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MATSUI Kesako
(Kyoto, 28/09/1953- )

 Matsui Kesako

 


"Matsui Kesako, née à Kyôto en 1953, a été élève de la prestigieuse université Waseda, située à Tôkyô, et y a poursuivi des études théâtrales. Spécialiste du kabuki, elle a fait par ailleurs ses débuts de romancière en 1997 ; et l’un de ses premiers textes, paru en 1998, lui a valu le prix du Roman Historique.Yoshiwara Tebikigusa (Guide de Yoshiwara, qu'il nous a paru plus opportun de traduire par : Les Mystères de Yoshiwara), publié en 2007, a reçu le prix Naoki récompensant les œuvres de littérature populaire." (Les Mystères de Yoshiwara, préface, page 5).

 

les mystères de Yoshiwara    yoshiwara tebikigusa

 

- Les Mystères de Yoshiwara (Yoshiwara tebikigusa, 2007) Traduit par Didier Chiche et Shimizu Yukiko en 2011. 296 pages. Philippe Picquier.

Le roman se déroule à Edo, au début du XIX° siècle.

Didier Chiche situe le contexte de l'époque : Le Japon est un pays fermé ; l'empereur est confiné dans la vieille capitale, Kyôto.
Pendant ce temps, le shôgun, installé à Edo (le futur Tokyo) détient le pouvoir politique.
C'est une société "strictement corsetée et dans laquelle tout est réglementé, administré et contrôlé ; tout, y compris le commerce des plaisirs." (page 6).
Pendant deux siècles, c'est la paix. "[...] il y a le monde des bourgeois, hédoniste, matérialiste, aventureux et qui, dans les villes d'Edo ou d'Ôsaka entre autres, développe une culture originale et foisonnante." (page 6).
Pour découvrir Yoshiwara, "l'auteur a choisi de faire parler quelques-unes de ses figures, souvent caricaturales, qui le peuplent. De quoi s'agit-il en effet ? Un homme enquête : qui est-il, d'où vient-il ? Nous ne l'apprendrons qu'à la fin." (page 8).

On n'entend que ces gens qui parlent, mais jamais les questions de cet homme mystérieux, cet enquêteur, qui cherche à se renseigner sur une affaire mystérieuse ayant eu lieu, et qu'on va cerner au fil des pages.
"Cette oralité, qui confère au texte un caractère vraiment théâtral, le rattache aussi à une forme traditionnelle de la culture japonaise : le rakugo, ce monologue comique mettant en scène des anecdotes souvent plaisantes ou pittoresques." (pages 8-9).

Pour qui a lu Courtisanes du Japon, de Jean Cholley, on est en terrain de connaissance (on retrouve d'ailleurs les mêmes cartes, puisque c'est aussi le même éditeur).
Il y a toutefois une différence de point de vue qui apparaît progressivement : dans le livre de Jean Cholley, on n'avait que le point de vue du client. Même s'il est éclairé et très au fait des rites et de l'envers du décor de Yoshiwara, ce n'est pas tout à fait pareil.

Le titre de chaque chapitre indique qui parle. On commence ainsi par "O-Nobu, patronne de la maison de thé Aux campanules". Il faut en effet pouvoir se faire recommander par une maison de thé extérieure à Yoshiwara pour être reçu dans un établissement prestigieux du Quartier.
"Tiens, un client ! Soyez le bienvenu, monsieur ! Ah, vous n'êtes pas un habitué de la maison... Vous dites ?... Ah bon ! Heureuse de vous accueillir ! Je m'appelle O-Nobu, je suis patronne des Campanules. Donc, vous êtes venu en chaise à porteurs ? Parce que... si c'était en canot, l'un des loueurs nous aurait déjà prévenus depuis un bon moment." (page 17).
Plus tard, on aura l'interview d'un batelier.
O-Nobu se charge d'enseigner à l'homme mystérieux le minimum à savoir des rites de Yoshiwara : les différents établissements, les fameuses trois rencontres, la fidélité à observer par la suite à l'établissement...
"Ça me rappelle une histoire : un jour, dans la maison de l'Eventail, un client qui avait commis une vilaine infidélité s'est fait tabasser par les filles, on lui a même coupé le chignon et on l'a jeté dehors, je l'ai vu de mes propres yeux ! J'insiste là-dessus, parce qu'avec un joli garçon comme vous, on ne sait jamais !
Ah, bien sûr ! Comme vous dites, s'il s'agit simplement de partager un oreiller avec une fille, je vous conseille d'aller voir ailleurs, dans une maison clandestine. Sinon, vous êtes obligé de passer par mille détours inutiles !
" (page 27)

Lorsque l'on a lu précédemment Courtisanes du Japon, une grande partie du livre est une mise sous forme de roman d'éléments déjà connus. Les sources sont visiblement les mêmes.

 hiroshige
Ando Hiroshige (1797-1858) : Cerisiers la nuit à Yoshiwara

Genroku, intendant de la Maison de l'Oiseau Blanc, parle des courtisanes, de leurs préférences parmi les clients :
"Imaginez une courtisane qui accueillerait tous ses clients avec la même sincérité : elle ne pourrait jamais tenir le coup ! Mais en même temps, si elle laisse voir trop clairement sa préférence, il y a des clients que ça fait fuir. Toute la finesse et toute la subtilité d'une courtisane, c'est de savoir manoeuvrer. On dit souvent qu'une courtisane sincère, ça n'existe pas plus qu'un oeuf cubique. Mais nous autres, nous savons que chez une courtisane aussi on trouve, si on cherche bien, un fond de sincérité." (pages 55-56).

