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Saadi (Mushrif-ud-Din Abdullah)
(Chiraz, Ir., 1184 – 1283/1291?)

 


Un des plus grands poètes et moralistes perses de l'époque médiévale.

Né à Shizar, il fait ses études à Bagdad (1195-1226) dans une des plus prestigieuses universités de l'Orient.
Là, il y suit l'enseignement de deux mystiques de renom. Il est bientôt lui-même chargé de répétitions de cours (sur les traditions prophétiques). Mais il n'y a pas que les études dans la vie : Saâdi aime les bonnes choses, la musique… Il écrit des "poèmes en persan, les Odes anciennes, où sont chantées la fuite du temps et la joie de vivre.
Selon Dawlatchah, un de ses biographes, Saadi aurait consacré trente années de sa vie à l'étude, trente aux voyages et trente à méditer et à écrire." (Roger Lescot, Dictionnaire des auteurs, Editions Robert Laffont).
Il semble qu'en 1220 ou 1221, il parcourt la Syrie. Il est fait prisonnier par des Francs, devient esclave, est racheté par un ami alors qu'il travaillait sur les remparts de Tripoli.
Nous sommes aux alentours de 1230… c'est une époque très troublée, les Mongols arrivent par l'Iran oriental. De l'autre côté du pays, les princes se déchirent sans s'occuper du péril qui les guette.
Saadi prend alors le large et vagabonde à travers l'Arabie, la Syrie, l'Asie centrale, jusqu'où s'étend sa renommée littéraire, l'Inde, peut-être l'Ethiopie, et l'Egypte, le Maghreb… et l'Arménie, l'Azerbaïdjan. Il connaît parfois l'aisance, parfois la faim, la soif. Il vit la vie des petites gens, discute avec eux, rencontre les fermiers, les marchands, les voleurs…
Finalement, vieux, il revint à Chizaz, sa ville natale. La paix mongole règne. Il est très bien accueilli par le prince, ami des lettres et des sciences, qui lui donne une dervicherie. Là, il met ses œuvres au propre. Bustan (Le Verger, 1257), le Gulistan (Jardin des roses, 1258).

Il a composé très de dix-huit mille vers.

"
Il est aussi un des plus variés et, surtout, un des plus humains. Moraliste, soit, mais moraliste indulgent et même souvent un peu cynique. Plutôt qu'une morale au sens étroit de ce terme, ce qu'il prêche est une règle de conduite propre à faciliter l'épreuve de l'existence. S'il recommande dans tous les cas le détachement et, lorsque l'on ne saurait s'en dispenser, l'humilité, il se garde bien de conseiller le pardon des injures. Il engage plutôt à frapper le premier quand on le peut sans risque. Si osés que soient certains de ses conseils, il reste toujours homme de bonne compagnie et l'on sent à chaque page que, s'il se montre aussi accommodant, c'est qu'il connaît bien les faiblesses de la nature humaine." (Roger Lescot, Dictionnaire des auteurs, Bouquins).

Il devient poète de cour, il dédit des épîtres aux grands du monde d'alors.
Sa renommée est immense.
Il a plus de quatre-vingt dix ans lorsqu'il meurt. La légende veut qu'il soit décédé à quelque chose comme cent sept ans.
Lorsque la légende est plus belle que l'histoire, imprimons la légende !

Ses œuvres les plus connues sont le Golestan (Jardin de roses) et le Bustân (Le Jardin des fruits, ou Le Verger).

Pouchkine mentionne Saadi dans son Eugène Onieguine, un poème se trouve dans le "hall des Nations", aux Nations Unies à New-York.
Le président français Sadi Carnot a porté ce prénom à cause de l'admiration que portait son grand-père au poète persan.


Le Jardin des fruits (Bustân), traduit du persan par Franz Toussaint, Paris, Mercure de France, 1913.

Tout d'abord, Franz Toussain, le traducteur, décrit les derniers moments de la vie du poète.
C'est très beau (trop ?) : Saâdi confond la jeune fille qui vient le voir avec un souvenir "qu'il avait immortalisé dans le Gulistân, un souvenir vieux de quatre-vingts ans, et qu'il croyait d'hier !" (page 15).
"Tu as toujours l'odeur d'une branche d'aubépine… Vers quel été es-tu parti, ô mon printemps ? Pourquoi m'as-tu quitté ?" (page 16).
"Tout à coup, parce que la torche répand une clarté plus vive lorsqu'elle achève de se consumer, sa lucidité revint : […]Surtout, petite, tu répéteras à mes frères ce que je leur ai dit souvent, tu leur répéteras que l'amour est un miroir où se reflète la face du Seigneur. Qu'ils aiment ! Qu'ils s'offrent, d'une âme enivrée, aux effeuillements des douleurs ! Et pareilles aux brises qui restent embaumées des lilas qu'elles ont meurtris, leurs souffrances iront parfumer la solitude de Dieu…
Sa tête retomba. Il n'était plus.
Ainsi mourut Saâdi, le troisième jour de Djemazi-el-Ewel, qui est le mois funeste aux fleurs.
"
(page 17-19)

Puis vient la préface de Saâdi lui-même.
Il parle du Seigneur. "Il guide le soleil et la lune entre l'Orient de l'Occident. Des eaux tumultueuses, Il a fait émerger la terre, et les montagnes sont les clous qu'Il a plantés dans son écorce, pour la fixer." (pages 24-25)
Belle métaphore originale sur les montagnes. Et ça date du XIII° siècle !
Plus loin, Saâdi écrit qu'il offrira à ses amis "des récits de cette savoureuse douceur que les savants trouvent aux livres." (page 31). Suivent cinquante-sept histoires.

