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HEDAYAT Sadegh
(Téhéran, 17/02/1903 - Paris, 09/04/1951)

 


Sadegh Hedayat est généralement considéré comme l'un des plus grands écrivains iraniens.
Il vient en France en 1926, pour ses études... et tente déjà de se suicider.
En 1930, il est de retour en Iran. Il occupe des emplois administratifs... rien de très intéressant.
1936 : voyage en Inde qui le marque fortement.
1944 : voyage en Ouzbekistan soviétique.

Sadegh espère des transformations politiques dans son pays à la suite de la guerre... il sera déçu.
"Il n'aspire plus dès lors qu'à lévasion, et quand la gloire vient enfin à lui, il la repousse : ses amis doivent lui arraches ses manuscrits et en surveiller eux-mêmes l'impression. Dans les derniers jours de 1950, enfin, son grand rêve se réalise. Il est à Paris. Il s'y retrouve avec transport, en baise les pierres, comme il le confie à un intime. Mais il a fixé son destin." (Roger Lescot, introduction à La Chouette aveugle, page 12). Il se suicide au gaz.
"Edouard Saenger, un vieil ami qui l'avait aidé à emménager, l'a découvert étendu sur le carreau de la cuisine, dans une calme et presque souriant attitude, à côté des manuscrits brûlés de ses ultimes oeuvres."

"C'est un univers désespéré qu'il promène sur le monde. Cet univers aux lois impénétrables, mais absurdes et cruelles, s'il entr'ouvre parfois devant nous ses cercles les plus fantastiques, loin de nous offrir alors la promesse d'une destinée meilleure au delà de l'existence terrestre, nous apparaît toujours baignée de la même sinistre lumière. Rien à espérer de cette vie, rien non plus d'une autre." (Roger Lescot, pages 14-15).

De son vivant, il a été qualifié de pessimiste aristocratique par le parti communiste iranien. Apparemment, ce n'était pas un compliment.

Il est enterré au Père-Lachaise. Il y a une chouette gravée sur sa tombe.



La Chouette aveugle (Bouf-é-Kour, 1937. José Corti, 196 pages, 1953, traduit du Persan par Roger Lescot).
Ce roman est son oeuvre la plus connue. Elle a d'abord été publiée à Bombay en peu d'exemplaires. Sadegh Hedayat craignait les réactions à sa publication en Iran.
En 1941, les Alliés occupent l'Iran, et le roman est publié.
Les surréalistes (et Henry Miller, Roger Caillois entre autres) ont particulièrement apprécié ce roman lors de sa publication en français en 1953.

Le narrateur est malade et opiomane. Il livre un récit qui rappelle parfois les nouvelles fantastiques de Maupassant.

Le roman commence ainsi : "Il est des plaies qui, pareilles à la lèpre, rongent l'âme. Ce sont là des maux dont on ne peut s'ouvrir à personne." (page 23)
On voit rapidement les thèmes du livre : la misanthropie, la mort : "Je n'ai qu'une crainte, mourir demain, avant de m'être connu moi-même. En effet, la pratique de la vie m'a révélé le gouffre abyssal qui me sépare des autres : j'ai compris que je dois, autant que possible, me taire et garder pour moi ce que je pense. Si, maintenant, je me suis décidé à écrire, c'est uniquement pour me faire connaître de mon ombre - mon ombre qui se penche sur le mur, et qui semble dévorer les lignes que je trace. C'est pour elle que je veux tenter cette expérience, pour voir si nous pouvons mieux nous connaître l'un l'autre." (pages 24-25).

Le narrateur a rencontré une femme extraordinaire, aux "deux yeux immenses, étonnés, éclatants, aux profondeurs desquels ma vie se consumait lentement, douloureusement." (page 27).
"Elle perdue, je me retirai tout à fait de la société des hommes, du cercle des crétins et des heureux. Je me réfugiai dans le vin et dans l'opium, afin d'oublier. Mes journées s'écoulaient, elles s'écoulent encore, entre les quatre murs de ma chambre. Ma vie entière s'est écoulée entre quatre murs." (page 27)

Il a une vision... une femme, au loin, à travers une lucarne... certains détails sont d'une netteté hallucinante, il n'est pas possible de voir ainsi à une telle distance. Un lien mystérieux lien semble s'être créé entre eux deux, comme la réminiscence d'une vie antérieure.

