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Keegan Claire
( Irlande, 1968 - )


claire keegan

 

 

Claire Keegan est une femme écrivain irlandaise.

Elles est née à Wicklow County (Irlande) en 1968, d'une famille catholique nombreuse. Elle a vécu dans une ferme. A dix-sept ans, elle est parti faire des études de littérature anglaise et de science politique à la Nouvelle Orléans. Elle est revenue en Irlande en 1992, a vécu un an au Pays de Galles...
Elle publie Antartica, son premier recueil de nouvelles, en 1999. Il connaît un bon succès, est élu livre de l'année par le Los Angeles Times. Huit ans après, c'est son second recueil, Walk the Blue Fields.
Elle a remporté de très nombreux prix pour ses nouvelles.

les trois lumieres

- Les Trois Lumières (Foster, 2010). Traduit en 2011 par Jacqueline Odin. Sabine Wespieser Editeur, 100 pages.
Ce texte est une longue nouvelle ("long short story")

"Tôt un dimanche, après la première messe à Clonegal, mon père, au lieu de me ramener à la maison, s'enfonce dans le Wexford en direction de la côte d'où vient la famille de ma mère. C'est une journée chaude, radieuse, avec des zones d'ombre et de brusque lumière verdâtre sur la route. On traverse le village de Shillelagh où mon père a perdu aux cartes notre génisse Shorthorn rouge et, plus loin, on longe le marché de Carnew où l'homme qui l'avait gagnée n'a pas tardé à la revendre.
[...]
Je me demande comment elle sera, cette maison qui appartient aux Kinsella.
" (page 9).

Nous sommes dans la campagne, en Irlande, bien sûr, en 1981, mais l'histoire pourrait se situer facilement à une autre époque. La narratrice est une petite fille (une "gamine") qui, pour les mois d'été, va être confiée à un couple, amis (relation ? famille éloignée ?) de sa mère qui, enceinte, va bientôt accoucher une nouvelle fois. La narratrice n'est déjà pas une enfant unique.


Nous leur avons donné le temps de faire le trajet. Ils arrivent.
"Dans la cour, de hautes vitres brillantes reflètent notre arrivée. Je me vois sur la banquette en train de regarder, aussi farouche qu'une enfant gitane avec mes cheveux en bataille, mais mon père, au volant, ressemble juste à mon père. Un gros chien en liberté au pelage tacheté par les ombres des arbres pousse quelques aboiements rauques, sans conviction, puis s'assoit sur la marche et se retourne vers le seuil, où un homme s'est avancé. [...]
« Dan, dit-il, et il se crispe. Comment va ?
- John », dit papa.
Ils restent immobiles un moment à regarder la cour, et les voilà qui parlent de la pluie : la pluie manque, les champs ont besoin de pluie , le prêtre de Kilmuckridge a prié pour la pluie ce matin même, on n'a jamais connu un été pareil.
" (pages 11-12).

(Claire Keegan : "Pour moi, le fait que l'histoire se déroule en été était tout d'abord d'un intérêt pratique. Pour qu'elle parte, cela devait être l'été. Je l'ai fait chaud, parce que cela fait si longtemps que nous n'avons pas eu un été chaud, du coup c'était très agréable à écrire, mais aussi parce que cela accentue la joie de l'été" - voir le site du Guardian, ici).

Plus tard, c'est le père qui parle :
"- Elle mangera, mais vous pourrez la faire travailler. »
Kinsella lève les yeux. « Hors de question, déclare-t-il. cette petite aidera Edna dans la maison, rien de plus.
" (page 19).

Les Kinsella sont des gens très gentils, leur maison est propre, bien tenue. Ils sont beaucoup plus à leur aise que la famille de la narratrice. Mais il n'y a pas d'enfants à la maison.
La petite vient donc d'une famille où elle n'est qu'une enfant parmi d'autres, où sa mère et son père ne s'occupent pas vraiment d'elle, et elle arrive pour quelque temps (avant un retour inévitable), dans une famille où l'on prend soin d'elle, où on la guide dans son développement, où elle n'est pas livrée à elle-même.

"« Tu devrais te laver les mains et la figure avant d'aller en ville, dit-il. Ton père ne s'est-il même pas soucié de t'apprendre au moins ça ? »
Je me fige sur la chaise, attendant qu'un incident beaucoup plus grave se produise, mais Kinsella ne fait rien de plus : il reste juste là, immobile, enfermé dans les remous de ses propres paroles.
" (page 53).

Plus tard, il se promène avec la gamine ; il lui parle de sa femme, Edna : "Elle veut trouver la bonté chez les autres, et parfois sa manière de la trouver est de leur faire confiance, en espérant qu'elle ne sera pas déçue, mais il arrive qu'elle le soit. »
Il rit alors, d'un rire curieux, triste. Je ne sais pas quoi dire.
« Tu n'es pas toujours obligée de dire quelque chose, reprend-il. Pense que la parole n'est une nécessité en aucune circonstance. Nombre de gens ont beaucoup perdu pour la seule raison qu'ils ont manqué une belle occasion de se taire. »
" (page 75).

La gamine reviendra bien sûr changée, avec un horizon élargi. Le titre original, "foster", est à prendre dans plusieurs sens : le fait d'accueillir et de nourrir la gamine, mais aussi de l'encourager, de l'aider à grandir.
Ceci dit, le titre français n'est pas mauvais non plus (et n'établit aucune relation avec le film de Fritz Lang).

Il y a parfois un peu d'humour. Par exemple, à un moment, il y a un mort dans une maison. "Il y a de grandes bouteilles de limonade rouge et blanche, de la bière brune et, au milieu de tout ça, un grand coffre en bois avec un vieil homme mort couché dedans. [...] Certains hommes sont assis autour du cercueil ; la partie fermée leur sert de comptoir où poser leurs verres." (page 62)

Il ne se passe pas grand-chose, la trame et le style sont très classiques, mais c'est le talent de l'écrivain que de rendre ce pas grand-chose et ce classicisme intéressants, l'histoire vivante. Les tensions, les jalousies, les relations ne sont pas explicités, et n'en ont pas besoin.
Un très joli petit livre, au fond pas très gai, mais on sent la sympathie que l'auteur éprouve pour ses personnages, leur humanité, avec tous leurs défauts, leurs drames.






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