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A Cheng (Zhong Acheng ou encore Ah Chen : 阿城)

(Pékin, 1949 - )

a cheng

 

" En 1979, Ah Cheng est un des membres fondateurs du groupe "Les Etoiles", premier mouvement artistique d'avant-garde en Chine, aux côtés de Wang Keping, Huang Rui, Ma Desheng, Li Shuang, Ai Weiwei.

Sa trilogie romanesque (les "Rois") connaît un grand succès dans le cadre nouveau de la littérature de "recherche des racines". L’originalité du langage narratif d’Acheng réside dans sa capacité de conserver l’élégance du chinois classique et l’expressivité de la langue parlée, et dans son attention pour les détails qui frappent le plus l’imagination.

Zhong Acheng est également l’auteur de nouvelles dont un bon nombre sont réunies sous le titre Biandi fengliu (Pékin, Nankin 1985-86, Perdre son chemin).
" (Wikipedia)

Pendant la révolution culturelle, comme tant d'autres "jeunes instruits", il est envoyé à la campagne."Durant son séjour à la campagne, il se forge une expérience de conteur : il puise dans les histoires qu'il a lues enfant ou que son père, célèbre critique cinématographique [Zhong Dianfei], lui a racontées. Cette expérience nourrit son oeuvre." (Dictionnaire de littérature chinoise, sous la direction d'André Lévy, puf-Quadrige).

On trouvera plus d'informations biographiques et bibliographiques sur : http://www.chinese-shortstories.com/Auteurs_de_a_z_A%20Cheng.htm et notamment ceci (on est pendant la Campagne des Cent fleurs, le père de A Cheng a été envoyé à la campagne à la suite d'un article qu'il avait écrit dénonçant l'ingérance de la politique et de la bureaucratie dans la création artistique) :
"Pour subvenir aux besoins de la famille, la mère fut obligée de vendre les livres de la bibliothèque familiale. A Cheng, chargé de les apporter chez le marchand, se mit alors à les lire systématiquement avant qu’ils ne disparaissent. A huit-dix ans, il lut ainsi, outre les grands classiques chinois, les auteurs russes et français qui formaient alors la base de la culture des lettrés chinois : Tolstoï, Dostoïevski, Balzac, Hugo… "


Il est aussi notamment le scénariste de Printemps dans une petite ville (Xiao cheng zhi chun, 2002), film de Tian Zhuangzhuang (mais il s'agit d'un remake du film de Fei Mu, 1948).

 

 

les trois rois

- Les Trois Rois (1984-1985). Traduit du chinois par Noël Dutrait. L'Aube poche. 243 pages.

Le livre comporte trois textes.

1/ Le roi des échecs (Qi wang, 1984).
"Sa première nouvelle [...] immédiatement remarquée par des grands noms de la littérature chinoise, connaît un succès fulgurant, qui dépasse largement les frontières chinoises" (Dictionnaire de la littérature chinoise, Puf-Quadrige).

Au début de la nouvelle, nous sommes dans une gare. C'est le départ pour la campagne : nous sommes à l'époque où les "jeunes instruits" (étudiants et lycéens) "ont été massivement envoyés à la campagne pour y subir la "rééducation" des masses paysannes. Le régime se débarrassait de la sorte d'une génération turbulente sur laquelle il s'était appuyé pour faire la Révolution culturelle", nous dit une note.
C'est au tour du narrateur, comme tant de ses amis avant lui, de partir. Dans le train, il fait la connaissance d'un étrange étudiant...
"Comme je cherchais ma place, je remarquai un étudiant très maigre, assis seul, qui se protégeait les mains dans ses manches. Son regard était fixé vers le sud sur un train vide.