"Il faut préciser que, dans ce petit monde, les pourboires que donnent les clients sont appelés des fleurs de papier. Les clients distribuent des feuilles de papier très fin - comme celles dont on se sert pour se moucher, vous voyez ? -, et ensuite la personne qui a reçu l'une de ces feuilles va l'échanger à la caisse contre un quart de pièce d'or. Avec ce système, certains clients distribuent des feuilles à tort et à travers sans se rendre compte de ce que ça représente : après quoi on leur présente la facture et ils tombent à la renverse !" (page 57).
Ah, l'éternel problème de la dématérialisation de l'argent !

L'homme mystérieux poursuit son enquête. Il oriente la conversation. Le lecteur obtient ainsi des indices parcellaires.
"Alors vous voyez, on n'aurait jamais imaginé ce qui est arrivé ensuite... Vous me demandez ce qu'a été exactement cette affaire ? J'aurais bien envie de vous retourner la question ! [...] Simplement, je me dis que si une courtisane aussi intelligente a pu faire ça, c'est qu'elle avait ses raisons : voilà tout !" (page 79).

Keisai Eisen
Keisai Eisen (1790-1848) : Courtisane (vers 1820).

Le lecteur n'est pas beaucoup plus avancé, mais c'est le jeu !

Pourquoi y a-t-il tant de complications (les trois rencontres, la courtisane faisant la tête pendant les deux premières...) ?
Shôemon, tenancier de la Maison de l'Oiseau Blanc, a son idée :
"D'une manière générale, un homme a besoin de prendre de grands airs, mais quelqu'un qui a les moyens de se payer une fille sur rendez-vous n'a pas besoin de chercher à jouer les importants : il est entouré de toute une cour prête à se prosterner devant le prestige que donne l'argent. Il est habitué à ce qu'on le flatte. Or quelle est la qualité indispensable à toute grande courtisane de Yoshiwara, et qui fait sa force ? Eh bien, pour le dire en un mot, c'est la fierté.
Entre un client qui affecte de se montrer hautain et une fille qui ne se départit pas de sa fierté, il y a naturellement un antagonisme. Un homme hautain exige que l'on se prosterne devant lui, et justement, une fille qui tient à sa fierté ne se prosternera jamais devant quiconque. Je suppose que ce qui amuse nos clients, c'est ce jeu subtil avec les manoeuvres qu'il implique. [...] Si l'homme a la force de la subjuguer et d'en faire sa chose, il semble que cela lui procure un plaisir inouï.
" (page 136).

Kikugawa
Kikugawa Eizan (1787-1867) : Yosooi - Procession de courtisane à Shin Yoshiwara

Comme le dit un batelier : "Mais le fait est que ce monde-là est plein de mystères : plus encore qu'au théâtre !" (page 207)
Et, comme au théâtre, on peut avoir recours à des effets spéciaux.

En effet, quelque chose dont ne parlait pas Jean Cholley, c'est le commerce de faux doigts coupés (à envoyer au client qui, malgré ses promesses, semble ne pas vouloir racheter ou prendre en charge la courtisane) :
"Malgré les apparences, ce n'est qu'un objet en pâte de riz. Eh oui, exactement ! [...] Si vous l'observez de près, on voit bien que ce n'est pas un vrai doigt. Mais si on le pose sur un coton imbibé de vrai sang, dans une boîte, pour le donner à un type, il se hasardera à jeter un simple coup d'oeil - c'est bien tout ce qu'il pourra faire - et se dépêchera de refermer la boîte ! Si la vue du sang répugne à un homme, c'est qu'il n'a pas l'habitude d'en voir autant qu'une femme." (page 221).
C'est O-Tane, coupeuse de doigts, qui parle.
Elle précise qu'"il ne faut pas trancher en ligne droite parce que c'est moche ; il vaut mieux le couper en biais. D'ailleurs, quand on s'y prend bien, la chair repousse et ensuite on ne voit presque plus rien, paraît-il" (page 222).
Comme quoi, il faut toujours demander conseil aux professionnels !
Elle précise également qu'il faut faire attention, parce qu'un doigt coupé "saute plus loin qu'on ne le croit" (page 222). On a pu le voir chez Kitano (ou bien était-ce dans un Fukasaku Kinji ? le petit doigt d'un yakuza avait sauté du côté de quelques poules qui étaient là, toutes contentes de l'aubaine...)

"Comme je vous l'ai dit, une courtisane est bien à plaindre. Plus elle acquiert de prestige, plus les factures grimpent. Il lui faut évidemment s'occuper des assistantes et des apprenties, il lui faut arroser l'entremetteuse ou les gars de pourboires quotidiens pour qu'ils l'aident en toutes circonstances : disons que nulle part l'argent n'a autant de place qu'ici." (page 228).

Un roman intéressant, instructif (quand même nettement moins quand on avait déjà lu Courtisanes du Japon, évidemment, mais il y a tout de même des éléments nouveaux). L'enquête sert de prétexte à une visite en profondeur de Yoshiwara.
J'imagine (simple spéculation) que le style parlé devait être plus typique de chaque personnage dans le texte japonais.

On peut lire une cinquantaine de pages du roman sur : http://www.editions-picquier.fr/auteurs/fiche.donut?id=357

Pour finir, il y a une toute petite faute à corriger pour la version poche à venir "[...] mais ça ne manquait pas de d'allure" (page 176). Une petite faute en près de 300 pages, ça n'est évidemment pas bien grave (j'ai dû en faire plus sur cette page).

 

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