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AKASAKA Mari

(Tokyo, 1964 -)

akasaka mari

Akasaka Mari est née en 1964. Diplômée de sciences politiques.
Elle a été rédactrice de magazines.

vibrations

Vibrations (Baiburêta, 1999, 134 pages, Editions Philippe Picquier, traduit par Corinne Atlan). Nominé au prix Akutagawa.

Ce court roman commence avec un style subjectif, heurté (mais pas autant que Charivari, de Machida Ko) :
"Crève, vieux ringard !
Cette fille aussi, qu'elle crève.
Dans ma tête, les voix s'énervent.
Pourquoi tu t'es tue, pourquoi tu t'es figée au lieu de riposter, ils sont nocifs, ces gens-là, il fallait leur régler leur compte, non ?
Mes pensées tourbillonnent dans ma tête, m'accablent de reproches. Je proteste faiblement. « C'est pas ça, je vous dis. » Soudain les mots s'interrompent, mes pensées s'arrêtent. Une voix que je ne contrôle pas profite de cet espace pour intervenir :
« C'est pas sage, je bous, dis »
" (page 5).

Tout cela se passe dans la tête de notre héroïne, Rei, qui fait des reportages pour des magazines.
Elle a un petit problème : elle entend des voix, qui envahissent l'espace de ses pensées :
"J'ai dit exprès à voix basse : « Tu es venue ici acheter du vin, rappelle-toi  », pour essayer de me réapproprier mes pensées. J'improvise une petite mélodie : « Du vin blanc, du vin blaaanc, pas du vin acide on n'en veut pas, non non non nooon on n'en veut paaaas ! » (page 6)
" Ca y est, ça recommence à parler dans ma tête. Bla bla bla bla bla bla bla bla bla bla bla bla bla bla bla bla. Et ça reprend en boucle : bla bla bla bla bla bla bla bla bla bla.
Vos gueules ! J'ai fini par crier.
" (page 6).

Cette cacophonie l'empêche de dormir.
"Au bout d'un moment, j'ai découvert le mécanisme qui me permettait de dormir en buvant de l'alcool. Les voix commençaient à diminuer. Un espace s'ouvrait entre leurs interactions, puis elles s'éteignaient, et moi je sombrais dans le gouffre paisible du sommeil. Ma lune de miel avec l'alcool a cependant été de courte durée.
Une fois qu'on a commencé, on tombe vite dans le piège de boire sans s'arrêter. C'est sans fond. Bientôt ce n'est plus pour dormir que je bois, il n'y a plus que l'alccol et moi au monde. Je me fiche pas mal du lendemain, le monde se limite à moi et à l'alcool que j'absorbe.
" (page 9-10).

De fil en aiguille, elle va plus loin :
"Ensuite, dans la série des méthodes magiques, j'ai appris à me faire vomir. Comme j'avais commencé à grossir à cause de l'alcool, je faisais d'une pierre deux coups. C'est en allant interviewer une fille qui avait des problèmes avec la nourriture que j'ai eu la révélation divine. Cette fille m'a dit : « Je suis boulinorexique. » Boulinorexique ? Celles qui refusent de s'alimenter sont des anorexiques et celles qui se goinfrent sans arrêt sont des boulimiques, mais celles qui mangent et se font vomir après s'appellent entre elles dans leur jargon des "boulinorexiques". [...] On aurait pu voir à travers elle, elle avait des jambes si maigres qu'on distinguait la moindre articulation, le moindre tendon, mais ça ne l'empêchait pas de porter une minijupe. Drôle de sens de l'esthétique. Elle a dit : je voudrais qu'on construise une statue à mon image dans la baie de Tôkyô, je pense que je suis la plus belle du monde ! Et je veux vraiment arriver au top. Si personne ne me remarque, je préfère encore être malade. Ça commence comme ça, la boulinorexie." (page 11).

