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KUWAHARA Yasuo (? - 1980) et Gordon T. ALLRED



 kuwahara yasuo     version anglosaxonne ancienne   version anglo-saxonne récente
La version française à gauche, puis deus versions anglo-saxonnes : "The most influential and best written account yet of the Kamikaze", proclame la couverture ; dans le point rouge : "Nouvelle version revue et mise à jour"

- J'étais un Kamikaze (publié en 1957). Editions Jourdan. 256 pages. Signé par Yasuo Kuwahara et Gordon T. Allred.

Dans un article du "Rocky Mountain Review of Language and Literature" daté d'automne 2007, Robert M. Hodge présente ce livre important, puisqu'il a donné un visage humain aux kamikazes jusque-là présentés de façon stéréotypée comme des fanatiques.
Voici dans quelles conditions le livre a été conçu par l'équipe Allred/Kuwahara :
"
A l'été 1955, Allred [âgé de 25 ans] était membre de l'Armée Américaine stationnée à Kobe. Là, il a fait la connaissance de Kuwahara, un Japonais de 26 ans qui travaillait au camp, un homme qui se disait être un kamikaze survivant. Allred, écrivain freelance, lui demanda s'il pouvait l'interviewer, pour un article de magazine, sur ses expériences : dix-huit mois d'entraînement, puis pilote de combat dans l'Armée Japonaise. Kuwahara accepta de raconter son histoire, qui fut plus tard "factuellement" validée par Yoshiro Tsubaki, le commandant de Kuwahara à Hiro et Oita, et par Seiji Hiroi, un pilote. Allred s'entretint avec Kuwahara chaque jour pendant l'heure de pause de midi pendant dix mois jusqu'au départ du Japon d'Allred, aboutissant à un article publié en janvier 1957 sous le titre "J'étais un pilote kamikaze". (Rocky Mountain Review of Language and Literature, automne 2007 ; voir : http://www.jstor.org/stable/20058201 ).
Cette validation ne se fit que par courrier, et pour les points clés : première place au championnat de pilotage, entrée à l'âge de quinze ans dans l'Air Force japonaise, missions à Okinawa avec des kamikazes, etc.
Après la publication de l'article dans le magazine Cavalier, Allred a été contacté par un éditeur (Ballantine Books) pour en faire un livre. Il se vendit à 500 000 exemplaires et fut traduit dans plusieurs langues.

Allred écrit que, deux ou trois ans après la publication du livre la femme de Kuwahara décéda de leucémie. Kuwahara s'installa avec son fils près d'Hiroshima où il avait hérité d'une orangerie. Il se remaria et eut trois autres enfants. Il se lança dans la photographie. Il est décédé en 1980.

Robert M.Hodge dit avoir perçu des échos de l'impressionnisme et la psychologie de Stephen Crane (La Conquête du Courage), le sentiment de tragédie finale d'Erich Maria Remarque (A l'Ouest, rien de nouveau), les vignettes réalistes d'Hemingway (son recueil De nos jours - In our time), et même L'Etoffe des Héros de Tom Wolfe (écrit en 1979) ; "J'étais un Kamikaze" étant plus que ces simples échos, un livre bien fait, mais sujet à controverse : ce qu'il raconte est-il vrai, ou bien n'est-ce qu'une supercherie ?

En 2000, dans le cadre de la préparation d'un film consacré aux Kamikazes, des recherches eurent lieu. À cette occasion, deux hommes affirmèrent que Kuwahara avait raconté des histoires, qu'il n'avait été qu'un étudiant parmi d'autres qui avait travaillé sur une base militaire pendant l'effort de guerre.

Dans une édition récente, en 2007, Allred consacre quelques pages à une "Explication vitale". Il dit ne jamais avoir eu la moindre raison de douter de quoi que ce soit de ce que Kuwahara a raconté, qu'il répondait à n'importe quelle question, quelle que soit sa difficulté ou sa technicité, ne se contredisant jamais.

Que ce soit vrai ou non, le livre est cohérent avec la réalité historique, écrit Allred en 2007. L'éditeur de la version remaniée par Allred pour améliorer la qualité littéraire ajoute que de toute façon, l'objectif initial n'était pas de faire un documentaire académique pour la recherche historique, mais une oeuvre de littérature. De plus, le livre a été traduit en japonais et publié sans que personne ne dise qu'il s'agissait d'une supercherie ; il ne doit donc de toute façon pas être bien loin de la réalité.

Il y a au moins dix problèmes ou incohérences (dates, type d'avions, noms de kamikazes ne figurant pas dans les archives japonaises qui sont maintenant plus facilement accessibles que dans les années cinquante...) mentionnés sur la page : http://www.kamikazeimages.net/books/fiction/kuwahara/kamikaze.htm et qui font, pour moi, pencher la balance en faveur de la fiction.


shikishima
Seki et les hommes de l'unité « Shikishima » pendant le toast cérémonial, peu avant leur départ pour la première attaque-suicide.


La version française se base visiblement sur la première version du texte, pas sur celle remaniée ultérieurement.

