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SAKATE Yôji

(Okayama, 1962 - )


"Yôji Sakate est né à Okayama (Japon) en 1962. Diplômé en littérature de l’université Keiô de Tokyo, il fonde la compagnie théâtrale Rinkôgun en 1983. Depuis, il a écrit et dirigé la plupart des pièces jouées par sa compagnie.
Reconnu pour son regard affûté et « journalistique » sur le Japon actuel ainsi que pour la richesse de sa technique théâtrale, Yôji Sakate est un auteur prolifique dont les pièces explorent principalement les problèmes sociaux contemporains de son pays. Plusieurs de ses pièces ont déjà été jouées hors du Japon, aux Etats-Unis, en Australie et en Allemagne.
Yôji Sakate est également vice-président de l’Association des Dramaturges Japonais et président de l’Association Japonaise des Metteurs en scène de Théâtre.
Son travail de metteur en scène et de dramaturge a été récompensé par de nombreux prix et notamment
- le Prix d’art dramatique Kunio Kishida pour Buresuresu, Tôkyô gomibukuro (Breahtless, les sacs poubelles de Tokyo) en 1991,
- le Prix Yomiuri du meilleur dramaturge pour Tennô to seppun (L’empereur et le baiser) en 2000.
- le Prix d’art dramatique Kinokuniya pour Abe Sada to Mutsuo (Abe Sada et Mutsuo) en 2002,
- le Prix de dramaturgie Namboku Tsuruya pour Da-ru-ma-san-ga-ko-ron-da (La chute de Boddhidharma) en 2004,
- le Prix Asahi des arts de la scène, le Prix spécial du jury du grand prix de dramaturgie Yomiuri.

Pour Yaneura (Le Grenier) il obtient lors de sa parution en 2002 le Prix littéraire Yomiuri et le Prix Yomiuri du meilleur dramaturge."

(source : http://www.sacd.fr/Rencontre-avec-Yoji-SAKATE.1543.0.html )

 

Le Grenier (Yane-ura, 2002 ; 182 pages, Les Solitaires Intempestifs, traduit du Japonais par Corinne Atlan en 2009).
Le Grenier, c'est une sorte de pièce dans la pièce, en kit. Cela permet de créer des sous-pièces dans un dortoir, de donner un peu d'intimité. C'est un peu comme une tente, mais en un peu plus "dur".
Ici, dans la mise en scène de Jacques Osinski, en mars 2010 (photos de Brigitte Enguerand) :

pièce   pièce   pièce

 

Ce grenier est décrit ainsi au début de la pièce :
"Un petit espace mansardé de moins de 3 m2.
Le plafond, tellement bas qu'on ne peut pas tenir debout, est asymétrique.
"
Une jeune femme, Hasegawa, entre dans un dortoir, dans lequel se trouve la fameuse mansarde. Un autre personnage se trouve là, "Frère Aîné".
"FRÈRE AÎNÉ - Ca s'achète sur Internet, alors ?
HASEGAWA - Il paraît que ce n'est pas facile de s'en procurer. Les prix ont drôlement augmenté ces derniers temps.
FRÈRE AÎNÉ - Comment ça se fait ?
HASEGAWA - (...)
FRÈRE AÎNÉ -(...) Ce n'est jamais qu'une simple boîte, non ?
HASEGAWA - (Il y a des gens qui dorment très bien dans des hôtels-capsules. C'est le même genre de clients. Même moi, ça ne me déplairait pas d'en avoir un plutôt qu'un lit.
FRÈRE AÎNÉ -(...) On pourrait les utiliser comme cellules pour les prisonniers, ça rationaliserait le système carcéral.
HASEGAWA - Et si on mettait un tas de ces greniers en kit côte à côte et qu'on y faisait dormir des étudiants, au lieu de les mettre en dortoirs, je suis sûr qu'ils travailleraient bien mieux. (...) Mais c'est le genre de suggestion que personne n'écoute.
[...]

HASEGAWA - Ces greniers sont parfaitement hermétiques, pas une goutte de sang n'a coulé à l'extérieur. Il ne voulait pas salir la pièce, j'imagine. Votre frère était très soigneux vous savez. Ça peut sembler paradoxal, mais j'en suis persuadé, oui, d'un certain côté, votre frère était extrêmement soigneux.
FRÈRE AÎNÉ -C'est ici qu'on l'a trouvé (...)
HASEGAWA -(...) C'est moi qui ai découvert le corps. Je m'en souviendrai toute ma vie.
FRÈRE AÎNÉ -(...) Désolé
." (pages 15-17)

Dans la scène suivante, Hasegawa vent le grenier. Puis on voit une adolescente allongée dans unsac de couchage, dans le grenier. Puis il sert de planque à des inspecteurs.
Des Samouraïs surviennent.
Ca devient sur-réaliste, mais en fond le Frère Aîné chercher à comprendre ce qui s'est passé, qui a fabriqué ce grenier, il remonte la piste... et cherche à comprendre ce qui est arrivé à son frère, un hikikomori.
Mais, me demanderez-vous peut-être, qu'est-ce qu'un hikikomori ? Et hop, longue parenthèse sur le sujet.
Moi aussi, je peux déstructurer mon texte.

"Hikikomori : du verbe hikikomoru qui signifie s'enfermer chez soi, désigne une pathologie psychosociale qui se manifeste par le refus de tout contact avec l'extérieur. Les plus atteints passent leurs journées dans leur chambre à dormir ou à surfer sur Internet. Est considéré comme hikikomori par le ministère de la Santé de l'Emploi  et de la Protection sociale, quelqu'un qui s'est enfermé chez lui durant six mois ou davantage.  Parfois assimilé à une forme d'autisme ou d'agoraphobie, cette phobie sociale peut se mettre en place après une période de phobie scolaire (tôkô kyohi ou futôkô). Les fils aînés seraient les plus touchés, en raison des attentes qui portent sur eux. Au-delà de trente ans, on considère que les hikikomori n'ont quasiment aucune chance de réintégrer la société. (Muriel Jolivet, Japon, la crise des modèles, Philippe Picquier, 2010, page 286)

Il s'agit d'un terme inventé par le psychiatre Saitô Tamaki à la fin des années 1990.

