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NAKAJIMA Atsushi

(Tôkyô, 05/05/1909 - 04/12/1942)

Nkajima Atsushi

"Nakajima Atsushi, issu d’une famille d’érudits chinois, avait lui-même une connaissance approfondie des œuvres chinoises classiques. Il était également féru de littérature européenne.
Ses nouvelles qui lui valurent immédiatement la célébrité portent la marque d’une culture et d’une imagination très personnelles. C’est néanmoins son style qui fit sa réputation. La langue de Nakajima a une sorte de rigueur et de clarté qui dénote la forte influence du style chinois classique, et du taoïsme.
Nakajima a oeuvré pour la réécriture des contes anciens de l'Orient et à sa modernisation ; de fait il fait penser aux nouvelles intellectuelles de Borges et de Michel Tournier." (source : wikipedia).

Dans sa postface à Histoire du poète qui fut changé en tigre, Véronique Perrin le compare à Marcel Schwob.
C'est intéressant de voir comme il y a des écrivains qu'on ne peut s'empêcher de comparer, pour mieux communiquer l'impression qu'ils nous font... chacun choisissant finalement un auteur différent, peut-être selon l'angle que l'on choisit de privilégier.

"Il passe une partie de son adolescence en Corée sous occupation japonaise, est précepteur dans une famille anglaise, cite François Villon ou Rimbaud en français, s'intéresse aux découvertes archéologiques, à l'égyptologie et à l'assyriologie, lit Hérodote avec des notions de grec, lit Spinoza en anglais et en latin [...]" (page 89).
Il a pour mission de rédiger des manuels de japonais à l'usage des indigènes des mers du Sud.
"On ne sait ce qui pesa le plus dans la décision de partir : l'espoir de moins souffrir de l'asthme qui lui rendait, depuis l'âge de 19 ans, chaque hiver plus pénible, ou l'occasion de marcher sur les traces de Stevenson, dont il avait imaginé les dernières années à Samoa et la révolte solitaire contre la bêtise coloniale" (dans La mort de Tusitala, son premier roman achevé). Il était auparavant professeur de japonais et d'anglais dans un collège de jeunes filles.
Il passe finalement huit mois dans les îles Palaos, de juillet 1941 à mars 1942.
"[...] le climat ne lui vaut rien, la guerre du Pacifique se prépare, elle éclate. Il est à bout de forces quand il rentre au Japon. La plus grande partie de son oeuvre [des contes et trois romans chinois] est pourtant écrite dans les neuf mois qui suivent. Il meurt le 4 décembre 1942."

Histoire du poète qui fut changé en tigre

Histoire du poète qui fut changé en tigre et autres contes (93 pages, Editions Allia, traduit et postfacé par Véronique Perrin, 2010 ; contes publiés en 1942).
Tout d'abord, nous avons un ensemble de contes : Antiques (Kotan) est le nom d'un recueil de quatre contes que Nakajima Atsushi avait écrit avant de partir pour les îles Palaos comprenant :
1/ Monts et Lune - Histoire du poète qui fut changé en tigre.
Cette histoire commence ainsi :
"Li Zheng de Lonxi, perle d'érudition, eut l'honneur en la dernière année de l'ère tianbao de voir son jeune nom inscrit au Tableau des Tigres, honneur qui lui valut un poste d'administrateur au Sud du Fleuve ; intraitable par nature, enclin à ne compter que sur lui-même, il jugea qu'il ne pouvait sans déroger s'accommoder d'une fonction si médiocre." (page 7).
Il démissionne donc.
"Plutôt que de plier le genou pendant des années, modeste fonctionnaire face à des supérieurs mal dégrossis, il voulait se faire un nom de poète qui durerait cent ans après sa mort. Mais la renommée ne vient pas si facilement, et la vie matérielle était de jour en jour plus difficile."
Il cède au bout de quelques années, prend une charge quelconque de fonctionnaire provincial.
"Enfin, après un an, il fut pris de délire au cours d'un voyage officiel, tandis qu'il passait la nuit sur les bords de la rivière Ru. Un soir donc, vers minuit, il se leva de sa couche avec une expression soudain changée, puis il bondit dehors en criant des absurdités et se rua dans les ténèbres. On ne le revit jamais." (page 8).
Ce n'est toutefois que le début de la nouvelle, inspirée d'un conte fantastique de l'époque Tang.
Li Zheng "[...] découvre que la réalité est aussi incertaine, et demeure aussi incompréhensible, qu'un songe où l'on se dit : Il me semble que je rêve." (Véronique Perrin, postface). Sans doute la nouvelle parle-t-elle aussi de la difficulté d'exprimer ce que l'on croit porter en soi, de la place de l'art dans la vie, et des priorités de la vie.
Histoire mystérieuse, et excellente.

