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HARA Tamiki

(Hiroshima, 15/05/1905 - Tokyo, 13/03/1953)

tamiki hara

Né à Hiroshima en 1905, Hara Tamiki a fait ses études à Tôkyô : il entre à l'Université Keiô, où il fait des études de lettres.
Il est timide, sensible.
Il écrit des poèmes, des nouvelles ; intéressé par le dadaïsme et le marxisme, il participe un moment à des mouvements de gauche. Il fait une tentative de suicide, se sentant trahi par une ancienne prostituée qu'il voulait sortir de son milieu.
En 1932,il est diplômé de littérature anglaise.
En 1933, il se marie.
En 1935, il publie son premier recueil de nouvelles, Flammes.
Il enseigne l'anglais à partir de 1942 à Funabashi (préfecture de Chiba).
Sa femme meurt en 1944.
Il décide de retourner à Hiroshima en 1945 et s'y trouve lorsque la Bombe explose.
Il écrira par la suite nombre de nouvelles et poèmes sur le thème de la bombe atomique. "Le 6 août a été la révélation et même la réalisation de tout ce qu'il avait pressenti et de tout ce qui l'avait effrayé depuis longtemps. Dès ce moment, il a concentré toute son activité littéraire sur l'expression de ce qu'il a vu et sur la recherche de sa signification.") (Nagao Nishikawa, Le roman japonais depuis 1945, PUF, 1988, pages 78-79).

Dix mois après le début de la guerre de Corée, il se suicide en se jetant sous un train.
"Il était peut-être trop faible. Mais on peut tout de même se demander lequel est le plus normal en tant qu'être humain : celui qui est capable de recommencer la guerre même après l'expérience de Hiroshima ou celui qui se suicide dans la peur d'une guerre qui anéantirait le monde et l'humanité ?" (Nagao Nishikawa, Le roman japonais depuis 1945, PUF, 1988, page 86).

fleurs d'été

- Hiroshima, fleurs d'été (Babel, 2007, 128 pages).
Contient trois récits, qui suit une famille à Hiroshima avant, pendant et après l'explosion de la Bombe A.

1/ Prélude à la destruction (Kaimetsu no joyoku, janvier 1949, traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle).
Un homme, Shôzo, revient à Hiroshima, où vivent ses deux frères et sa soeur.

"Mais il trouvait que ses frères avaient beaucoup changé pendant cette longue séparation. Est-ce que lui-même n'avait pas changé justement ?... Mais non. Tous, absolument tous, exposés au danger qui se rapprochait de jour en jour, allaient changer encore plus, il en était certain." (page 18).

Tension, alertes aériennes... Les habitants se préparent à des bombardements, à des incendies... Hiroshima est quasiment épargnée alors que les villes aux alentours sont détruites. Qu'est-ce que cela prépare ? Les habitants sont prêts à partir de jour comme de nuit.
On abat des maisons pour empêcher préventivement un futur incendie de tout ravager :
"Et un jour, il crut voir au milieu de ce tableau un vol de mouettes immaculées. C'étaient des écolières en service bénévole. Elles étaient en train d'ouvrir leur boîte à déjeuner et leur veste blanche brillait au soleil au milieu des débris étincelants.
" (pages 27-28).
Dans une librairie d'occasion, un jeune homme demande un livre sur l'astrologie... Les temps sont incertains.

Il y a de nombreuses références à la littérature occidentale : Goethe, Gide, Poe, Tolstoï ("Il se souvenait parfaitement de ce paysage où il avait l'habitude de se promener étant enfant, et le ciel étoilé qui s'étendait au-dessus de sa tête lui rappelait les champs de bataille. C'était la splendeur de la nature reflétée dans le regard d'un personnage de Guerre et Paix, un coeur qui retrouve le calme... Quelque chose d'équivalent viendrait-il le visiter au moment de sa mort ?", page 59).

Le récit se finit par cette phrase : "Les chauds rayons du soleil illuminaient le ciel paisible au-dessus du lilas indien... Il restait une quarantaine d'heures avant que la bombe atomique ne fût lâchée sur la ville." (page 68).


2/ Fleurs d'été (Natsu no hana, juin 1947, traduit par Brigitte Allioux). Il s'agit, chronologiquement, du premier texte des trois récits que l'auteur a écrit.
On est le 6 août. Le récit précédent était à la troisième personne. Dans les deux récits suivants, c'est "je" qui est utilisé.
Le narrateur est aux toilettes quand la bombe explose.
"Quelques secondes plus tard, je ne sais plus exactement, il y eut un grand coup au-dessus de moi et un voile noir tomba devant mes yeux. Instinctivement, je me mis à hurler et, prenant ma tête entre mes mains, je me levai. Je n'y voyais plus rien et n'avais conscience que du bruit : c'était comme si quelque chose telle une tornade s'était abattu sur nous." (page 70).

