Dictée - Le Combat des Chefs

De tous azimuts, des chefs venaient disputer un grand concours culinaire. En mal d'étoiles, d'ambitieux maîtres queux s'affrontaient non pas sur le décor, la qualité du service ou la propreté des nappes, mais sur l'essentiel : le contenu de l'assiette. Le goût, les saveurs, et pas le strass.
Certes, la présentation comptait : que serait le goût sans cet adjuvant, la vue ?

Une toque d'or échoirait au vainqueur, et la toque en toc au dernier, cuillère de bois de la gastronomie.

Tout concurrent devait confectionner dans un temps imparti un menu élaboré de son propre chef.
Il y eut pléthore de plats des plus raffinés, aux agréments divers : fragrance ineffable de bergamote, néroli subtil, force du paprika, nostalgie amère de l'orange, vivacité du citron... Les sauces aux saveurs intrigantes, à la composition secrète, magnifiaient les viandes dorées, les poissons en cocotte ou à la matelote.

- Fin de la première partie -

Les deux meilleurs concurrents finirent ex æquo. Allaient-ils se départager en confectionnant un chef-d'oeuvre, quintessence de l'art culinaire : potage à la tortue, caille en sarcophage, mousse aux marrons et macarons ? Que nenni ! Le jury estima, à titre d'apothéose, qu'une simple salade ne messiérait pas à la désignation du futur toqué d'or.

Les deux chefs jaillirent des starting-blocks dès que le bruit de la louche sur la soupière retentit. Ils se murent dans des styles très différents, l'un avec frénésie, l'autre avec nonchalance, voire désinvolture, comme le souligna un époustouflant commentateur qui s'égosillait dans le micro. Ah ! que d'émotions...

Les deux salades furent soumises au jury : l'une tarabiscotée, truffée d'anchois de choix, de noix de pécan, d'échalotes et d'oeufs de lumps ; l'autre, lumineuse petite salade au beau vert chlorophylle.

D'un côté, une sorte de pièce montée d'où émanait une odeur de poisson ; de l'autre, une vraie salade fraîche et craquante qui obtint un triomphe.

Mais quel est donc votre secret ? demanda-t-on à l'heureux gagnant qui confia, tout en signant des autographes : « Ma maman m'a toujours dit qu'un filet d'huile d'olive et quelques gouttes de citron suffisaient à transcender une jolie salade ! »