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Mark KHARITONOV

(Jitomir, Ukraine, 31/08/1937 - )

mark kharitonov

 

"Mark Kharitonov est romancier, essayiste et poète.
Après des études d'histoire, il a commencé à écrire en 1963 mais n'a pu être publié qu'après la perestroïka, à partir de 1988.
En 1992, il a été le lauréat du premier Booker Prize russe, avec son roman La mallette de Milachévitch, troisième volet de la trilogie Une philosophie provinciale.

En 1997, la traduction de son recueil d'essais Un mode d'existence a été récompensée en France par le Prix du meilleur livre étranger dans la section "essais". Année après année, longtemps en dehors de tout réseau d'influence officiel ou dissident, Kharitonov a bâti et continue de bâtir une œuvre originale, ébauchant une philosophie personnelle faite de pessimisme sur l'évolution du monde et d'éblouissement devant le merveilleux quand il surgit au coin le plus inattendu du prosaïque.

Sa poétique tissée dans une langue à la fois dense et subtile, particulièrement adaptée à la description des multiples variations de l'inquiétude humaine, en fait l'un des plus importants écrivains russes contemporains." (merci wikipedia)

le gardien

- Le Gardien (1994). Traduit du russe par Laure Troubetzkoy. 224 pages. Editions Fayard.

Le Gardien, c'est Storoj en russe. Et Storoj, c'est aussi le nom de celui qui semble être le personnage principal. Je dis qui semble, parce que je n'en suis pas bien sûr, en fait.

Ce qui est sûr, c'est que le livre commence ainsi :
"Peu après sa sortie de l'hôpital, alors qu'il venait de trouver un travail temporaire, Storoj s'aperçut qu'il avait complètement perdu le sommeil.
Il avait été hospitalisé à la suite d'un traumatisme de la colonne vertébrale : un jour qu'il se baignait, une vague l'avait jeté contre un fragment de pilotis dissimulé sous l'eau – accident particulièrement absurde pour un plongeur confirmé comme lui.
" (page 7).

Il était sportif ; il lui faut maintenant renoncer à toute ambition dans ce domaine.
"Il n'était pas hébété, au contraire, sa pensée n'avait jamais été si aiguë et si pénétrante […]" (page 9).

Ce qui est étrange, c'est que cette insomnie ne lui est pas venue tout de suite, mais une semaine après avoir commencé son nouveau travail, dans sa ville natale ou presque. C'est un travail qui est compatible avec son handicap – douleur de la colonne vertébrale, quasi-impossibilité de marcher plus de dix minutes.
"Son nouveau travail avait quelque chose de vaguement irréel, ce n'était pas une solution d'avenir, et il n'en comprenait pas le sens. Tous les jours, il devait plonger avec un équipement léger pour mettre en place à une profondeur de vingt-six mètres un container de rechange d'un poids modéré, de la taille et de la forme d'une batterie de voiture, et faire remonter celui de la veille qui était usagé, ou plus exactement rempli, à en juger par son poids. Le soir même, la boîte partait par l'hydroglisseur régulier, pour le chef-lieu de région d'où elle était peut-être expédiée par avion à Moscou. Quant au contenu et à la nature de ce dispositif, cela ne regardait par Storoj et il ne cherchait pas à en savoir plus ; il s'était engagé par écrit à ne divulguer aucune information et ne s'intéressait pas à la question. D'ailleurs, rien ne l'intéressait, il ne vivait que par inertie." (page 9).

Storoj est ainsi quotidiennement en contact avec un œuf étrange, installé au fond d'un lac artificiel récemment créé – on voit encore une partie du clocher de l'église qui dépasse, vision insolite.
C'est le Point Stratégique n°1. Un truc secret. Tellement secret qu'on évite de dire que ça l'est. Pas de panneau signalant une zone militaire.
Les pages où l'on voit Storoj sous l'eau, avec l'œuf, sont vraiment bien.