Ma place se trouvait dans la même rangée, presque en face de lui. Je m'assis et fourrai aussi mes mains dans les manches de ma veste. Il me jeta un regard avant de me demander, les yeux pétillants :
- Tu joues aux échecs ?
Je sursautai et fis un signe de la main :
- Non, je ne sais pas jouer.
- Avec des doigts aussi fins, c'est impossible que tu ne saches pas jouer, répondit-il en me dévisageant, incrédule. Faisons une partie, j'ai apporté le matériel. "
(page 10).
Cet obsédé des échecs chinois, Wang Yisheng, est bien connu sous le nom de Fou des Echecs.
Il est né dans un milieu très pauvre, mais son talent a rapidement été évident. Un camarade l'a emmené chez lui, son père étant un bon joueur.
"Lorsque celui-ci vit le Fou des échecs, il ne dit rien, mais lui proposa immédiatement une partie inachevée qui aurait daté de la dynastie des Song. Wang Yisheng examina un moment le jeu, puis expliqua avec précision comment il ferait pour gagner la partie, parvenant de la sorte à vaincre nos ancêtres. Stupéfait, le célèbre joueur voulut le garder comme disciple. Mais Wang Yisheng lui demanda à brûle-pourpoint :
- Vous étiez déjà arrivé à finir cette partie, n'est-ce pas ?
Sans réaliser, le joueur répondit :
- Non, pas encore.
- Dans ce cas, pourquoi voudriez-vous que je devienne votre disciple ? rétorqua Wang Yisheng.
" (pages 16-17)

Le narrateur, lui, est plus intéressé par la littérature : Jack London, le Cousin Pons de Balzac (eh oui, il n'y a pas que dans la Petite tailleuse chinoise, de Dai Sijie, que l'on trouve du Balzac).

Finalement le Fou des Echecs n'est pas malheureux à la campagne :
"Toi, tu as beaucoup lu, mais en définitive, à quoi ça t'a servi ? [...] L'homme heureux devrait être celui qui peut manger à sa faim à tous les repas." (page 38).
Le narrateur, lui, ne ressent pas les choses de la même façon...
"N'étais-je pas très bien ici ? Je n'avais plus à me préoccuper de mes repas ; mon lit, tout délabré qu'il était, m'appartenait et, le soir, je n'avais plus à chercher désespérément un coin pour passer la nuit. Alors, qu'est-ce qui me tracassait ainsi ? Pourquoi parfois avais-je tellement envie de lire un livre à ma guise ? Et les films que l'on oublie à peine la lumière revenue, pourquoi en avais-je tellement besoin ? Je sentais brûler au plus profond de moi un désir que je n'aurais pu définir précisément. Je savais seulement que ce désir, c'était la vie tout simplement.
- Joues-tu encore aux échecs ? lui demandai-je.
Il répondit avec la même rapidité qu'il mettait à déplacer les pièces :
- Bien sûr ! Quelle question !
- Si tu trouves que tout va bien, à quoi bon continuer à jouer ? C'est superflu de jouer aux échecs, non ?
Il se frotta le visage, tenant sa cigarette en l'air :
- Je suis un passionné d'échecs. Dès que je joue, j'oublie tout. Quand je suis absorbé par une partie, je me sens bien. Je peux jouer mentalement, sans échiquier ni pièces. Je ne gêne personne.
- Si un jour on t'interdisait de jouer et même de penser au jeu, que t'arriverait-il ?
- Impossible, dit-il effaré. Je peux toujours jouer intérieurement. Peut-on m'enlever mon cerveau ? C'est impossible.
" (pages 38-39).

Le personnage du Fou des Echecs, un peu opaque, avec son obsession et sa façon différente de penser, est très réussi.
Excellente nouvelle.

Elle a été adaptée au cinéma à deux reprises : par Teng Wenji en 1988, et par Ho Yim et Tsui Hark en 1991.

