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wa Thiong'o
NGUGI
(Kamiriithu, près de Nairobi, Kenya, 05/01/1938 - )


ngugi

"Ngugi wa Thiong’o, né le 5 janvier 1938 comme James Ngugi à Kamiriithu (près de Nairobi), est un écrivain kényan de langue kikuyu et anglaise. Il est actuellement professeur et directeur de l'International Center for Writing & Translation à l'Université de Californie à Irvine.

Ngugi wa Thiong’o est le cinquième fils de la troisième des quatre femmes de son père Thiong'o wa Nducu. L'enfant fréquente l'école de la mission presbytérienne de l'Église d'Écosse avant d'entrer, en 1949, dans l'école indépendante, religieuse et nationaliste, Karing'a. Le jeune garçon fait montre de réelles qualités scolaires et obtient une bourse pour l'Alliance School, seul collège kényan à former des Africains. Ngugi wa Thiong’o poursuit donc sa scolarité en anglais, alors que la situation politique du pays commence à se dégrader puisque des voix s'élèvent contre le colonialisme anglais. La violence embrase peu à peu le pays.

Figure dominante de la littérature des années Moi, il a très tôt adopté des positions radicales sur la « politique néocoloniale de l’establishment kényan ». Il participe à une conférence controversée sur le sujet au sein de l'université Makerere.
Son premier roman, Weep not Child (traduit par « Enfant, ne pleure pas »), est écrit en 1962, à la veille de l’indépendance du Kenya. L'auteur y aborde, à travers les yeux de son jeune héros Njoroge, les tensions entre Blancs et Noirs, entre culture africaine et influence européenne, à une époque (1952-1956) où les insurgés kikuyus, plus connus sous le nom de Mau Mau se lèvent contre l'autorité anglaise.
De retour au Kenya, Ngugi wa Thiong’o devient journaliste pour le prestigieux hebdomadaire The Nation, avant de rejoindre l'université de Leeds, au Royaume-Uni, où il commencera un travail de recherche sur Joseph Conrad. L'écrivain rédige alors Et le blé jaillira, qui lui vaudra son premier succès international.

À partir de 1967, il enseigne successivement au Kenya et en Ouganda. En 1971, il publie un premier recueil d'essais, Rentrer chez soi. Puis vient le roman Pétales de sang (1977, traduit en français). Le récit, qui se déroule dans les années 1960-1970, traite du pillage des paysans et des laissés pour compte de la résistance coloniale, volés par la nouvelle classe sociale bourgeoises issue de l'indépendance.
L'écrivain « afro-saxon », comme il se définit, se consacre ensuite au théâtre avec Le Procès de Dedan Kimathi (1975) et Ngaahika Ndeenda (1977, Je me marierai quand je voudrai). Cette dernière pièce, jouée en kikuyu devant un public populaire de plus en plus large, dérange les hautes sphères du pouvoir. Ngugi est arrêté en décembre 1977.

Il passera un an en prison et ce séjour radicalise cet auteur marxisant, qui adopte un ton de plus en plus critique envers le gouvernement. Il réécrit en kikuyu Caithani Matharaba-ini (Le Diable sur la croix) rédigé en prison dans les marges de sa Bible et sur du papier toilette, et dans lequel il détaille la déliquescence de son pays, cornaqué par les voyous et les profiteurs. Sa pièce suivante, Maitu Njugira (1982) est interdite, et le théâtre où elle devait être jouée, rasé. La tentative de coup d'État de 1982 surprend Ngugi en Europe ; il ne rentrera pas au pays. Pour décoloniser l'esprit, est son adieu à l'écriture en anglais — depuis lors, il écrit ses romans uniquement en sa langue maternelle, le kikuyu, afin de toucher plus directement son premier public, celui à qui il s'adresse en priorité. Ses romans seront ensuite traduits en anglais, swahili, et autres. Matigari, qui a paru en 1986, raconte la confrontation d'un ancien guérillero mau mau et des nouveaux dirigeants politiques du pays. À la sortie du livre, le gouvernement kényan marque son irritation et va jusqu'à lancer un mandat d’arrêt contre un des personnages (fictif) du roman. Le livre sera interdit dans la foulée.

Exilé à Londres, puis en Californie, professeur à l'université de New York, Ngugi wa Thiong'o continue de publier régulièrement pièces et essais [...]

