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CHIANG Ted

(Port Arthur, New York, Etats-Unis, 1967 - )

Ted Chiang

Fils d'immigrés Taïwanais. Après des études d'informatique à la Brown Université de Providence (Rhode Island), Ted Chiang a suivi un stage à l'atelier d'écriture Clarion.
"Avant d'être accepté dans cet atelier d'écriture, je n'avais jamais reçu aucun encouragement concernant mes textes, et j'étais sur le point d'arrêter. A Clarion, pour la première fois, quelqu'un m'a dit qu'il aimait ce que j'écrivais. Clarion m'a également introduit dans la communauté SF. Avant d'y aller, je n'avais jamais connu aucun lecteur de SF, et encore moins quelqu'un qui voulait en écrire, alors rencontrer des confrères étudiants là-bas, c'était comme découvrir une famille que vous n'auriez jamais su avoir." (http://www.fantasticmetropolis.com/i/chiang/ ). Après quoi il fit de l'informatique du côté de Seattle.
Auteur de quelques nouvelles seulement, il a cumulé un nombre impressionnant de prix de premier ordre (Hugo, Nebula). Chez lui, la qualité remplace la quantité, et il ne compte pas sur sa plume pour gagner de quoi vivre : il a un "vrai" travail...

Ted Chiang écrit très peu, et pour le moment aucun roman. Son style est précis, pas lyrique.
Ses histoires sont basées sur une idée forte. "J'ai toujours la fin de l'histoire en tête avant de commencer à écrire. J'ai essayé d'écrire une histoire sans savoir où elle allait, et elle n'est jamais allée nulle part. Je ne suis pas de ces écrivains dont les personnages prennent le contrôle de l'histoire ; si un protagoniste n'est pas le type de personne qui se comporterait de la manière dont j'ai besoin, je revois sa personnalité pour qu'elle colle". (http://www.booksense.com/people/archive/chiangted.jsp)

Ses thèmes de prédilection sont la perception du monde, la communication.

La TOur de Babylone

- La Tour de Babylone (Stories of your life and others, 2002). Denoël Lunes d'encre, 342 pages. Nouvelles traduites de l'américain par Pierre-Paul Durastanti et Jean-Pierre Pugi
Il s'agit d'un recueil de huit nouvelles. A noter que l'auteur fait un bon usage, malheureusement trop rare de nos jours, de la postface.

1/ La Tour de Babylone (prix Nebula 1990, nominé au Hugo 1991) : contrairement à ce qui s'est passé dans notre réalité, le chantier de la Tour de Babylone ne s'est pas interrompu, et la tour a été construite... jusqu'en haut, jusqu'à toucher le ciel (un peu comme dans le film The Truman Show, de Peter Weir). Mais que faire ensuite ? Creuser le ciel, bien sûr ! Pour cela, on fait appel à des spécialistes : des mineurs d'Elam ainsi que des Egyptiens sont appelés pour intervenir dans cette étape délicate. Le lecteur monte avec eux et découvre l'incroyable édifice.
"Vint le jour, au fil de la montée, où la tour parut semblable qu'on regarde vers le haut ou vers le bas depuis le bord de la rampe. Au-dessous, la hampe de l'édifice devenait invisible bien avant sa base. Au-dessus, on n'en discernait toujours pas le sommet. Bref, on ne voyait qu'une longueur de tour. Lever ou baisser les yeux était pareillement terrifiant, car le réconfort qu'offrait la solution de continuité s'était évanoui ; on n'avait plus d'assise. L'édifice évoquait un fil en suspens dans les airs, séparé de la terre comme du ciel." (page 22). Des campements intermédiaires sont mis en place, des plantes poussent, des récoltes sont faites. L'ascension se poursuit. "Bientôt, ils se trouvèrent au niveau de la lune dans sa trajectoire." (page 23).
C'est une nouvelle assez vertigineuse ; l'organisation du chantier ainsi que la tour et les dangers à creuser le ciel sont très bien décrits.

