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SAGAS


(Gottby, îles Åland, 26/06/2009)


- Saga de Hrolfr sans Terre. Traduite de l'islandais ancien par Régis Boyer. Anacharsis. 152 pages.
Régis Boyer, dans son introduction, nous dit : "
Cette saga a été extrêmement populaire, nous en jugeons par le grand nombre de manuscrits que nous avons gardés. Elle paraît dater du début du XIV° siècle et son auteur est resté inconnu, ce qui est bien regrettable car il devait posséder une personnalité digne d'attention. [...]". Cette saga relève du genre lygisögur (sagas mensongères) : "l'auteur s'amuse avec son sujet, jongle avec l'absurde ou l'invraisemblable, s'aventure dans le fantastique le plus gratuit quand il ne brode pas sur des motifs tout à fait conventionnels." (pages 14-15).

Il y a deux rois dans l'histoire.

Le roi Hreggvir. "
Il était de grande taille, fort, le plus beau des hommes et le plus vaillant aux armes, brave et grand batailleur, sage et de bon conseil, très libéral pour ses amis, dur et impitoyable pour ses ennemis. Le destin l'avait comblé dans la plupart des choses. Il avait épousé une reine de grande famille, on ne la nomme pas, aussi n'interviendra-t-elle pas dans cette saga" (page 25). Il a une fille, Ingigerdr. C'est un peu l'héroïne de cette bien belle histoire.

Il y a un autre roi, Eirekr.
"Il était roi de mer et originaire du Gestrekaland. Ce pays est soumis au roi des Sviar. Les hommes y sont forts et gigantesques, durs et peu traitables, et versés dans la magie." (page 28). Il a notamment avec lui "force berserkir et champions dans sa troupe" (page 28). A propos d'un de ces champions : "Il mangeait de la viande crue et buvait le sang tant des hommes que du bétail. Il prenait souvent aussi la forme de diverses créatures vivantes et se métamorphosait si vite que l'on s'en apercevait à peine. Son haleine était si brûlante que tout en armure qu'ils étaient, les gens pensaient qu'ils allaient se consummer. Il crachait aussi tantôt du venin tantôt du feu, mettant de la sorte à mort hommes et chevaux, ce qui fait que personne ne lui résistait." (pages 29-30).

Très vite, entre les deux rois, c'est la guerre. Ça se castagne sévèrement :"
Il lui porte un coup de taille, mais l'autre interposa son crâne chauve et le coup ne mordit pas. Après cela, Thordr assena à Sigurdr le coup de la mort, il tomba en ayant acquis excellente réputation." (page 32).
Ah, les bastons ! des moments d'anthologie.
"
Arnoddr transperça les entrailles d'Ali, le coup ressortant dans le dos. Ali se rua sous ce horion et frappa des deux mains la tête d'Arnoddr, le coup arrivant dans les dents. Ils tombèrent tous les deux à terre, morts." (page 112). En ayant acquis excellente réputation, cela va sans dire.
J'aime bien aussi : "
Il mit sur la corde de son arc une flèche à barbes qu'il décocha dans l'oeil de Tjösnir, de sorte que le manche s'enfonça profondément. Tjönsir se saisit du manche de la flèche et l'arracha : l'oeil était dessus. Cela suffit à Sturlaugr qui fendit Tjösnir à la taille si bien que chaque moitié retomba d'un côté." (page 119).

Mais il n'y a pas que des bastons. Trahisons, sortilèges, maléfices, voyages mystérieux, retournements de situations...
Tous les ingrédients sont réunis pour une histoire captivante !

saga de ragnar aux braies velues
18/05/2013 à Malmö, Suède, face au Danemark.

