Margaret Atwood "est une romancière, poétesse et critique littéraire canadienne. Elle est l'un des écrivains canadiens les plus connus. [....]
Elle a remporté le Booker Prize en 2000 pour son roman The Blind Assassin, publié la même année au Canada et en 2002 en France sous le titre Le Tueur aveugle.[...]
Son œuvre se compose de romans (une trentaine) et de poèmes." (merci Wikipedia)
En couverture : Martial Raysse : 14 juillet, tableau à géométrie variabe, 1965.
- La Servante écarlate (the handmaid's tale, 1985). Traduit de l'anglais (Canada) par Sylviane Rué. Pavillons poche. 511 pages. Prix Arthur C. Clarke 1987
Le livre commence par plusieurs citations, dont celle-ci, Genèse, 30 : 1-3 :
"Rachel, voyant qu'elle-même ne donnait pas d'enfants à Jacob, devint jalouse de sa sœur et elle dit à Jacob : « Fais-moi avoir aussi des fils, ou je meurs. »
Jacob s'emporta contre Rachel, et dit : « Est-ce que je tiens la place de Dieu, qui t'a refusé la maternité ? »
Elle reprit : « Voici ma servante Bilha. Va vers elle et qu'elle enfante sur mes genoux : par elle j'aurai moi aussi des fils. »"
Le roman, narré à la première personne, se déroule aux Etats-Unis dans un futur très proche ou, plutôt - car quelques années ont passé depuis sa parution - dans une réalité alternative et dystopique. Une secte religieuse a pris le pouvoir, c'est une dictature particulière dans laquelle les hommes dominent. Les femmes n'ont plus de liberté. Les Epouses (de gens de pouvoir, semble-t-il) vivent une vie mondaine en se recevant les unes les autres. Des femmes sont employées de maison (appelées les "Marthas") ; celles qui ne sont plus utiles (et qui ne peuvent pas ou plus avoir d'enfants) sont envoyées dans des Colonies où elles font des travaux usants, et dangereux.
A cause de la pollution, la natalité est en forte baisse et les enfants qui naissent sont fréquemment anormaux. Les femmes susceptibles d'avoir des enfants sont formées (par des Tantes) et placées pour un certain temps dans la maison de gens voulant mais ne pouvant pas avoir d'enfants. Ce sont les Servantes Ecarlates. "J'ai trente-trois ans. J'ai les cheveux bruns. Je mesure un mètre soixante-huit sans chaussures. J'ai du mal à me rappeler de quoi j'avais l'air. J'ai des ovaires viables. [...]
Les hommes sont des machines à copuler, disait Tante Lydia, et pas grand-chose de plus. Ils ne veulent qu'une chose. Vous devez apprendre à les manipuler, pour votre propre bien. À les mener par le bout du nez ; c'est une métaphore. C'est la voix de la nature. C'est le dessein de Dieu. Il en est ainsi.
Tante Lydia ne disait pas vraiment cela, mais c'était implicite dans tous ses propos." (page 242).
Natasha Richardson dans le film réalisé par Volker Schlöndorff et adapté par Harold Pinter (1990).
Le roman, écrit à la première personne, raconte l'arrivée de la narratrice dans une maison pour ce genre de service. Elle est une Servante écarlate, vêtue de rouge, mais avec des ailes blanches autour du visage, de sorte qu'on ne puisse voir son visage (Schlöndorff, dans son adaptation, n'a pas retenu ce détail : ne pas voir le visage d'une actrice pendant une partie du film a dû être jugé préjudiciable).
Elle se remémore des souvenirs, ce qui permet d'éclairer un peu le lecteur sur ce qui est arrivé. Pour maintenir du suspens, comme trop souvent dans les romans anglo-saxons, je le crains, elle ne nous dit pas exactement et clairement ce qui est arrivé, jusque vers le milieu du roman (en gros, la page 290). Alors, le lecteur a pas mal de détails : comment la révolution a commencé, comment les femmes ont perdu leurs droits... Pourquoi seulement au milieu du livre, et pas au début ? Il n'y a pas d'explication valable à cela, juste que c'est une ficelle romanesque. Ça rajoute peut-être de l'intérêt de lecture, mais ça fait tout de même perdre de la force au livre : c'est un ressort romanesque, artificiel.
Le roman n'est pas inintéressant lorsque le lecteur découvre au fur et à mesure l'organisation en place (l'artifice est efficace), mais il est quand même souvent trop long (notamment les passages sur le bonheur perdu d'avant la révolution religieuse) et finalement assez décevant.
La narratrice, déjà adulte pendant la révolution, a encore en mémoire le monde d'avant la révolution : elle ne croit donc pas tout ce qu'on lui dit, contrairement à d'autres. Quand on subit un bourrage de crâne idéologique depuis l'enfance, on est amené à croire n'importe quelle ineptie. Cela fait partie des nombreux thèmes qui auraient pu être creusés. Mais alors, que pensent les employées de maison ? agissent-elles par peur ? on n'en a pas l'impression. Adhèrent-elles à l'idéologie officielle ? On ne le sait pas.
Finalement, elles semblent ne pas vraiment exister : elles sont là pour faire le boulot, sans se poser de questions. Le Commandant, chez qui notre héroïne est placée, justifie le système, mais avec des arguments qui paraissent tirés par les cheveux. De toute façon, il est l'un des grands bénéficières du système, il peut donc faire semblant de croire ce qu'il veut. Mais la masse des hommes, alors ?
On voit à un moment que le mari de la narratrice s'accommode très facilement de la perte de pouvoir des femmes. Là, il y avait vraiment quelque chose à explorer, à creuser, sur les relations hommes-femmes... Mais non. On a curieusement plus l'impression d'être dans une petite secte que dans un grand pays.
On est très loin de la profondeur et de la complexité de 1984, et j'ai beaucoup de mal, avec ce livre, à m'imaginer Atwood pouvant remporter un Prix Nobel.