2/ Comprends (nominé au Hugo 1992) : dans cette nouvelle, un homme accède à un niveau d'intelligence encore jamais atteint par personne. On songe évidemment tout d'abord au grand classique du genre, Des Fleurs pour Algernon, le roman de Daniel Keyes (1966, plusieurs fois adapté à l'écran, grand et petit). Mais dans cette nouvelle, le propos est différent : les services secrets s'en mêlent, le personnage principal poursuit un but très personnel et pas très recommandable (un être super intelligent n'est pas forcément bon). Ted Chiang aborde également un autre thème de la SF : les limites du langage. Un être d'une intelligence quasi sur-humaine peut-il exprimer ses nouvelles idées, ses nouveaux concepts, voire sa nouvelle logique, avec notre langage commun limité ? Les mots du langage ne limitent-ils pas ou n'influencent-ils pas notre vision du monde ? (on pourra également penser à Babel 17, de Samuel Delany, si l'on veut ajouter une référence).
"Mon nouveau langage s'étoffe. Gestaltiste, il convient parfaitement à la pensée mais pas à l'expression écrite ou orale. Il serait impossible de le transcrire sous forme d'écriture linéaire, seulement en tant qu'idéogramme géant [idée que l'auteur reprendra dans L'Histoire de ta vie]. Perçu comme un tout, il exprimerait avec bien plus de précision qu'une image ce qu'un millier de mots ne permettraient pas de traduire. Sa complexité serait fonction du nombre d'informations qu'il contiendrait. Je me surprends à tenter d'imaginer un idéogramme démesuré qui décrirait tout l'univers." (pages 66-67).
On pense inévitablement à Borges. Intéressant, parfois abstrus.
La fin de la nouvelle peut laisser un peu perplexe.
On peut trouver la totalité du texte en anglais : http://www.infinityplus.co.uk/stories/under.htm

3/ Division par zéro (Division by Zero, 1991) : ou comment les fondements mêmes sur lesquels est bâtie une vie de mathématicienne s'effondrent... et la vie de la mathématicienne part en morceaux en même temps. Cette fois-ci la fin ne laisse pas tant perplexe que dans l'expectative. Mais pouvait-il y avoir une "vraie" fin ? Peut-être la nouvelle où un personnage "existe" le plus, avec son désespoir et ses contradictions, bref son humanité.
On peut trouver la totalité du texte en anglais : http://www.fantasticmetropolis.com/print.html?fn,division

4/ L'Histoire de ta vie (Story of your life, prix Nebula 1999) : l'héroïne de l'histoire est linguiste. Des extra-terrestres (appelés "heptapodes") viennent nous voir sur notre bonne vieille Terre, mais les bougres ne parlent pas l'anglais (ni d'ailleurs aucune langue humaine) !
Notre héroïne, comme beaucoup d'autres linguistes, est donc sollicitée pour tenter un dialogue. Cette fois-ci, si l'on veut effectuer un rapprochement, on pourrait penser à Enchâssement, le curieux roman de Ian Watson (d'ailleurs, et cela ne doit pas être une coïncidence, ce mot est utilisé page 142 : "Il semblait aussi que les heptapodes ne voient aucun inconvénient à utiliser l'auto-enchâssement à niveaux multiples qui ne tardait pas à égarer les humains. Particulier, mais pas impénétrable.") On découvre progressivement la logique de leur langage et, comme dans Comprends, mais plus encore ici, on se rend compte que le langage modèle (ou reflète ?) la vision du monde, sa compréhension.
Un des dangers, quand deux groupes de personnes se rencontrent et que personne ne parle la langue de l'autre, est le malentendu. La narratrice raconte ainsi une anecdote classique, sans doute apocryphe :
"En 1770, l'Endeavour, du capitaine Cook, s'échoua sur la côte du Queensland, en Australie. Tandis que certains de ses hommes entreprenaient de réparer le navire, Cook prit la tête d'un groupe d'exploration et rencontra des aborigènes. Un des marins désigna les animaux qui sautillaient, portant leurs petits dans des poches ventrales, et demanda à un aborigène comment on les appelait. L'autre répondit : « Kangourou » . Dès lors, Cook et ses hommes firent référence à ces animaux sous ce nom. Ils n'apprirent que plus tard que cela signifiait « Qu'est-ce que vous avez dit ? »" (page 126).
A noter que, dans le livre Les Autruches ne mettent pas la tête dans le sable (de John Lloyd et John Mitchinson, Editions Dunod, 278 pages)on peut lire, à la question "Que signifie « kangaroo » en aborigène" : "Cela ne signifie pas « je ne sais pas », malgré les innombrables sites Internet et livres qui prétentent le contraire, le citant comme un exemple amusant d'incompréhension entre les peuples. [...] Au XVIII° siècle, il y avait au moins 700 tribus aborigènes en Australie, parlant 250 langues différentes.
Le mot kangaroo ou gangaru provient de la langue Guugu Ymithirr de Botany Bay, où il désigne le grand kangourou noir ou gris (Marcopus robustus). Lorsque les colons anglais visitèrent l'intérieur des terres, ils utilisèrent ce mot pour désigner tous les kangourous et les walabys.
Le peuple des Baagandjis vivait à 2 250 km de Botany Bay et ne parleit pas Guugu Ymithirr. Ils entendirent les colons anglais utiliser ce mot inconnu et l'adoptèrent pour « animal que personne n'a jamais vu avant. »
Comme ils n'en avaient jamais vu avant, ils utilisèrent (et on le comprend) ce mot pour désigner les chevaux des colons.
" (page 232-233).
Fin de la parenthèse.
Très bonne nouvelle, qui devrait être adaptée par Denis Villeneuve en 2016.

