à ce que tu demandes, Zorba." (page 303).

Zorba est très attiré par les femmes. Il y a notamment une veuve d'une très grande beauté, mais sans doute inaccessible pour Zorba.
Ecoutons deux villageois parler d'elle.
"Dieu la protège ! Tu n'as peut-être pas vu les enfants qui naissent dans notre village depuis quelque temps ? Ils sont beaux comme des anges. Tu peux me dire pourquoi ? Eh bien, c'est grâce à la veuve ! Elle est comme qui dirait la maîtresse de tout le village : tu éteins la lumière et tu te figures que ce n'est pas ta femme que tu tiens dans tes bras, mais la veuve. Et c'est pour ça, tu vois, que notre village met bas de si beaux enfants !" (page 114).

La naïveté de Zorba, qui fait mine de tout découvrir (les mulets, par exemple, page 176... d'accord, il y a du gros symbolique derrière, mais quand même...), est parfois un petit peu agaçante, forcée.
Et l'opposition "intellectuel qui ne fait rien/manuel plein de bon sens et actif" est parfois un peu facile, mais malgré ces petits défauts, le livre marche vraiment bien, avec des personnages hauts en couleurs, une certaine profondeur...
"Tout village a son innocent, et, s'il n'en a pas, il s'en fabrique un pour passer le temps. Mimitho était l'innocent du village." (page 115).
Et les descriptions de fêtes ou cérémonies populaires sont souvent réussies. Nous voici à Noël :
"Tous les villageois s'étaient entassés dans la ruche chaude et parfumée de l'église. Devant, les hommes. Derrière, mains croisées, les femmes. Le pope Stéphane, grand, exaspéré par son jeûne de quarante jours, revêtu de sa lourde chasuble d'or, courait, de-ci, de-là, à grandes enjambées, agitait l'encensoir, chantait à tue-tête, pressé de voir naître le Christ et de rentrer chez lui pour se jeter sur la soupe grasse, les saucissons et les viandes fumées..." (page 135).

Un bon livre, donc, bien meilleur (d'après mon lointain souvenir) que le film (pour lequel le sirtaki a été inventé, soit dit en passant).

 

 

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