"Combien sont-ils ? Le chiffre d'un million est généralement avancé pour les hikikomori, dont il est difficile de connaître le nombre exact, d'une part parce qu'ils vivent en reclus, mais aussi parce que les parents et les écoles font tout ce qui est en leur pouvoir pour les camoufler. Il semble que l'épidémie soit nationale, et non limitée aux grandes métropoles." (page 101).
Que est l'élément déclencheur ? Tracasseries entre petits camarades, peur du regard d'autrui, indulgence des parents qui gardent leurs enfants à la maison en les autorisant à se réfugier dans leurs chambres.
"Le fait que les mères continuent à nourrir leur fils en leur apportant des plateaux-repas à leur porte intrigue en général les Occidentaux." (page 105).
"Un peu comme l'ivrogne du Petit Prince qui boit parce qu'il a honte de boire, 81% des  hikikomori vivent à l'envers, dormant le jour et  s'occupant la nuit, tellement ils ont honte de ne pas fonctionner. Ce modus vivendi leur permet d'éviter le regard des voisins et de ne pas croiser leurs parents dans la cuisine." (page 107).
Muriel Jolivet cite le cas d'un  hikikomori "[…] retrouvé mort de faim, après que ses parents l'eurent installé ailleurs parce qu'il les avait tabassés et qu'il avait saccagé leur domicile." (page107).

C'est le sujet d'un roman autobiographique (écrit par le frère, pas par le mort, bien sûr) : Konsento (La prise de courant, 2001 ; nominé au prix Naoki ; film de Nakahara Shun avec Ichikawa Miwako), de Taguchi Randy. "L'histoire tourne autour des interrogations de l'auteur : pourquoi son frère, obsédé par les prises de courant, en est-il arrivé là ?" (page 106).
Continuons à déstructurer un peu la critique, et parlons deux secondes du film de Nakahara Shun. Juste pour dire qu'il n'est franchement pas terrible, la réalisation souvent limite consternante tire plutôt vers le téléfilm avec des effets à deux yens, et l'interprétation, notamment du psy, est très moyenne
La voici, Ichikawa Miwako, qui promène pendant tout le film un air de poisson sorti de l'eau.
le film
La encore, le "phénomène" hikkikomori n'est pas vraiment creusé, on s'oriente vers une histoire de gens qui se déconnectent, parce que les gens normaux ne perçoivent que 20% de ce qu'ils voient, entendent, etc., alors que d'autres voient tout, mémorisent tout, et ne peuvent finalement avoir du repos qu'en se déconnectant. Cela n'a donc rien pas grand chose à voir avec les hikkikomori. Sans doute le bouquin est-il meilleur (pire serait difficile).

Fin de cette parenthèse.

Muriel Jolivet poursuit : "Il leur manque d'avoir manqué de quelque chose… Tout comme l'anorexie est impensable dans les pays pauvres, le psychiatre Saitô Satoru considère qu'il s'agit d'une maladie de pays nantis, car ceux qui s'enferment chez eux n'ont pas besoin de lutter pour vivre." Peur de devenir indépendant, fuite des responsabilités… "[Saito explique :] « Ils veulent un travail qui leur permette ds s'accomplir (jitsugen dekiru shigoto), ce qui en soi est un mal d'enfants gâtés (zeitaku byô) » Qui parle en effet de trouver sa voie dans les pays pauvres ?' (page 108)


Revenons à la pièce. Il y a des passages rigolo.
"FILS - Les Russes, si on les laissait faire, pas un seul ne travaillerait, c'est pour ça que le parti communiste a inventé le système du travail forcé.
MÈRE - C'est vrai ?
FILS - Le premier hikikomori, c'était un Russe, un anarchiste du XIX° siècle du nom de Oblomov.
" (page 130).
Ha ha.

Et puis aussi :
"FILS. - Rien de spécial n'a changé dans le monde, si ?
MÈRE - Takeshi Kitano vient d'être nommé Premier ministre.
FILS - C'est pas vrai ?
MÈRE - Le plus incroyable, c'est que ça paraît vraisemblable.
FILS - Il y a une guerre quelque part ?
MÈRE - Ça oui.
FILS - J'aimerais bien qu'il y en ait une chez nous aussi.
MÈRE - Pourquoi ?
FILS - Tout brûlerait, et après ce serait bien propre.
" (page 133)


Personnages "vrais", personnages rêvés (ou bien ?), scènes quasiment absurdes, certaines réussies, d'autres un peu longues... Il y a une trame de fond, mais très lâche. La pièce est finalement plus une juxtaposition de scènes qu'une histoire qui tiendrait par une histoire forte, de vrais personnages. Ce n'est pas une pièce qui traite vraiment d'un phénomène social. On croise toutes sortes de personnages, représentatifs (ou pas) de la société japonaise, mais sans vraiment creuser quoi que ce soit.
Il y a un certain talent, une certaine vivacité, quelques bons moments, mais finalement, cela ne débouche pas sur grand chose.
Pas inintéressant, on va dire.

Comme on me l'a signalé, c'est une pièce qui est faite pour être vue représentée (comme la plupart des pièces de théâtre, bien sûr, mais disons que certaines perdent plus que d'autres à être lues).

 

 



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