5/ Soixante-Douze lettres (Seventy-Two Letters, Sidewise Award en 2000) : cette nouvelle très étonnante se déroule en Angleterre, dans une réalité où la Révolution Industrielle n'a pas vraiment eu lieu : les machines sont en fait des golems, ces créatures sculptées dans de l'argile, par exemple, et animées grâce à un mot écrit sur un morceau de papier glissé dans une fente.
Mais ce n'est pas tout : une découverte stupéfiante est faite en France, qui demande aux scientifiques anglais de confirmer leur expérience (que je me garderai bien de dévoiler ici) dont la conclusion est que l'espèce humaine va rapidement disparaître pour cause de stérilité...
Etonnant, excellent, le mélange de thèmes tirés de la kabbale et de sciences est très original.

6/ L'Evolution de la science humaine (The Evolution of Human science, 2000) : petite nouvelle (publiée dans Nature), écrite sous forme d'un article de revue de vulgarisation scientifique qui traite du problème de la recherche dans un monde où coexistent les humains et les méta-humains, une version "améliorée" de l'homme, tellement intelligente et évoluée que la communication a le plus grand mal à se faire.
Le texte peut être lu sur : http://www.nature.com/news/2005/050704/pf/436150a_pf.html

7/ L'Enfer, quand Dieu n'est pas présent (Hell is the absence of God, Prix Hugo et Nebula 2002) : encore un monde alternatif. Il est pareil que le nôtre, sauf que lorsque les anges viennent faire une apparition, cela ne passe vraiment pas inaperçu : explosion, éclairs, etc. selon les anges. Lors de ces visites, des guérisons miraculeuses ont lieu... et des passants innocents périssent ou sont grièvement blessés. De plus, lorsque quelqu'un meurt, tous les témoins peuvent voir son âme monter au Ciel ou descendre en Enfer, un lieu qui ne semble pas si terrible que cela. Mais qu'en est-il vraiment ? Et comment avoir foi en Dieu et ses Anges, qui tuent aveuglément des innocents ? Encore une nouvelle très originale et réussie. L'auteur explique bien ses intentions dans la postface.

8/ Aimer ce que l'on voit : un documentaire (nominé au Hugo 2003) : Cette nouvelle est composée d'extraits d'interviews d'étudiants, de parents, ainsi que de discours et clip, qui tournent autour d'un vote organisé dans une école sur un sujet brûlant : faut-il rendre la calliagnosie obligatoire ? Et le lecteur découvre de quoi il s'agit.
"
Tous les ados réclamaient des interventions de chirurgie plastique pour ressembler aux idoles du moment. La plupart des parents faisaient leur possible pour limiter les dégâts, mais couper des jeunes gens du monde extérieur au sein d'une culture obsédée par l'image est irréalisable." (page 294).
La calliagnosie est la réponse adéquate : elle consiste en la désactivation du centre, dans le cerveau, qui permet d'apprécier la beauté corporelle. Du coup, une société dans laquelle l'aspect physique est quantité négligeable peut se développer, et ainsi les gens peuvent se recentrer sur des valeurs réellement importantes.
Une mère s'exprime ainsi : "
On a conditionné les filles à croire que leur valeur est liée à leur apparence. Ce qu'elles accomplissent est amplifié si elles sont jolies et minimisé si elles ont un physique ingrat. Plus grave encore, on a persuadé certaines d'entre elles que la beauté suffit pour réussir dans la vie et que développer son intellect est par conséquent superflu. Je souhaitais protéger Tamera contre ce genre d'influences." (page 295).
La campagne précédant le vote est âpre et tous les coups sont permis. Les interviews montrent bien tous les aspects de la question. Le thème de la beauté est traité avec beaucoup plus de profondeur que, par exemple Attentat, le roman d'Amélie Nothomb.
Encore une excellente nouvelle.

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