"Alors je vis passer dans ses yeux immenses, dans ses yeux démesurés, dans ses yeux humides et brillants, pareils à des boules de diamant noir baignant dans un bain de larmes, toute la douloureuse aventure de ma vie. Dans ses yeux, ses yeux noirs, je trouvai l'éternelle et profonde nuit que je recherchais ; je me plongeai dans leurs ténèbres terribles et enchanteresses. Il me semblait qu'ils faisaient jaillir une immense vigueur des tréfonds de mon être. Le sol frémissait sous mes pieds, et j'aurais éprouvé   à tomber un plaisir inexprimable." (page 44).
Est-ce ici la Femme, symbole de la Mort ? Rien n'est très clair... La chronologie se détraque, le monde se déforme, des personnages apparaissent et réapparaissent déformés, transformés, grotesques, ce sont les mêmes et en même temps pas tout à fait. Même le paysage est menaçant.

"Autour de moi se déroulait un panorama tel que je n'en avais jamais vu, ni en rêve ni à l'état de veille ; de chaque côté du chemin, on apercevait des montagnes en dent de scie, des arbres bizarres, écrasés, maudits, entre lesquels apparaissaient des maisons grises, de forme triangulaire ou prismatique, avec de petites fenêtres sombres, dépourvues de vitres. Ces fenêtres ressemblaient aux yeux troubles de quelqu'un qui délire." (page 60).

Encore cette obsession pour les yeux et les fenêtres. Même les étoiles : "A travers les nuages, les étoiles contemplaient la terre, pareilles aux prunelles d'yeux brillants qui auraient émergé d'un sang noir et coagulé. [...] Les arbres tordus, avec leurs branches difformes, semblaient se tenir par la main, de peur de glisser dans l'obscurité et de tomber." (page 69).

La mort... le narrateur y pense beaucoup. "Une seule chose me faisait peur : l'idée que les atomes de ma chair se mêleraient à ceux de la canaille. Y songer m'était insupportable et je souhaitais disposer, une fois mort, de longues mains, munies de longs doigts sensibles, afin de pouvoir rassembler soigneusement tous mes atomes, les garder dans mes paumes fermées et empêcher ces fragments de mon être, mon bien exclusif, d'entrer dans les corps de la canaille. [...] L'espoir du néant, après la mort, restait mon unique consolation, tandis qu'au contraire l'idée d'une seconde vie m'effrayait et m'abattait. Pour moi qui n'étais pas encore parvenu à m'adapter à celui dans lequel je vivais, à quoi bon un autre monde ?" (pages 150-151)


Un roman très curieux, pas toujours très compréhensible, aux échos qui se démultiplient, aux détails qui reviennent mais un peu différemment... une sorte de cauchemar. Songe, réalité, vie antérieure, vie hypothétique où est-on ?

 

Autres livres traduits en français :
- Enterré vivant
- Eau de Jouvence et autres récits
- Madame Alavieh (récits)
- L'Abîme et autres récits
- Les Chants d'Omar Khayyam


Films d'après son oeuvre :
- Dash akol (1971), réalisé par Masud Kimia
- La Chouette aveugle (Boof-e koor, 1975), réalisé par Kiumars Derambakhsh
- La Chouette aveugle (1987), réalisé par Raoul Ruiz.
- Sahere (1997), réalisé par Davood Mir-Bagheri.
- Se ghatre khoon (2000) réalisé par Vahid Nassirian.
- Paat (2000), réalisé par Amir Ali Barootian. Il s'agit d'un court-métrage (19') d'animation.
- Gerdab (2005), réalisé par Hassan Hedayat.
- Boof (2005), réalisé par Hossein Moradizadeh
- Ghesse-haye yek zendegi (2006), réalisé par Hassan Hedayat



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