"Ce fut à l’âge de quinze ans que me revint la grave mission d’incarner à mon tour les traditions d’honneur militaire du Japon. Je venais de remporter le championnat national de vol à voile.
À quatorze ans, alors que je faisais mes études à l’Institut d’Onomichi, je fus autorisé à participer aux cours d’entraînement au vol à voile organisés par la préfecture d’Osaka. Cet entraînement avait deux avantages : en premier lieu, il me permettait de donner corps à mon plus beau rêve, en second lieu, alors qu’en raison de la guerre beaucoup d’élèves étaient obligés de travailler une partie du temps dans des usines, on me donnait la permission de voler en planeur deux heures chaque jour. Tous les étudiants participaient à la production de matériel de guerre ou se préparaient aux combats futurs en apprenant le judo, l’escrime ou le tir. Même les écoliers des classes primaires s’exerçaient contre des mannequins avec des bambous taillés en pointe.
"

Notre héros devient champion de vol à voile de l'Empire nippon, gloire à lui !

Du coup, il reçoit bien vite la visite d'un Capitaine de l'Armée de l'air impériale.
"Je me trouvais dans la pièce voisine, tendu à l’extrême, car je savais que cette visite laissait présager quelque chose de fort important. Pourtant les premiers mots échangés entre notre hôte et mon père étaient absolument banals.
- L’hiver approche, observa le capitaine.
- Oui, en effet, répliqua mon père.
"
C'est bien connu : Winter is coming !
Le père dit à son fils :
"Peut-être seras-tu parmi ceux qui conquerront les États-Unis !"
Mais on n'en est pas encore là. Notre héros va subir des mois de formation.

"La base aérienne de Hiro n’était qu’à deux heures de train de ma maison. J’allais y vivre comme sur une autre planète.
Les soixante nouvelles recrues furent cantonnées dans quatre des quarante-huit baraquements de la base. [...]
Dès notre arrivée et pendant toute la durée de notre entraînement, ce fut si terrible que quelques-uns d’entre nous ne purent survivre.
En fait, les prisonniers américains, « victimes des atrocités japonaises », souffrirent moins que nous. Ils eurent à se plaindre mais ils ne furent jamais plus mal traités que nous. Quoi que nous fassions, le « hancho » [sergent instructeur] trouvait toujours matière à punition. La coercition faisait partie du programme et avait un double but : maintenir une discipline de fer et développer un invincible esprit de lutte.
"

Les nouvelles recrues se font frapper à coups de bâton.
Notre héros survit. Viennent enfin les cours de pilotage.
"Le cours de notre existence changea brusquement. Maintenant que nous étions promus pilotes de chasse, on nous traitait avec plus de courtoisie. Le régime des punitions avait disparu et toutes nos préoccupations étaient centrées autour de l’entraînement final."
Mais la guerre se passe mal pour le Japon. Des "groupes spéciaux d'attaque", Tokotai ou kamikaze, sont mis en place.

 

kamikaze
Début 1945 : Ecolières de Chiran (près de Kagoshima) agitant des branches de cerisiers fleuris pour le départ d'un Kamikaze à bord d'un Nakajima Ki-43.


"Pendant les dix mois qui nous séparaient de la capitulation, plus de cinq mille appareils contenant un - ou parfois deux hommes - allaient être lancés dans ces vols suicide.
« Un Samouraï doit vivre toujours prêt à mourir. » « Sache bien que l’honneur a plus de poids qu’une montagne et que la mort doit te sembler plus légère qu’une plume. » Telle est la tradition séculaire d’une religion nationale : le shintoïsme.
"

"Laissez donc toutes ces notions d’honneur et de gloire ! Il n’y a rien d’honorable dans le fait de mourir pour une cause perdue !" dit la mère d'un ami qui a eu la jambe déchiquetée.

En effet, ce code de l'honneur, qui pousse au sacrifice même en sachant qu'il est parfaitement vain, n'est-il pas une perversion du code du Samouraï ? N'y a-t-il pas plus de mérite à survivre ? (C'est un des thèmes du livre Le Masque du Samouraï, d'Aude Fieschi).
La position de notre héros, qui est d'abord choqué par ce que dit la mère de son ami, va évoluer au cours du livre.

"L’idée d’envoyer délibérément à la mort des milliers de nos soldats germa dans l’esprit du colonel Motoharu Okamura, de la base aérienne de Tateyama. Son plan fut présenté en secret au vice-amiral Takijiro Onishi et fut plus tard approuvé par le Dahonei.
Okamura était convaincu que les missions suicide pourraient changer le cours de la guerre.
"

On va assister à quelques duels aériens. Puis, la situation ne s'améliorant pas pour le Japon, il va y avoir de plus en plus de kamikazes. Les pilotes vivent en attendant le moment où ils recevront l'ordre de mourrir. Notre héros a pour mission de les escorter vers la cible et de revenir pour faire le compte-rendu.
Il sait que, un jour prochain, il devra lui aussi plonger vers l'ennemi. Comment vivre en attendant, en voyant ses amis partir les uns après les autres ? Comment ne pas avoir ses certitudes ébranlées par tant de sacrifices inutiles ?

C'est un livre très intéressant (par exemple, les réactions entre les partisans de la guerre à tout prix et les autres, plus modérés, notamment lors de la reddition), prenant, même si on peut avoir de sérieux doute sur la véracité de tout ce qui est relaté (la fin est un peu "too much" : notre héros se trouve à Hiroshima lors du largage de la Bombe... D'accord, les hasards arrivent, mais cela paraît bien servir la construction du livre).


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