RTT aux Caraïbes

Crâne Rasé est un pirate et, en même temps, un cuisinier.
Un pirate, c'est un grand garçon qui se donne beaucoup d'exercice en plein air : ça creuse !
Le rôle du cuistot est donc primordial : une nourriture peu goûtée, et c'est la mutinerie.
Cependant, notre héros n'est pas qu'un simple boucanier : il est considéré par le Goéland-Millau comme l'un des meilleurs cuisiniers du monde. Il officie sur le brigantin du célèbre capitaine Barbe Noire.
Un beau matin, il sollicite quelques jours de RTT (Repos de Toute Tuerie) pour se rendre à l'île de la Tortue, où se tient le concours quinquennal de soupe à la tortue, le régal mythique de tout estomac pirate !
C'est là que, au milieu de loups de mer éméchés qui tapent des mains, des crochets et des jambes de bois, parmi les interjections et les battements d'ailes des perroquets, les candidats se défieront.

Seconde partie : seniors

Mais il faut d'abord parvenir à se rendre sur l'île, et pour cela emprunter la navette (un brick bien briqué pour ce rendez-vous de prestige).
Installé à bord, adossé au mât d’artimon, Crâne Rasé contemple la houache qu'engendre l'étambot, observe la manœuvre des galhaubans… Il somnole, lorsque soudain, la tempête se déchaîne !
Après avoir longuement virevolté sur les flots et, en l'absence d'amers, évité de dangereux étocs, la bonace enfin revenue, le brick parvient heureusement à bon port.
Dans une taverne surchauffée, la compétition commence au milieu d'un amoncellement d'ingrédients : tortues, huiles, oignons, aulx, échalotes, aromates variés… Alors que les coquemars bouillonnent à qui mieux mieux, notre maître queux sort de sa poche un sachet de mystérieux grains noirs qu'il ajoute à sa soupe, touille avec tout le savoir-faire que lui confèrent des années d'expérience, et voilà, c'est fin prêt !
La dégustation en aveugle est effectuée par des pirates à bandeau, et le verdict tombe : Crâne Rasé l'a emporté ! Le jury le loue particulièrement pour "l'incroyable goût rêche en arrière-gorge qui suscite une furieuse envie de s'humecter les amygdales de quelques pintes de tord-boyaux".
Après un raz-de-marée de vivats dithyrambiques, la mise en perce d'une barrique de ratafia promptement asséchée et quelques horions obligeamment distribués de-ci de-là, l'heure est aux adieux.

De retour au bercail, notre lauréat se présente devant Barbe Noire, qu'il salue :
- Merci, chef… à vous et à votre barbe !