- J'ai du travail à faire au jardin, viens avec moi et prends un livre ! s'exclama la mère du petit Jojo. Tu pourras ainsi te cultiver et t'occuper intelligemment au lieu de rêvasser devant la télévision.

Elle commença à tailler la haie de thuyas, pendant que Jojo entamait la lecture d'Alice au Pays des Merveilles... Il était tellement bien là, adossé au tronc d'un tilleul, qu'il plongea bientôt dans un sommeil abyssal. Le tronc de l'arbre s'ouvrit et le happa : il dégringola avant de se retrouver de plain-pied dans un jardin secret et mystérieux comme il n'en avait jamais vu de toute sa vie, où des lutins avec des arrosoirs presque aussi grands qu'eux prenaient soin de fleurs versicolores. En s'approchant, Jojo remarqua que les pétales étaient calligraphiés et que chaque fleur narrait un poème.

Fasciné par cette vision, charmé par l'iridescence des fleurs et la douceur enivrante de tous leurs parfums, il s'écria :

- Je rêve d'apprendre à cultiver ainsi !

Un lutin applaudit et le prit par la main pour le guider à travers les allées labyrinthiques.

- fin de la première partie -

Ils passèrent devant des parterres de dames-d'onze-heures, d'amaryllis parfumées, de fuchsias et autres catleyas, et arrivèrent au pied d'un immense sycomore dont les feuilles étaient de vraies pages de livres !

- Je te présente le gardien de la mémoire des jardins, annonça le cicérone. Sur ses feuilles figurent les secrets de tous les jardiniers du monde. Plus loin se trouvent les autres arbres de la connaissance. Ils sont omniscients !

A ce moment-là, une grande clameur s'éleva qui alla crescendo : les petits jardiniers criaient à l'aide.

Une armée de criquets transgéniques venait de passer à l'attaque !

- C'est terrible, s'exclama le lutin. Ces orthoptères vont dévorer nos pétales poétiques, déchiqueter sonnets et rondeaux, lais et virelais, ravager les feuilles des arbres de la connaissance ! Attention, ils arrivent !

Affolé, Jojo grimpa dans l'arbre, de plus en plus haut, pour leur échapper, glissa, mais réussit heureusement à s'agripper à une feuille géante.

Horreur ! les mandibules d'un gigantesque phytophage entaillaient déjà la base de la feuille. A l'acmé de son désarroi, Jojo s'abîma dans le vide.

Quelqu'un cria : « Jojo !».

- Tu te réveilles enfin? demanda sa mère en le voyant ouvrir les yeux.

- Oh, maman, murmura-t-il d'un air candide, je cultivais mon jardin secret !

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