La ville de Iam-le-Bas est à moitié submergée, ce qui n'est pas le cas de Iam-le-Haut. Il y a une mauvaise ambiance, la tension monte ; des arrivages aléatoires de denrées provenant de l'étranger prouvent bien que le statut de la ville a changé. Des scientifiques sont là. Des techniciens aussi. Des gens des services secrets, ou spéciaux, ou autres... Mais qui sait quoi ? Qui sait ce que les autres savent ? Quelle est la nature de l'expérience ?
Il y a une décharge bizarre. "Ses limites exactes étaient inconnues. Elle ne figurait pas sur la carte de la région, établie naguère par des spécialistes dont la mission était de déformer légèrement les projections afin que l'ennemi éventuel ne pût en tirer aucun renseignement d'ordre militaire." (page 45).

A cause d'une tripotée de personnages (surtout au début du livre : il y en a vraiment trop dont on se demande ce qu'ils viennent faire là : nous étourdir d'histoires, de coïncidences, de bizarreries, sans doute), on ne sait plus comment on en est arrivé là. On se focalise finalement sur certains. Tous sont étranges, ils ont généralement eu un choc qui a révélé chez eux des aptitudes (lévitation…).

Docteur ès science et écrivain de SF qui, après un accident de moto, acquiert "la possibilité inattendue de voit un cas clinique pour ainsi dire de l'intérieur" (page 74). Cela ne l'empêche pas, une fois par mois, lors de la pleine lune et alors qu'il est atteint d'une peur nocturne irraisonnée de rouler à tombeau ouvert avec sa moto ("Je ne dirai rien contre les icônes et contre Bach, mais si vous ne comprenez pas qu'une vitesse d'un quart de millier de kilomètres à l'heure puisse mettre l'homme dans le même état divin, c'est que vous aussi, vous êtes bornés à votre manière", page 75)

C'est parfois burlesque (le type qui pratique le yoga et qui reçoit la syllabe "om" – la syllabe sacrée – qui se détache de l'enseigne "Gastronom", page 80 ; ou, à propos d'une soupe de poissons "dont il parlait de façon si appétissante qu'on en sentait tout à coup l'odeur, au point que l'autre [l'interlocuteur] notait qu'elle contenait trop de laurier.", page 92).
Et puis encore étrange : la petite vieille avec son cabas qui apparaît mystérieusement dans l'enceinte d'un institut top secret, le béton qui s'étend comme une moisissure, l'homme dont les histoires, comme des prophéties, se réalisent…

"Nous sommes comme des singes dans une ville abandonnée, qui tripotent et essaient les objets d'une civilisation incompréhensible. Peut-être qu'elle vient effectivement d'ailleurs ?" (page 165).
Ça sent son Stalker, le livre des frères Strougatski. Il y a la même façon d'ancrer quelques éléments SF dans la réalité, de la faire dévier pour révéler… quoi ?

C'est un livre pas banal, c'est certain.
Mais il y a tant de mystères... Egoûts immenses… décharge fumante… l'œuf et ce qu'il sécrète… les explosions… la pluie bizarre… la réalité qui se délite… C'est quoi ce b[censuré] ?
Est-ce une parabole ? Mais une parabole sur quoi ? Il est souvent fait allusion au régime communiste, aux camps.
Mais ?
Qu'est-ce que c'est ?
Ah, la lune se lève, vous m'excuserez, il faut que j'aille rejoindre Bach dans le Divin.

"… il volait, espérant atteindre la vitesse salvatrice qui lui ouvrirait une fenêtre sur la lumière pure, celle qui est la même pour tous, mais que chacun n'aperçoit que par une petite fente. Le point rouge de son feu arrière se déplaçait silencieusement dans le ciel et les hommes qui veillaient sur les collines, isolés et ignorant chacun l'existence des autres, le suivaient du regard." (page 222).




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