2/ Le Fléau des Lettres. "Un démon de l'écrit ? Saurons-nous à la fin si une telle chose existe ?
Les Assyriens connaissaient une multitude d'esprits. Lilu qui fait des cabrioles la nuit, au coeur des ténèbres, avec sa femelle Lilitu ; Namtar qui sème les épidémies ; Etimmu, spectre des morts ; Lamashtu la Ravisseuse ; et tant de mauvais génies, innombrables, qui saturent le ciel d'Assyrie. Mais d'un esprit de l'écriture, nul n'avait encore entendu parler.
" (page 18).
Dans un style différent de la précédente nouvelle, Le Fléau des Lettres est plus borgésien. Très, très bonne nouvelle, originale.

3/ La Momie. "C'était au temps où le fils du grand Cyrus et de Cassandane, Cambyse, roi de Perse, envahissait l'Egypte - parmi les officiers sous ses ordres se trouvait un certain Pariskas. Ses ancêtres, gens de l'Est venus de la lointaine Bactriane, étaient des campagnards d'humeur fort maussade qui ne sauraient s'acclimater aux moeurs de la ville. Il y avait en lui quelque chose de rêveur, et cela, en dépit du rang considérable qui était le sien, lui valait de constantes railleries." (page 29).
On voit que Nakajima Atsushi, comme Flaubert avant lui, se délecte de la sonorité et des images que peuvent susciter certains mots.
Cette nouvelle est de facture plus classique que la précédente. Bien quand même.


4/ Possession. "Shakh du hameau des Neures était connu pour ses démons. Il paraît que toutes sortes d'êtres pouvaient entrer dans cet homme : un faucon, un loup, une loutre, dont les esprits en s'emparant du pauvre Shakh lui faisait tenir, dit-on, des propos mystérieux." (page 36)
Ah, encore une très bonne nouvelle, originale. Mon commentaire lacunaire n'est pas original et ne dit pas grand chose, mais je ne vais quand même pas raconter l'histoire !

Après le recueil Antiques, une autre nouvelle : L'homme-Buffle (Gyûjin) .
C'est un jour, ou plutôt une nuit, que Shusun, le personnage principal de la nouvelle, dort.
"Une nuit, il fit un rêve. De tous côtés l'air s'appesantissait plein du pressentiment funèbre qui avait envahi le silence de la chambre. Et soudain, le plafond se mettait à descendre sans bruit. Chute d'une lenteur extrême et cependant inéluctable qu'il sentait approcher petit à petit. L'atmosphère confinée de la chambre s'épaississait à chaque instant et l'air devenait irrespirable. Il se débattait, tentant de s'échapper ; mais son corps allongé sur le lit refusait de bouger." (page 44).
Et on veut connaître la suite, le pourquoi de ce rêve...
Et c'est encore une bonne nouvelle !

Mais ce qui est sans doute le meilleur (et la dernière oeuvre de Nakajima Atsushi) suit : Le Maître fabuleux (meijinden).
"Un certain Ji Chang, habitant de Handan qui est la capitale de Zhao, fit voeu de devenir le plus grand virtuose du tir à l'arc que ce monde eût jamais connu." Il va trouver un homme célèbre, Fei Wei. "Fei Wei exigea de son nouveau disciple qu'il apprît en premier lieu à ne pas cligner des yeux." (page 53).
Ah ! La bonne histoire que voilà ! Avec ce qu'il faut de renversements, de paradoxes comme on les aime !
Le texte, dans une traduction différente, est lisible en ligne sur http://happy.joueb.com/news/99-nakajima-atsushi-le-maitre . Cette version, publiée dans le recueil L'Iris fou, à l'occasion du Salon du Livre 1997 consacré au Japon, me semble avoir transité par l'anglais, car le I.I. Morris cité est très probablement Ivan Morris, qui a traduit le texte du Japonais en Anglais... Maurice Beerblock étant pour sa part un traducteur anglais-français.
Et elle m'a semblé terriblement inférieure (sans compter les passages coupés).
Prenons un passage presque au hasard, c'est le maître qui parle à son élève :

"Habituez-vous à regarder des objets et quand vous en serez au point où ce qui est infinitésimal vous paraîtra petit, et ce qui est petit énorme, vous reviendrez me trouver."
(Morris-Rosenblum-Beerblock)
"Apprends ensuite à regarder. Mûris ton regard, et quand tu auras vu le petit en grand, et l'infime en détail, tu pourras vraiment venir m'annoncer cela."
(Véronique Perrin)

Le tutoiement paraît nettement plus logique. C'est un maître qui s'adresse à son élève. Ce n'est pas une discussion de deux égaux. Sans parler de tout le reste.
Le texte de Perrin traduit un vrai style, alors que le texte Morris-Rosenblum-Beerblock est tout pâle et tout terne.

Après suivent deux Histoires des Îles :
1/ Le bonheur. Une histoire de rêve et de réalité. Pas mal.
2/ La poule. Une histoire racontée à la première personne. Plus anecdotique.

Un excellent recueil, une découverte, qui fait du bien parmi tant de parutions anecdotiques.
Et un très gros regret, celui qu'Atsushi Nakajima n'ait pas vécu plus longtemps...



Egalement parus en français :
- Trois romans chinois
- La mort de Tusitala

 

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