L'écrivain revient au Kenya le 31 juillet 2004, [dans le cadre d'une tournée d'un mois dans l'Afrique de l'Est] après 22 ans d'absence (l'homme s'était juré de ne pas revenir dans son pays natal tant que Daniel Arap Moi serait au pouvoir). Quelques jours après leur arrivée, l'écrivain et sa femme sont réveillés en pleine nuit dans leur appartement de location à Norfolk Towers. Quatre agresseurs, armés de revolvers, d'une machette et d'une cisaille, violent la femme de l'écrivain sous ses yeux. Ngugi wa Thiong'o, qui essaie de se défendre, est frappé et brûlé au visage. Les malfaiteurs seront arrêtés quelques jours et traînés en justice.
" (Wikipedia)

Il publie un nouveau roman en 2006 : Wizard of the Crow, traduit en anglais par l'auteur lui-même, un recueil d'essais en 2009, ainsi que deux ouvrages autobiographiques, en 2010 et 2012.

la rivière de vie

La Rivière de Vie (The river between, 1965). Traduit de l'anglais en 1988 par Julie Senghor. Présence Africaine. 258 pages.

Le roman commence ainsi :
"Les deux collines étaient allongées côte à côte. L'une s'appelait Kameno, l'autre Makuyu. Entre elles il y avait une vallée. On l'appelait la vallée de la vie. Derrière Kameno et Makuyu s'étalaient sans ordre beaucoup d'autres vallées et d'autres collines. Elles étaient pareilles à de nombreux lions endormis qui ne s'éveillaient jamais. Elles dormaient simplement du grand et profond sommeil de leur Créateur.
Une rivière coulait dans la vallée de la vie." (page 9)

Les deux collines sont adversaires depuis longtemps. Dans l'histoire, elles vont symboliser deux façons de vivre.

Le personnage principal du roman s'appelle Waiyaki.
"Chege, son père, était un ancien bien connu à Kameno. Maintenant il n'avait plus qu'une seule femme qui lui avait donné de nombreuses filles, mais seulement un fils. Les deux autres femmes étaient mortes sans enfants pendant la grande famine. Une riche récolte avait précédé la famine. Puis les criquets, les vers et une longue sécheresse étaient venus, provoquant la mort de beaucoup de gens. Chege avait tout juste survécu. [...] Il connaissait la signification de chaque signe, aussi était-il à la tête de toute cérémonie importante." (pages 17-18).

Waiyaki va effectuer sa "seconde naissance", une cérémonie préalable à la circoncision.

"L'anticipation avait été agréable. [...] Il ne serait prêt pour le plus important de tous les rituels, la circoncision, qu'après ce jour. Elle marquerait son initiation finale à la vie d'homme adulte. Alors, il prouverait son courage, son esprit viril.
On avait brassé beaucoup de bière et de nombreux anciens commençaient à arriver. Deux d'entre eux étaient arrivés le matin et étaient maintenant en train d'égorger une chèvre. Tous ceux qui seraient présents mangeraient de la viande. Et les esprit des morts et des vivants seraient appelés à s'associer au rituel.
La cérémonie ne dura pas longtemps. Elle n'était même pas compliquée. Sa mère était assise près du foyer dans sa case, comme une femme en couches. Waiyaki s'assit entre ses cuisses. Un mince cordon provenant de la chèvre égorgée, attaché à sa mère, représentait le cordon ombilical. Une femme assez âgée pour être une sage-femme s'approcha et coupa le cordon. L'enfant se mit à pleurer. Et les femmes, qui étaient venues pour attendre la naissance d'un enfant, s'écrièrent avec allégresse :
« Ali-li-li-li-li-li-li
Le vieux Waiyaki est né
Il renaît pour entretenir le feu ancien. »
" (pages 25-26).

Waiyaki a un regard marquant : "Ses yeux étaient grands et limpides, tristes et songeurs. Mais dès qu'il regardait quelqu'un, ils semblaient s'éclairer. Une lumière s'en dégageait, une lumière qui semblait traverser votre corps et voir quelque chose au-delà de vous, dans votre coeur. Personne ne savait quel langage parlaient ses yeux. Seulement, si le garçon vous regardait fixement, vous deviez obéir. Ce regard mi-implorant, mi-impérieux était insistant, exigeant. [...] Sa mère détournait toujours son regard du sien." (page 24)
Ce regard hors-norme est-il le signe qu'il accomplira de grandes choses ?