Dehors, c'est la désolation, et même pire. Quelques extraits :
"C'est alors que, juste au milieu de la rivière, un peu plus bas, je vis se déplacer vers nous une énorme couche d'air, transparente, toute agitée d'oscillations. J'eus à peine le temps de penser à une tornade que déjà un vent d'une violence terrible passait au-dessus de ma tête. Toute la végétation alentour se mit à trembler et presque au même instant la plupart des arbres furent arrachés du sol et emportés en l'air. Dans leur folle danse aérienne ils allèrent se ficher comme des flèches dans le chaos ambiant." (page 79).
"Sur la grève, sur le talus au-dessus de la grève, partout les mêmes hommes et les mêmes femmes dont les ombres se reflétaient dans l'eau. Mais quels hommes, quelles femmes... ! Il était presque impossible de reconnaître un homme d'une femme tant les visages étaient tuméfiés, fripés. Les yeux amincis comme des fils, les lèvres, véritables plaies enflammées, le corps souffrant de partout, nus, tous respiraient d'une respiration d'insecte, étendus sur le sol, agonisant. A mesure que nous avancions, que nous passions devant eux, ces gens à l'aspect inexplicable quémandaient d'une petite voix douce : "De l'eau, s'il vous plaît, de l'eau...", ou encore nous suppliaient : "Faites quelques chose, sauvez-nous..." [...] Sur l'escalier de pierre, à un mètre à peine du cadavre, il y avait deux femmes accroupies. Leurs visages enflés, tordus, horribles à voir, avaient presque doublé de volume, et seuls leurs cheveux, emmêlés et brûlés, indiquaient qu'il s'agissait de femmes."

Page 82 : "Un soldat accroupi au bord de l'eau suppliait qu'on lui fît boire de l'eau chaude : je l'emmenai accroché à mon épaule. Il avait l'air de souffrir beaucoup en avançant, chancelant sur le terrain sablonneux ; puis soudain, comme s'il vomissait, il dit d'une petite voix : "J'aurais mieux fait de mourir...." Alors moi, découragé, je l'approuvai en silence et ne pus prononcer aucun mot. C'était comme si la bêtise aveugle, une colère sans borne nous unissait."

Le narrateur voit nombre de gens dont "les cheveux étaient rasés en ligne droite, juste au niveau de l'oreille. (Plus tard, à force de voir des blessés avec cette coupe si particulière, je compris que c'était la marque du chapeau en dessous duquel les cheveux avaient été brûlés.)" (page 82)
"[...] l'expression humaine des cadavres avait fait place à une sorte de rictus mécanique de mannequin. Les corps, dans un ultime instant de lutte contre la souffrance, semblaient s'être raidis dans un rythme troublant. [...] Les trains qui paraissaient s'être renversés comme un rien, les chevaux à terre qui avaient laissé tomber leurs immenses carcasses faisaient penser au monde de la peinture surréaliste. Les grands camphriers du temple Kokutaiji avaient été déracinés, les pierres tombales soufflées et éparpillées." (page 91)

3/ Ruines (Haikyo kara, novembre 1947, traduit par Karine Chesneau).
La radio annonce l'armistice.
"Le soir, je pris à travers les rizières encore vertes pour descendre vers la digue de la rivière Yahata. C'était un petit cours d'eau peu profond, mais limpide, et sur les pierres se reposaient des libellules noires. En chemise, je me trempai dans l'eau, puis repris mon souffle dans une grande inspiration. Quand je tournai la tête, je vis la chaîne des montagnes de basse altitude qui absorbait doucement les teintes du crépuscule et au loin, un sommet touché par les rayons du soleil brillait d'un éclat éblouissant. Ce paysage était irréel. On n'avait plus à craindre de raids aériens et maintenant, le silence se propageait enfin dans la voûte céleste qui retrouvait la paix." (page 100).

La paix semble reprendre ses droits... mais l'horreur est toujours là.
"Il restait bien dix mille corps non identifiés." (page 100). Ceux qui mangent des poissons contaminés meurent.
"Et les gens que l'on avait vus à nos côtés en bonne santé à ce moment-là tombaient malades par la suite, atteints de septicémie ; une angoisse que l'on ne pouvait encore définir nous hantait cruellement." (page 100-101).
Après la tension de l'attente, l'horreur de la tragédie, l'angoisse.
On pleure les morts, on refait le passé : "Et si..."
La situation est difficile pour les vivants : "Le corps agité de frissons à cause de la faim, le fils de ma soeur cadette engloutissait des sauterelles." (page 122).
Nombreux sont les disparus, et les gens qui recherchent une personne...


Bien sûr, on a déjà vu de nombreuses fois l'horreur d'Hiroshima, que ce soit dans des documentaires ou en films (notamment dans La Pluie Noire, de Imamura Shohei d'après Ibuse Masuji), mais les textes de Hara Tamiki restent vraiment très forts.
Il ne cherche pas à faire de la littérature, il raconte ce qu'il a vu, et il était un vrai écrivain : ses textes dépassent largement le simple témoignage (comme on dit actuellement). Ca continue à faire mal.


On pourra trouver la majeure partie du deuxième récit, Fleurs d'été sur : http://www.dissident-media.org/infonucleaire/59_aniv.html


Sur Hiroshima, on pourra lire le témoignage de Tôhara Hisashi, Il y a un an Hiroshima.


D'autres oeuvres, non traduites en français :
- Le Jour du malheur (1949)
- Requiem (1949)
- Instant fatal (1950)
- Pays de rêve (1951).


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