Elle se met donc à se faire vomir, ce qui donne des passages... euh... savoureux.
"Se faire vomir, c'est triplement bon : on a le plaisir de manger, celui de maigir en vomissant, et en plus on dort comme un bébé."
Elle explique tout bien en détail. Se faire vomir devient une vraie drogue. On apprend un tas de détails pratiques. Par exemple, Rei ne vomit que des aliments pas encore digérés.
"Quand les aliments sont mélangés au suc gastrique, vomir devient douloureux, c'est comme si on vous essorait l'épigastre, et l'acidité attaque la membrane de l'oesophage et les dents." (page 15).
C'est bon à savoir !

La première partie du roman est donc sympathiquement tordue, dans le genre de Serpents et Piercings ou d'autres livres qui affichent la volonté un peu trop évidente de faire "différent" ou de choquer par la crudité des descriptions.

Malheureusement, cela ne dure pas. Ce n'était qu'un préalable au "vrai" roman, et c'est là que les choses se gâtent.
Rei rencontre un chauffeur de poids lourds : "Okabe avait l'air plutôt calme et taciturne, mais quand on lui donnait l'occasion, il bavardait volontiers." (page 65). Et voilà qu'on tombe dans un travers pénible : l'apparition du gars un peu mystérieux, qui vit en accord avec lui-même, grand philosophe à deux balles de la vie, le type qui a essayé plein de trucs, qui a roulé sa bosse, et qui comprend tout de la psychologie tordue de la fille sans qu'elle ait rien à dire, il l'accepte comme elle est, tout ça.
Ce personnage qui semble tout droit sorti d'un mauvais manga est une vraie plaie, un ectoplasme sans profondeur, le bouche-trou d'une histoire dans laquelle il manque un personnage.
Dans l'Attrape-Coeurs (de J.D. Salinger), Holden Caulfield parle ainsi de son romancier de frère : "Maintenant D.B. se prostitue à Hollywood", bref, il écrit là-bas des scénarios commerciaux pour se faire de l'argent facile. Eh bien, on a l'impression que c'est un peu pareil ici : après un bon début, certes tape-à-l'oeil, Akasaka utilise les ficelles du commercial actuel : sexe cru et malaise existentiel banalement rendu.

Tout cela ne ferait pas assez de pages pour un roman, même court, alors on a droit à de la psychologie de remplissage : "Je ne sais pas si c'est simplement par manque d'habitude mais quand je fais de longs déplacements, j'ai du mal à avoir le sentiment de ma propre continuité dans les diffférents lieux où on s'arrête. Les paysages changent du tout au tout en seulement une heure; et chaque fois qu'on s'arrête, j'ai l'impression d'exister uniquement dans ce moment et ce lieu particuliers." (page 105)
Ah la la, ce qu'il ne faut pas lire...

Et tout ça pour finir (sans rien dévoiler du peu qu'il y a à cacher) sur pas grand chose. Il paraît (voir sur http://www.orient-extreme.net/index.php?menu=litterature&sub=critiques&article=16 que Vibrator, le titre original en japonais, aurait dû se traduire par "vibromasseur", et pas par "vibrations" (titre qui met plus l'accent sur les voix qu'elle entend, et sur les émissions radios captées dans le camion). Et que le camionneur sert de "nourriture" à notre héroïne, qu'au fur et à mesure qu'elle l'"absorbe" (il est un objet sexuel pour elle), elle se reconstruit. C'est sans doute ce qu'a voulu montrer Akasaka Mari. Mais bon, le cliché du camionneur...

Un peu d'arithmétique : 30 pages intéressantes + 100 pages assez inutiles = au final, roman ban(c)al et un peu vain.

Autres livres, non encore traduits en français :
- Kibakusha (1995).
- Chô no Hifu no Shita (1997)
- Vanille (1999).
- Calling (1999).
- Myuzu (2000) Prix Noma. Nominé au prix Akutagawa.
- Kare ga Kanojo no Onna datta Koro (2003)


Film tiré de son oeuvre :
- Vibrator (d'après Vibrations), réalisé en 2003 par Hiroki Ryuichi, avecnotamment Shinobu Terajima (qui était très bien dans Le Soldat Dieu - Kyatapirâ, 2010 -de Kôji Wakamatsu).
vibrator

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