La venue des Blancs a été annoncée par un prophète : "Un jour viendra un peuple dont les vêtements seront pareils à des papillons..." (page 38)
Et les Blancs sont effectivement là. Dès lors, quelle attitude adopter vis-à-vis d'eux ?

Chege, lui, tout traditionnaliste qu'il est, choisit d'envoyer son fils apprendre "sous la direction du révérend Livingstone de la Mission de Siriana qui était maintenant devenue une grande institution. De nombreux garçons des collines et d'au-delà, de Kiambu et de Muranga, venaient là pour apprendre un peu de la magie de l'homme blanc.
Pendant de nombreuses saisons, ils étudièrent et travaillèrent avec ardeur. Waiyaki faisait de rapides progrès et impressionnait les missionnaires blancs qui voyaient en lui un dirigeant potentiel de l'Eglise. Mais qui savait que les choses évoluaient plus rapidement que ce que pensait Livingstone, que ce qu'attendait ou imaginait le jeune garçon ?
" (pages 42-43)
Chege avait auparavant recommandé à son fils de ne pas suivre les "vices" des Blancs. Mais est-ce si facile ? La religion des Blancs a quand même de bons côtés, Waiyaki ne peut pas tout rejeter.

Revenons aux pratiques ancestrales : les garçon sont circoncis, et les filles excisées. Sinon, elle sont impures. L'Eglise, et avec elle tous les convertis, s'élève contre cette pratique.

Parmi les personnages principaux de l'histoire, on trouve deux soeurs converties : Muthoni et Nyamura, ainsi que leur père, Joshua, croyant fervent.
Muthoni, pourtant croyante, veut être excisée, à la stupéfaction de sa soeur.
"« Ecoute, s'il te plaît. Je... je veux être une femme. Je veux être une vraie fille, une vraie femme, connaissant toutes les coutumes des collines et des montagnes. »
« Mais Père, ne l'oublie pas. »
« Pourquoi ? Sommes-nous idiotes ? » Elle secoua Nyambura. « Père et Mère sont circoncis. Ne sont-ils pas chrétiens ? La circoncision ne les a pas empêchés d'être chrétiens. J'ai embrassé moi aussi la foi de l'homme blanc. Cependant, je sais que c'est beau, très beau d'être initiée à la vie de femme adulte. Tu apprends les rites de la tribu. Oui, le Dieu de l'homme blanc ne me satisfait pas entièrement. Je veux, j'ai besoin de quelque chose de plus. Ma vie et ta vie se trouvent ici sur les collines que toi et moi connaissons.
" (page 50).

"Livingstone était un de ces missionnaires qui se croyaient éclairés. Ils étaient décidés à apprendre les coutumes des indigènes et à ne pas répéter les erreurs des missionnaires de la génération précédente qui avaient provoqué une guerre tribale et un conflit civil parce qu'ils ne s'étaient pas rendu compte de l'importance des coutumes tribales.
Dans cet esprit, il avait assisté à quelques-unes des danses organisées la veille du jour de la circoncision. Mais cela l'avait profondément horrifié.
" (page 99).

Il va survenir "un de ces épisodes de l'histoire qui, bien qu'apparemment sans importance, ont des conséquences incalculables." (page 105).

Notre héros va s'occuper d'éducation :
"Les parents étaient fiers quand leur fils rentrait le soir le visage en larmes.
« Tu as été battu ? Là, ne pleure pas. Tu es un homme et lui c'est le maître, tu comprends. »
« Ce maître est bon. Il les bat bien fort. »
Et s'adressant au maître qui traversait le village :
« Hé, maître ! »
« Oui ? »
« Bats-les bien. Nous voulons qu'ils apprennent. »
" (page 121-122)

On suivra les problèmes de Waiyaki, ses aspirations, ses questionnements.
Quelle attitude doit-il tenir vis-à-vis des Blancs ? comment pourrait-il réconcilier son peuple divisé, faire en sorte que tout le monde se comprenne ? Il aimerait que règne la paix, l'entente, que son peuple soit soudé de nouveau, et qu'il s'oppose aux Blancs colonialistes en faisant valoir ses droits.
Il est un peu idéaliste, pour lui l'éducation, si importante, va permettre de lutter avec les Blancs à armes égales. Mais il y a tant de problèmes... Il n'est pas si facile de faire face aux préjugés et à la jalousie de son propre camp.


Un excellent livre, pas manichéen, qui brasse des sujets très forts.


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