- Saga de Ragnarr aux Braies velues, suivie du Dit des fils de Ragnarr et du Chant de Kráka. Textes traduits du norrois et postface de Jean Renaud. Anacharsis. 142 pages.
L'introduction nous apprend que La Saga de Ragnarr aux Braies velues est mentionnée par Borges dans son Essai sur les anciennes littératures germaniques (1965), mais aussi que le personnage de Ragnarr "jouit d'une certaine renommée en Occident depuis des siècles et les poètes et les littérateurs - les Romantiques surtout - se sont emparés de son histoire, enthousiasmés par ce fantasmatique Viking, téméraire, cruel et brave jusque dans la mort. Elle n'avait pourtant jamais été traduite en français." (page 5)
Outre La Saga de Ragnarr aux Braies velues, se trouvent le Dit des fils de Ragnarr (fin du XIII° siècle), qui "précise et prolonge l'histoire de Ragnarr pour s'attacher aux destins de ses fils", ainsi que le Chant de Kráka, un poème scaldique qui date probablement du XII° siècle qui "rapporte au long d'un chant funèbre les expéditions guerrières de ces terribles héros." (page 5)

1/ La Saga de Ragnarr (62 pages) commence bien, avec une histoire de fillette cachée dans une grande harpe...
La fillette, Aslaug, est la fille de Brynhildr (une note d'une bonne moitié de page explique le lien avec une autre saga,les exploits de Sigurðr, le dragon Fafnir, la Valkyrie, etc.), et Brynhildr était la fille adoptive de Heimir des Hlymdalir. Or, Brynhildr et son mari, Sigurðr, ont été tués... Heimir, sachant que les assassins sont à la recherche de leur fille, Aslaug, il cache cette dernière dans sa harpe et se met en route...
"
Sa harpe était réalisée avec une telle ingéniosité qu'il pouvait en démonter et remonter le cadre, et il avait l'habitude, les jours où il se trouvait près d'un ruisseau, loin de toute habitation, d'ouvrir l'instrument et de laver la fillette. Et il avait un oignon qu'il lui donnait à manger. Car la propriété de ce oignon était qu'on pouvait en vivre longtemps, même sans autre nourriture." (page 12).

Il se passe des événements dont je ne parlerai pas. Et puis, changement de décor : un prince riche et célèbre a une fille qui, bien sûr, était "la plus belle des femmes et la plus accomplie, elle avait tous les talents qu'il vaut mieux posséder qu'en être dépourvu. On l'avait surnommée Cerf de la Forteresse parce qu'elle dépassait en beauté toutes les autres femmes, comme le cerf les autres animaux." (page 16).
Survient une incroyable histoire de serpent, un danger et, enfin, Ragnarr, notre héros, entre en scène : il réalise quelques exploits, déclame une jolie strophe, et s'en va tranquille, relax. Un vrai héros, quoi. On ne sait pas s'il avait la démarche d'Aldo Maccione sur la plage, mais ça ne devait pas être bien loin.

Bizarrement, les braies velues du titres n'ont quasiment aucune importance. C'est perturbant.
Encore plus bizarre, de très nombreuses pages de cette saga sont consacrées aux fils de Ragnarr.
Voici par exemple les fils de Ragnarr qui sont prêts à partir en expédition.
"Or le bateau d'Agnarr glissa des rondins sur lesquels on le tirait, causant la mort d'un des hommes qui se trouvaient devant. C'est ce qu'on appelait rougir les rondins. Voilà qui leur parut de mauvais augure, mais ils ne voulurent pas que cela contrecarre leur expédition." (page 36)

On peut même aller plus loin : le personnage le plus intéressant est un des fils de Ragnarr, Ivarr. "Or ce garçon était sans os, et à leur emplacement il n'avait que du cartilage." (page 28).
Bien sûr, il ne peut pas combattre de façon classique. Mais il est très intelligent, et donc à même de régler son compte à des créatures fantastiques, comme la vache Sibilja dont les horribles meuglements mettent toutes les armées en déroute...