2/ Le roi des arbres (Shu wang, 1985).
"Le tracteur qui transportait les jeunes instruits pénétra dans le vallon et finit par s'immobiliser sur une petite esplanade. Les passagers qui n'avaient pas cessé de s'exclamer tout au long de la route comprirent qu'ils étaient arrivés au terme de leur voyage. Au comble de l'excitation, ils sautèrent de la remorque." (page 89)
Ah, ce que la campagne est mystérieuse pour ces jeunes citadins !
Il faut décharger leurs affaires. Un des jeunes instruits, Li Li, passionné de lecture, a une malle très lourde. Un paysan, Xiao le Noueux, un homme de petite taille incroyablement fort, soulève la malle comme si elle ne pesait rien.
Ce paysan a un peu le même rôle que le Fou des échecs de la nouvelle précédente : le personnage que l'on cherchera à percer.
On ouvre la malle. "Chacun en prit un et l'examina à la lueur de la lampe. C'étaient des livres politiques : les fameux quatre volumes des Oeuvres choisies de Mao Zedong, cela va sans dire, mais aussi, épaisses d'une quinzaine de centimètres, les Oeuvres choisies de Lénine, imprimées verticalement en caractères non simplifiés, à la couverture toilée gris foncé." (page 92)
Les jeunes instruits sont venus pour couper des arbres d'essences inutiles et planter des arbres utiles...
Il faut s'habituer à un environnement sans électricité, mais quel enthousiasme de la part de certains, ça chante autour du feu..
"Le feu brûlait de plus en plus fort. Des étincelles montaient en zigzag dans le ciel. La chaleur qui brûlait nos joues déformait le visage de ceux qui nous faisaient face, les rendant étrangers à nos yeux. Nous nous regardions avec une expression étonnée.
- Une vie de combat s'ouvre à nous, dit Li Li en se levant. Chantons pour la célébrer !
" (page 97).
La nourriture pose problème... Ici, on n'a pas la bonne nourriture des villes... Des jeunes instruits ont conservé quelques friandises, des bonbons qu'ils cachent...
"Souvent, au milieu de la nuit, la tête sous les couvertures, ils se fourraient subrepticement un bonbon dans la bouche et cinq minutes plus tard avalaient leur salive. Très malins, les rats venaient immanquablement leur lécher les lèvres. Si l'un de nous se mettait, au beau milieu de la nuit, à pousser des cris contre les rats qui venaient l'embêter, tous les autres riaient en eux-mêmes et conseillaient à l'intéressé de se mettre un piment dans la bouche pour être tranquille." (page 130).

La vision nouvelle et progressiste de nos jeunes instruits (à bas les Quatre vieilleries !) va-t-elle éradiquer la vision traditionnelle d'une petite minorité de paysans ?
Une bonne nouvelle (d'influence Taoiste, disent les gens qui s'y connaissent).

3/ Le roi des enfants (Haizi wang, 1985)
"En 1976, j'avais déjà travaillé sept ans dans une équipe de production. Je savais tout faire : défricher, procéder à des brûlis, creuser des trous, transporter les replants de riz, désherber à la houe, retourner la terre, semer, nourrir les cochons, démouler les briques, couper l'herbe." (page 165).
Et puis, le narrateur est appelé à des fonctions différentes : il va donner des cours. Il va ainsi devenir le "roi des enfants." (c'est apparemment ainsi que sont appelés les enseignants en Chine).
Voici une description de sa classe :
"Quel spectacle insolite dans cette montagne perdue que tous ces enfants, les cheveux ébouriffés et le visage crasseux, attablés comme pour un repas. Le mobilier était des plus rudimentaires. Pas de vernis, mais une couche de crasse qui masquait la couleur d'origine. En guise de sièges, de longs bancs taillés dans des troncs d'arbres entiers qui semblaient cirés à force d'avoir été polis par les fesses des élèves. Des dizaines de paires d'yeux brillants me fixaient. Les enfants du premier rang, très petits, ne semblaient pas avoir l'air d'être en troisième." (page 179).

Le narrateur tentera d'apprendre à ses élèves le minimum qui pourrait leur être utile dans la vie, ce qui n'est pas exactement ce qui lui est demandé...
Une fois de plus, on s'intéressera à un personnage hors du commun, ici un paysan hors-normes, et à son fils.