Des petites histoires, comme :
"Vingt-troisième histoire : Le linceul.
Le roi Djenischid eut la douleur de perdre un de ses favoris, qu'il chérissait. Il roula son bien-aimé dans un magnifique linceul de soie, et les gardes l'emportèrent au champ des morts.
A quelques jours de là, cédant à sa douleur, Djenischid voulut revoir le corps de celui qu'il pleurait.
Le linceul du cadavre était déchiqueté… Le sultan tomba dans une indicible rêverie et s'écria :
- Cette soie, je l'avais volée aux vers, les vers l'ont reprise à mon bien-aimé !
                                        *
Je me rappelle avec mélancolie ces vers que chantait un musicien : « Quand nous serons morts, le printemps continuera de parer la terre des roses que nous admirons aujourd'hui ! »
" (pages 101-102).
A noter, un peu dans ce genre, la quarantième histoire "Le séducteur", assez stupéfiante. La fille d'un cadi – une sorte de juge – tombe amoureuse du fils du chef des voleurs. Il est pris : il a égorgé un vieillard pour le voler. Il est conduit devant le cadi… qui se déclare incapable de le juger, car il est "cet homme est trop beau… Qu'un autre juge me remplace ! Au fait, non ! Je le condamne, et à la détention perpétuelle. Il subira sa peine dans la prison qui avoisine ma demeure. Gardiens ! emmenez-le tout de suite." (page 155). Une fois seul avec son assesseur, il excuse sa fille, "puisque, maintenant, j'aime celui qu'elle aime. Par exemple, accorde-moi que la justice a servi ma cause… Désormais, dans cette prison mieux que dans un harem, je pourrai jouir de la vue de mon bien-aimé.
- L'honneur de la justice est sauf. C'est tout ce que je puis dire, termina l'autre.
" (page 156).

On trouve également des phrases, comme "La petite fourmi ne souffre jamais de la faim. Le lion, malgré ses crocs et ses griffes acérées, ne trouve pas toujours à manger." (page 115).

Quarante-troisième histoire : Le silence
"Takasch avait divulgué un secret à ses garde, en leur recommandant de ne le confier à quiconque. Ce secret, qui avait mis une année entière à monter de son cœur à ses lèvres, se répandit dans la ville en un jour.
Furieux, Takasch ordonna au bourreau de supplicier les coupables. Mais l'un d'eux dit au prince :
- Toi seul es responsable de la faute que nous avons commise. Donc, gracie-nous ! Puisque tu n'as pas su arrêter le fleuve à sa source, ne cherche pas à l'endiguer quand il inonde le pays. Charge un gardien de veiller sur tes bijoux, mais ne charge personne de veiller sur ton secret.

Tu es le maître de toute parole que tu n'as pas encore prononcée ; une fois qu'elle est sortie de ta bouche, c'est toi qui es ton esclave.

Lorsqu'un diable s'est évadé de sa prison, aucune prière, aucun ordre ne peuvent le contraindre à rentrer.
                                        *
Un enfant délie la longe qui retient un cheval indompté, mais cent athlètes seraient incapables de capturer de nouveau ce cheval.
" (pages 161-163).


Allez, une petite dernière.

"Quarante-quatrième histoire.
L'ingratitude.
Un sultan fit une chute de cheval, et les muscles de son cou restèrent paralysés. Il ne pouvait plus remuer la tête. Les plus célèbres médecins se déclarèrent incapables de rendre au cou du sultan sa souplesse primitive. Un sage, qui arrivait de Grèce, réussit à guérir le monarque de cette fâcheuse infirmité. Mais le sultan négligea de récompenser le médecin. Bien plus, le lendemain, lorsque ce dernier revint, l'ingrat ne lui accorda aucune attention. Le grec, furieux, s'éloigna en murmurant « Si je n'avais pas eu l'habileté de redresser son cou, il aurait été dans l'impossibilité de détourner la tête en m'apercevant ! »
Cependant, le médecin tenait sa vengeance. Il ordonna à un esclave d'aller porter au palais une poudre que le sultan devait jeter sur un brasier, pour en respirer la fumée. Le souverain se conforma à cette prescription, mais il éternua si fort que les muscles de sa nuque se brisèrent.
On courut aussitôt chez le médecin grec, mais en vain. Il avait disparu.
" (page 164-165).


Après ces histoires, suivent quelques sentences.

"Une seule perle a souvent plus de valeur qu'un monceau de perles."
"O roi ! si tu tiens à ton bonheur, veille à celui de tes sujets." (page 205)
"Accueille avec bonté les étrangers et les voyageurs. Ta renommée dépend d'eux."
"Accorde ta confiance à l'homme qui craint Dieu, et méfie-toi de l'homme qui ne craint que le sultan." (page 206)
"N'attache de prix qu'aux trésors que tu pourras emporter avec toi dans le Paradis." (page 210)
"Le hanneton qui est juché sur une rose est encore un hanneton." (page 213)
"Ce chat que tu caresses mangera ta colombe." (page 214).
"Le tumultueux torrent qui descend des montagnes va se perdre dans les ravins, mais la plus modeste goutte de rosée est aspirée par le soleil qui l'élève jusqu'aux étoiles." (page 214).
"Serais-tu riche comme Karoûn, fais apprendre un métier à ton fils." (page 217).
"Ta femme ne pourra sortir de chez toi que le jour de son enterrement." (page 218).
Euh… là… bref.


Et finalement, deux prières.

Voilà !
Des histoires à la fois intéressantes et édifiantes, dans le très bon sens du terme.
Quant à la poésie perse d'origine, bien sûr, on ne peut rien en dire !
Un très grand classique des littératures perse et mondiale.



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