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OYAMADA Hiroko

(Hiroshima, 02/11/1983 - )

  Oyamada Hiroko

"Hiroko Oyamada est une romancière japonaise née en 1983. Elle a reçu le Prix Akutagawa en 2014 pour son roman Ana (Le trou) dont le personnage central est une femme qui renonce à la ville et à son travail pour habiter la campagne : elle y tombe dans un trou ce qui enclenche des événements étranges." ( source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hiroko_Oyamada )

 

L'Usine
Illustration : Fabien Boitard, Corbeau, 2012.Huile sur toile.

L'Usine (kojo, 工 場, 2013). Traduit du japonais par Silvain Chupin. Christian Bourgois Editeur. 186 pages.

L'Usine du titre n'est pas à proprement parler une usine, mais plutôt un immense complexe industriel composé  de nombreux bâtiments, quasiment une ville, avec bureaux, restaurants, blanchisserie, et lignes de bus qui la traversent. Certains salariés y habitent. Un fleuve le traverse, si large que d'une rive on ne peut pas apercevoir l'autre côté, et un immense pont permet de passer d'une berge à l'autre.
Dans et aux alentours de l'Usine, la nature elle-même semble dénaturée, avec des animaux qu'on ne trouve nulle part ailleurs, sans doute parce qu'ils se sont habitués au lieu : des ragondins gris (dont on nous décrira les moeurs), et surtout de mystérieux cormorans noirs, que voici :
"Il y a des oiseaux noirs, que j’ai d’abord pris pour des corbeaux, mais qui ressemblent davantage à des cormorans. Du haut du pont, le rivage où ils sont massés est loin, pourtant je vois que ces oiseaux regardent tous en direction de l’Usine, dos à la mer. D’un noir de jais, on a l’impression qu’on aurait les mains souillées d’encre si on en saisissait un par son long cou. Dans ces parages, la mer est toute proche, le fleuve d’une largeur extraordinaire, et l’on peut se demander si l’eau n’est pas saumâtre. Des cormorans peuvent-ils vivre dans un tel endroit ? Ces cormorans sont-ils des oiseaux de mer, ou de rivière ? J’essuie la sueur sur mon front." (page 17).

D'où viennent ces cormorans ? Pourquoi n'y a-t-il que des adultes ? Pourquoi sont-ils tous tournés vers l'Usine ? Ces mystères seront-ils éclaircis ou ne sont-ils que des symboles ?

Dans le livre, on suit trois employés qui vont commencer à travailler dans l'Usine. Il règne une atmosphère de mystère administratif, pas tout à fait kafkaïen (on ne risque pas le peloton d'exécution) mais on sent l'influence : ils ont tous des tâches très différentes mais sans sens évident, ce est forcément anormal : comment l'Usine, endroit sensément rationnel, pourrait se permettre de payer des gens à faire un travail à ce point non productif ?
Une femme passe ses journées à broyer des papiers (on peut comprendre l'utilité, mais il serait tellement simple d'automatiser ce travail) ; un homme relit des documents très divers en corrigeant les fautes qu'il voit,  s'il en voit, mais ce qu'il lit (notices, notes, rapports) est parfois incroyablement bourré d'incohérences, comme un texte qui se désagrègerait ; et un autre homme doit végétaliser les toits de l'Usine avec des mousses, mais on lui dit qu'il a tout son temps, pas de pression, qu'il s'organise comme il veut, même s'il doit y passer des années. Il est payé sans obligation de résultat, sans pression, rien.
Le point commun entre ces trois salariés, c'est qu'ils sont seuls : même lorsqu'ils sont dans une équipe, il n'y a pour ainsi dire pas de communication avec les autres pendant le travail (le biologiste, lui, est carrément seul). Même si chacun ne voit pas bien le sens de son travail, et se pose des questions, il faut bien gagner sa vie, alors... sans compter que, même si le travail est ennuyeux, il n'y a pas vraiment de pression, et ils n'emportent pas de soucis à la maison, juste une interrogation : à quoi sert mon travail ?

Du côté du style, il arrive qu'on passe, d'une ligne à l'autre, sans crier gare, du présent à un moment passé, on entend brutalement une conversation plus ancienne. On peut se dire que c'est très signifiant sur l'abrutissement (sauf que leur travail n'est pas abrutissant, juste ennuyeux, il y a une nuance), ou bien que c'était nécessaire pour stimuler un peu le lecteur, et briser la linéarité du texte qui mise surtout sur l'atmosphère, le mystère, mais qui par ailleurs ne comporte pas vraiment d'histoire avec intrigue, rebondissement, développement, surprise.

Même s'il y a quelque chose de bien dans le livre, le côté bizarre, l'originalité dans l'atmosphère, le décalage entre la description scientifique et le symbolisme des étranges animaux, etc., il manque quand même quelque chose, peut-être un développement qui irait au-delà du constat finalement banal sur le travail contemporain qui n'a pas de sens et qui isole. Le symbolisme ne semble rien apporter de plus à ce qui est dit et paraît, du coup, un peu inutile, mais sans lui le livre serait trop banal...

On est quand même très curieux de lire son roman Le trou, publié l'année suivante, et pour lequel Omayada Hiroko a remporté l'Akutagawa.

 



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