On apprendra également (ça peut toujours servir, on ne sait jamais) comment se faire obéir des buffles.
"Dans mon équipe, j'avais gardé des buffles pendant longtemps. Le buffle est un animal obstiné et patient. On peut le frapper, l'injurier, il se contente de fermer un peu les yeux et continue à manger ce dont il a envie. Je pense que les philosophes doivent lui ressembler, sinon comment feraient-ils pour arriver à accumuler toutes les connaissances dont ils ont besoin ? Et pourtant, ces "philosophes" que je menais paître avaient aussi des moments où ils s'impatientaient car ils avaient hâte que je me mette à uriner. Ils étaient en effet attirés par le sel. L'urine est salée. Ils se bousculaient joyeusement pour boire mon urine. Je me retenais et grimpais dans la montagne pour l'offrir aux buffles, sans en perdre une seule goutte. Si vous donnez de l'urine à un buffle, il vous obéira à jamais et vous considérera comme son père ou sa mère." (pages 182-183).

Très bien.

Cette nouvelle a été portée à l'écran sous la direction de Chen Kaige en 1987.

Trois vraiment très bonnes nouvelles qui donnent vraiment envie d'en lire plus de cet auteur.

perde son chemin

- Perdre son chemin (1991). Nouvelles traduites du chinois par Noël Dutrait. Editions de l'Aube, 118 pages.

Le livre est composé de six textes, le dernier étant lui-même subdivisé en six.
Plus que des nouvelles avec une histoire (à part surtout le premier texte), il s'agit essentiellement de vignettes, qui présentent une situation, un lieu, des personnages, un instant de vie.

1/ Perdre son chemin (21 pages).
"D'une méningite qu'il avait eue dans son jeune âge, l'Idiot avait gardé des traces dans la vie quotidienne. Souvent, quand le maître d'école l'interrogeait, il était incapable de se rasseoir. Avant la fin de nos études secondaires, on nous envoya dans une ferme du Yunnan. Maigre et sec, l'Idiot n'était guère apte au travail. Une idée germa : il serait infirmier. En général, l'infirmier de la ferme n'avait pas besoin d'aller travailler en montagne. Quand l'un de nous avait mal à la tête ou un peu de fièvre il lui donnait un médicament. Si quelqu'un se cognait, il lui mettait un peu de désinfectant bleu ou rouge. En cas d'accident grave, le blessé était envoyé à la ferme succursale et, si c'était vraiment trop grave, à la ferme générale ou même à Kunming." (page 9).

"L'Idiot s'était acheté le Précis du médecin aux pieds nus qu'il avait lu en entier, depuis la citation du Président Mao de la première page jusqu'à la dernière ligne." (pages 9-10).
Une note du traducteur explique : "En 1968, pour pallier son manque de médecins, la Chine a mis en place un système de soins en formant les « médecins aux pieds nus ». Généralement paysans, ils servaient d'auxiliaires sanitaires à temps partiel." (page 9). Evidemment, cela ne remplace pas une formation de plusieurs années ainsi qu'une expérience de terrain...
Mais il est très dévoué à son travail, et n'est finalement pas toujours le plus idiot, comme on le verra...
Bonne nouvelle.

2/ Un banquet (10 pages).
Nous sommes en Chine du Nord. Le soleil se couche.
"La fraîcheur commence à se faire sentir. Les boeufs et les chevaux ne veulent plus avancer d'un pas. Immobiles comme des rocs, ils attendent d'être dételés, prêts à endurer jusqu'à la mort les coups que fait pleuvoir sur leur dos l'homme qui conduit les brancards de la charrue.
- Rentrons ! dit le chef d'équipage en soupirant.
Les animaux connaissent le langage humain. Ils se mettent aussitôt à ruer en tous sens et essaient de s'échapper avant même d'être dételés.
" page 33).
C'est la fête de la mi-automne : un banquet est organisé. Chaque équipe de production va devoir rivaliser dans son organisation. Il va falloir se procurer de l'alcool, malgré le faible budget ; les jeunes instruits vont peindre et calligraphier... La nouvelle raconte, de façon vivante, les préparatifs et la fête elle-même.

