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ZARIAB Spôjamaï
(Kaboul, 1949 - )

 zariab


Extraits d'un texte de Michael Berry (trouvé dans Ces murs qui nous écoutent), qui enseigne la littérature persanne médiévale à l'Institut d'études iraniennes de la Sorbonne :
"Spôjamaï - son prénom signifie la "Pleine Lune" - est l'un des trois plus grands écrivains afghans de notre temps ; avec les deux poètes, Khalîlî, mort en exil, et Madjroûh, assassiné." (page 57).

Elle avait 10 ans quand le "puissant et bourru Dâoûd permit aux femmes de son pays d'ôter, enfin, le voile grisâtre à multiples plis, au masque barré d'un grillage à hauteur des yeux, le tchâdorî, "rideau", sous lequel tant de citadines afghanes, depuis treize siècles, se grillageaient." (page 58).
Les livres - en langue étrangère comme en persan - étaient alors abondants à Kaboul.[...] Les principaux lycées de la capitale assuraient l'enseignement du français, de l'anglais, de l'allemand, du russe. Spôjmaî, francophone accomplie, nourrit sa sensibilité de la lecture de nos symbolistes." (page 59)

27 avril 1978 : le Prince Dâoûd est assassiné par ses officiers, "éduqués à Moscou". Les Soviétiques arrivent. "Le Parti lui-même liquida l'essentiel de l'élite urbaine afghane : rétive, trop occidentalisée. Hommes et femmes, par dizaines de milliers, détenus derrière les barreaux et les très hautes murailles de béton gris du camp de concentration de Pol-é Tcharkhî, dans le désert rocailleux non loin de Kaboul, moururent chaque nuit fusillés, enterrés parfois vivants au bulldozer."
Les Tâleban arrivent, et c'est encore pire, les écoles sont fermées, la musique interdite, etc.

"L'espace afghan relève d'une civilisation millénaire - celle de l'Islam d'Orient - hautement lettrée mais de tradition patriarcale, répressive, ouvertement misogyne. Il n'en revendique pas moins une importante littérature féminine, dans les deux langues du pays : persans et pashtô.

Michael Berry précise : "[...] encore que jamais, en histoire afghane, les femmes, certes dûment chaperonnées, ne se soient vu priver de visite par un médecin ou guérisseur mâle (toute la littérature classique l'atteste)."


Spôjamaï Zariâb a travaillé comme traductrice à l'ambassade de France à Kaboul.
lle a quitté l'Afghanistan pour Montpellier en 1990 avec ses deux filles.
Elle vit maintenant à Paris ; son mari l'a rejointe en 1994.
Elle a trois filles.

Deux liens pour plus d'informations :

http://www.unesco.org/courier/2001_03/fr/dires.htm
http://typo38.unesco.org/en/cour-02-2008/cour-02-2008-4.html

 

ces murs qu nous écoutent


Ces murs qui nous écoutent. L'inventaire, édition bilingue, 2000. 67 pages pour le texte français. Nouvelles traduites du persan (Afghanistan) par Didier Leroy, postface de Michael Barry.

Trois nouvelles en français et en persan.

- La carte d'identité
Une mère cache son fils (le "petit père") de quinze ans depuis plus d'un an... Il ne sort pas, ne voit quasiment pas le jour... "Le monde n'est plus qu'un rectangle de quatre ou cinq mètres carrés. Toute sa lumière se réduit à une fente dans la porte. La nuit et le jour ont la même couleur, la clarté de la lampe-tempête. Deux chemises de nuit roulées, une chaufferette, un réchaud, un bidon de pétrole lampant et divers petits objets, voilà tout ce qui le fait exister, ce monde. Une chose encore le remplit : l'odeur insupportable d'un être humain enfermé entre quatre murs où il satisfait ses besoins." (page 9).

Pourquoi se cache-t-il ? C'est que le petit père paraît plus âgé que ses quinze ans, il risque donc d'être enrôlé. Sa carte d'identité est restée... là-bas, dans la maison qu'ils ont fuient. Il faudrait y retourner. Mais il y a des militaires un peu partout, le trajet est dangereux.

En attendant, il s'évade comme il le peut :

"Le petit père ferme les yeux et remonte la couverture. Chaque fois qu'il baisse les paupières, des portes s'ouvrent en face de lui. Il s'échappe alors, d'un bond, hors de son monde de quatre ou cinq mètres carrés et s'en va poser le pied dans un univers imprégné du parfum des mûres et du souffle d'un torrent ivre, pour un de ces rares et brefs instants de plaisir où l'on rend grâce d'être venu au monde. Et le petit père, les yeux fermés, sent alors entre ses dents toute la saveur des mûres bien mûres ; il enfourche son âne gris et s'en va au galop." (pages 12-13).

La mère trouvera-t-elle le courage d'aller chercher cette carte ? Que deviendra le petit père ?

- A la chasse aux anges.
Une mère cuisine. Sa fille, quatre ans, regarde tomber les flocons de neige. "A ses yeux ronds je vois bien qu'ils la charment, la fascinent, ces flocons qui descendent, lents et magnifiques, vers la terre.
Elle me tire par la robe :
- Qui c'est qui envoie la neige du haut du ciel ?
- Les anges, dis-je distraitement.

Mais elle n'est pas convaincue. J'ajoute :
- Chaque flocon est envoyé par un ange.
- Qu'est-ce que c'est, un ange ?
- Tu sais bien, les petits anges...
" (page 23).

Des années auparavant, la mère avait posé la même question à sa grand-mère. Elle avait appris l'existence des anges scribes, et surtout de l'ange de l'épaule gauche, qui note toutes les mauvaises actions.

Très bonne nouvelle, mais assez horrible. La fin, notamment...

- Ces murs qui nous écoutent
Cette fois-ci, on est chez Kafka, dans un bureau. "Notre collègue maigrissait de jour en jour ; tous nos collègues maigrissaient de jour en jour. Il flottait dans ses vêtement s; tous flottaient dans leurs vêtements. Il devenait couleur de cire ; tous devenaient couleur de cire. Il avait les cheveux de plus en plus blancs ; ils avaient tous les cheveux de plus en plus blancs.
Le matin, quand j'arrivais au bureau, j'avais l'impression de ne pas avoir vu ces gens-là depuis des années. Leurs paupières étaient chaque jour un peu plus ridées que la veille. [...]
C'était un grand bureau, très haut de plafond. Les murs étaient couverts de portraits, en divers formats, du Grand personnage. On le voyait assis, debout, installé à son bureau ; tantôt souriant, tantôt sérieux ; avec lunettes, sans lunettes ; parfois en plein discours, parfois immobile et silencieux.
" (page 33)
"Ces portraits nous terrorisaient et nous faisions tout pour éviter que nos regards ne croisent celui du Grand personnage. A force de baisser les yeux, nous gardions tout el temps la tête penchée et ne pouvions plus la relever." (page 34).
Parfois, un collègue est appelé... il sort, et ne revient jamais. Que devient-il ?

Excellentes nouvelles. Un recueil court mais intense.
Cela peut être beau et horrible en même temps, d'une certaine façon.



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