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João Ricardo PEDRO
(Reboleira, Amadora, district de Lisbonne, 1973 - )


joao ricardo pedro

 

"João Ricardo Pedro est né près de Lisbonne en 1973 et a travaillé plusieurs années dans les télécommunications. Victime de la crise économique, il est licencié [en 2009]. Il se met alors à écrire. La critique le compare à Saramago ou à Garcia Marquez." nous dit le site de l'éditeur Viviane Hamy.

Il obtient le Prix Leya (voir Wikipedia) pour son premier roman, La Main de Joseph Castorp.

 

la main de joseph castorp    ultimo

- La Main de Joseph Castorp (o teu rosto será o último- qui se traduirait apparemment par "Ton visage sera le dernier" - , 2012 ; traduit en français en 2013 par Elisabeth Monteiro Rodrigues). Editions Viviane Hamy. 227 pages.

Le roman commence le jour de la Révolution des Oeillets , dans un petit village perdu ("au nom de mammifère") du Portugal.
"Un roman extraordinaire. Il suffit de lire le paragraphe inaugural pour comprendre que Pedro est un écrivain de la pointe des cheveux au bout des orteils", a écrit Tavares dans le Correio da Manhã, si l'on en croit la quatrième de couverture. Voici ce paragraphe inaugural :
"Une chose semblait certaine : le vingt-cinq avril mille neuf cent soixante-quatorze, bien avant sept heures du matin, Celestino attacha sa cartouchière à sa taille, mit son Browning en bandoulière, vérifia son tabac et le papier à cigarettes, oublia sa montre accrochée au clou qui retenait également un calendrier, et sortit. Le ciel commençait à s’éclaircir. Ou peut-être pas. En plus des mouillettes au café au lait, Celestino s’était envoyé sans mal deux gorgées de gnôle. La première, pour les aigreurs d’estomac. La seconde, pour les pensées cafardeuses, car c’était, comme le suggérait toute sa physionomie, un homme enclin aux mélancolies prolongées." (page 9)

Le livre est assez irracontable.
Chaque chapitre du roman forme presque une nouvelle indépendante, mais qui entretient des relations plus ou moins mystérieuses (car elles seront plus ou moins expliquées) avec les autres.

On va prendre connaissance de fragments de la vie d'une famille sur trois générations : comment le docteur Augusto Mendes est arrivé dans ce trou perdu et pourquoi il s'y est installé ; quelques bouts de la vie de son fils Antonio, qui a fait la guerre en Angola ; et on va se concentrer sur le petit-fils, Duarte, pianiste prodige (on notera que le titre français mentionne le nom "Castorp" qui renvoie très certainement à la Montagne Magique de Thomas Mann, que je n'ai pas encore lu... toutefois, pour continuer dans les parallèles avec Thomas Mann, on remarque que le dernier représentant de la famille est ici un artiste, comme dans les Buddenbrook... ce qui ne veut pas dire que les fins soient identiques, bien sûr !).
Le tout est narré dans un style paradoxal, qui mêle une très grande précision et une signification pas toujours claire, dans un maëlstrom d'histoires étonnantes orchestrées par l'écrivain dont la présence est très forte. Comme dans certains romans de Tavares ou de Saramago.

On cherche souvent à deviner les liens entre tel personnage et tel autre.
Il y a une relation épistolaire entre Augusto Mendes et un certain Policarpo, ce dernier parcourant le monde. Ces lettres sont lues et relues par Augusto, mais aussi par son petit fils lorsqu'il devient assez grand.
"Mais, en lisant pour la première fois toutes les lettres de Policarpo, Duarte éprouva une autre surprise de taille : ses lettres préférées comme auditeur étaient loin d'être ses préférées en tant que lecteur." (page 47).

Le petit Duarte se pose pas mal de questions, et notamment :
"Il posa sa main droite sur le plateau de la balance : « Maman, combien pèse ma main ? ». [...] sa mère lui expliqua que c'était impossible de peser une main. À moins de la séparer du reste du corps, ce qui n'était pas une bonne idée. Ainsi, la flèche rouge indiquait non le poids de sa main, mais sa force." (pages 23-24)
Notre main nous est familière, on la connaît, mais finalement il nous est impossible de la connaître scientifiquement, pour ainsi dire, ou objectivement. Il doit en être de même pour tant de choses...

Les personnages hors du commun se succèdent : un coiffeur qui tremble, une prof de chant qui fait rêver les hommes...
"[...] les seins qui, entre mai et septembre, comme quelqu'un le fit remarquer un jour, rappelaient certains madrigaux de Monteverdi. Les fesses, elles aussi susceptibles d'appréciations métaphoriques, hyperboliques et même d'onomatopées en tout genre, connurent leur moment fort quand un joueur de hautbois, un garçon timide auquel manquait une oreille, les compara au deuxième mouvement du concerto vingt et un pour piano de Mozart. Devant la perplexité de ses camarades, il expliqua : « On dirait que le monde s'arrête. Le temps s'arrête. Plus rien n'a d'intérêt. Tout est suspendu. » Ce à quoi tout le monde acquiesça dans un unanime « merde alors »." (pages 114-115).

 

Il y a des répétitions, comme des refrains, et des échos. La main qu'il faudrait séparer du corps pour pouvoir la peser au début du livre ; une femme peintre amputée vers la fin.
Il manque souvent quelque chose aux hommes (et aux femmes).

Et il y a une toile :

le combat de Carnaval et de Carême
Brueghel l'Ancien : Le combat de Carnaval et de Carême, 1559. Kunsthistorisches Museum,Vienne. (voir Wikipedia)

"Un tableau dont la difficulté majeure pour celui qui le voyait, du moins pour la première fois, de surcroît pour un Européen du Sud né à Vila Viçosa, était de décider où porter son regard, tant les situations représentées apparemment sans lien étaient légion. On pouvait bien sûr le regarder en quête seulement d'une idée d'ensemble, de ce qu'on appelle un effet plastique. Mais, on aurait alors sûrement affaire à une oeuvre vide de sens ou dépourvue de toute narration, ce qui serait d'autant plus lamentable." (page 170).
Sans doute cette phrase s'applique-t-elle également au livre : multitude d'histoires, de liens, de sens cachés... où porter son regard ? Quel est le pivot de l'oeuvre ? Y en a-t-il un ?

Un premier roman impressionnant.
João Ricardo Pedro a-t-il brûlé toutes ses cartouches ? On peut craindre la tentation qui conduit souvent les écrivains à vouloir tout mettre dans leur premier livre.
Il est en train d'écrire son deuxième roman.

 

 

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