- Première partie - (seniors)

Il était une fois un royaume fascinant gouverné par une dynastie de bibliolâtres. Le roi et la reine collectionnaient incunables, éditions princeps, portulans et manuscrits archaïques, codex, tablettes et papyrus à l'écriture bizarre : cunéiforme, en boustrophédon, idéogrammes ou hiéroglyphes. La princesse, leur fille unique, s'enthousiasmait de grimoires et recueils aux incipit somptueusement enluminés, se délectait de la calligraphie sophistiquée d'une écriture gothique ou de textes onciaux, se réjouissait à caresser des ouvrages reliés en chagrin ou en maroquin et dont l'ais des reliures s'adornait de l'incrustation de maintes pierres précieuses.
En ce royaume, même les arbres se couvraient de feuilles dont l'entrelacs des nervures semblait esquisser l’amorce d'un poème !
L'attrayant minois de la princesse enflammait le coeur de nombreux jeunes gens des royaumes alentour désireux de la conquérir. Mais notre héroïne, férue de blandices culturelles, tenait qui ne saurait trousser un bel épithalame pour blanc-bec avéré. Dès lors, comment choisir un époux ? Les dragons d'antan avaient été occis depuis longtemps et leurs peaux mégissées contribuaient aux plus belles reliures de la bibliothèque royale.
 Le sorcier de famille consulta le marc de son café. La lumière en jaillit : un concours de lecture s'imposait. Le vainqueur conquerrait la main de la princesse.

 

- Deuxième partie - (seniors et juniors)

 

Ainsi fut fait. Dès potron-minet, moult concurrents furent introduits dans une salle truffée d'opuscules de tous lieux et de toutes époques : papyrus, parchemins, sagas en cent volumes ou fascicules de quelques pages.
Les prétendants furent guidés vers la section des livres magiques. L'un s'empara du Livre de feu, dont les pages roussissaient les doigts de ceux qui les tournaient ; un autre du Livre de neige, aux pages entièrement blanches et froides.
Un cri d'horreur fusa lorsqu'un livre carnivore avala son lecteur ; des ronflements tonitruèrent à l'envi dès qu’un autre compétiteur atteignit la deuxième ligne du Livre du sommeil.
Au soleil couchant le lauréat de ce concours épique fut couronné ; il avait réussi un exploit inouï: lire le Livre de sable, une oeuvre dépourvue de fin, les pages pouvant se tourner à l'infini… Eh oui, ç'avait été possible !

Au jury médusé, le vainqueur, l'air facétieux, expliqua en retournant le livre : « Je l'ai lu à l'envers ! »

 

 

 

 

 

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