On a notre lot d'événements extraordinaires, de combats héroïques, de sacrifices... Et de torture :
"Qu'un excellent sculpteur sur bois lui taille un aigle dans le dos aussi profondément qu'il pourra, et que cet aigle soir rougi de son sang !" (page 64). Jean Renaud, après avoir expliqué dans une note ce que cela veut dire (voir l'article de Wikipedia), et contrairement à Wikipedia, écrit que "ce n'est probablement pas, à l'origine, un simple motif littéraire"). On trouve également cette méthode d'exécution dans L'Homme qui savait la langue des serpents (roman d'Andrus Kivirähk)

Une saga avec plein de bonnes choses, mais dont le titre semble ne pas vraiment correspondre au contenu.
Comparée à la Saga de Hrolfr sans Terre, on remarque qu'elle est plus décousue, comme une juxtaposition de faits chronologiques, historiques, alors que Hrolfr sans Terre ressemble plus à une oeuvre littéraire (d'imagination) construite, et donc plus attrayante pour le lecteur moderne.

Pourquoi cette bonne saga a-t-elle été plus connue que d'autres ? Mystère.

 

2/ Le Dit des Fils de Ragnarr. Après un rappel des exploits du père (un résumé de ce qui touche à Ragnarr dans la saga précédente), on se focalise officiellement sur les fils de Ragnarr. Là, pas de tromperie sur la marchandise : c'est bien des fils de Ragnarr qu'il s'agit, mais le tout (en gros : les mêmes événements) est raconté de manière plus sèche... logique, la saga ne fait que quinze pages.

3/ Le Chant de Kráka. 14 pages et 110 notes, sans lesquelles il faut bien le dire, le lecteur de base (moi, et beaucoup d'autres) ne comprend rien.
Prenons la strophe 7 :
"L'armée a jeté ses boucliers à terre
quand les chiens de charogne
se sont rués à la gorge des guerriers ;
les lancettes de la discorde ont mordu
à la bataille des Skarpaskerjar ;
la lune du plat-bord avait rougi
avant que le roi Rafn ne périsse ;
la sueur brûlante coulait du crâne
des hommes sur leurs broignes
."
Les chiens de charogne, ce sont les épées. Les lancettes de la discorde, ce sont aussi des épées ; le plat-bord, c'est un bouclier ; la sueur en question, c'est le sang (et je passe deux autres notes).
La traduction peut-elle vraiment rendre un ce type de poésie, ultra-codé ? ("pluie des boucliers" = bataille, "secoueur de heaume" = guerrier ; "anguille de la bruyère" = le serpent ; "plaine des macareux" = la mer...).

Mais une poésie peut-elle vraiment être traduite dans une autre langue ?
On pourra lire, sur le très bon site anglophone The Literary Saloon : Goethe in translation, qui parle du problème de la traduction en anglais des poèmes de Goethe : "Goethe in translation is a radically diminished author. And, yes, the sublime 'Über allen Gipfeln/ist Ruh' readily makes that clear. As Sokolov notes, even Goethe's best-known works are hardly read in the English-speaking countries nowadays." ; mais il ne s'agit bien sûr pas que de la traduction de l'allemand vers l'anglais : The Rime of the Ancient Marriner, de Coleridge, ne donne pas grand-chose en français - le rythme de "I pass, like night, from land to land / I have strange power of speech" et des vers qui suivent est perdu ; pareil pour Verlaine traduit en anglais...
Et donc, pire encore (car la culture est tellement différente), que reste-t-il, pour nous francophones de la première moitié du XXI° siècle, de textes aussi codés que les poèmes scaldiques en norrois du XII ° siècle ? Les quelques pages nous en donne une vague idée, nous font deviner obscurément ce continent qui nous restera inaccessible. C'est donc intéressant.


Finalement, une postface érudite de 29 pages étudie les origines historiques de la légende de Ragnarr et de ses fils. Et on finit par 5 pages de bibliographie.


On pourra trouver un réel plaisir à lire la Saga de Ragnarr aux braies velues : bruit, fureur, complots, un peu de fantastique, garçon sans os mais non sans cervelle...





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