3/ Roulements de fonds (6 pages)
Petit texte qui montre le cheminement des ordures depuis la ville de Yuyin (un million d'habitants) jusqu'à une vaste fosse rocheuse.
"Dans ces montagnes arides, l'eau fait défaut, mais la nature karstique du sol empêche de transformer cette fosse en réservoir. Comme dans un profond port marin, on peut donc y déverser mille tonnes d'immondices." (pages 45-46).
On découvrira après ce qu'il advient des ordures (même si on s'en doute un peu quand même).
Petit texte.

4/ La couchette (9 pages).
"A trente ans, j'avais déjà souvent pris le train, mais jamais en couchette. A l'âge de dix-huit ans, on m'avait envoyé au Yunnan pour travailler dans une équipe de production. Pendant dix ans, je voyageai toujours en classe « dure » [ndt : "Dans les trains chinois, on distingue la classe dure et la classe molle, équivalents de nos seconde et première classe."]. Le voyage durait trois jours et quatre nuits et bien souvent, je descendais du train les jambes enflées. Comme je payais le billet de ma poche, je ne pouvais me résoudre à gaspiller de l'argent pour une place où j'aurais eu la possibilité de m'allonger." (page 53).
Aujourd'hui, les choses ont changé : le narrateur est en mission officielle dans le Sud et peut se faire rembourser son billet. Il va donc prendre une couchette.
"Je pénétrai dans le wagon, le coeur battant. Il ressemblait à un élevage moderne de volailles : dans chaque compartiment, trois couchettes par côté jusqu'au plafond." (page 53).
Cependant, même dans ces conditions : "La couchette restait trop courte : mes jambes restaient pliées. Je mis ma tête à la place des pieds, mais ceux-ci dépassaient dans le vide." (pages 53-54).
En plus, la couchette est en classe dure et donne "directement sur le couloir, sans séparation" (ndt). Vraiment pas l'idéal pour un long trajet...
Notre héros va discuter avec un soldat ; une jeune fille arrive ; elle lit...
Les copains du militaire veulent venir : voir un wagon couchette, c'est une sacrée expérience, ça donne des choses incroyables à raconter plus tard ! ("On aura l'air de connaître le monde.", page 56). Mais le contrôleur ne veut pas les laisser passer tous en même temps...
Bonne nouvelle.

5/ L'Idiot (17 pages).
"A Pékin, les idiots ne sont pas nombreux. Sinon, dans quel monde serions-nous ? Ils ne sont pas rares non plus. Sinon, comment expliquer qu'en n'importe quel lieu de la ville, on puisse en rencontrer un ou deux ?" (page 65).
"Mon cinquième logement se trouvait dans une rue assez importante. Au bout de quelques jours, je n'y avais pourtant toujours pas rencontré d'idiot. Je me sentais un peu mal à l'aise. Je réalisais bien, en moi-même, que c'était ridicule, mais c'était devenu une manie. J'en parlai avec Lao Li, mon collègue de travail. Il rit un peu et déclara en se passant la main dans ses cheveux clairsemés :
- Tu prends les choses trop à coeur. Chaque famille a ses problèmes. Ce n'est pas une question de morale.
Je savais que Lao Li avait une fille ravissante, Xiao Wen, qui venait souvent au bureau. Je ne répondis rien.
- Et si tu venais chez nous boire quelque chose ? me proposa tranquillement Lao Li juste au moment de quitter le travail.
" (page 62).
Lao Li et sa femme vont justement recevoir celui qui peut devenir leur gendre ; le narrateur, plus jeune qu'eux, pourra les aider à se faire une opinion.
Le repas ne va pas se passer complètement comme prévu.
Bonne nouvelle, encore.

6/ Au fil du chemin. (34 pages)
Il est composé de six petits textes :

6.I/ Le ravin (4 pages)
Un long ravin, un aigle qui plane, "deux lézards sont allongés, les yeux éternellement ouverts" (page 85), un cavalier qui entre dans une maison... Une vignette bien écrite.

6.II/ Le pont de corde (7 pages)
Une caravane, avec des cavaliers et des boeufs, chemine en montagne. Un bruit de tonnerre se fait entendre : c'est une rivière qu'il va falloir traverser. Elle se trouve en contrebas d'un gouffre très profond.
"Voyant que devant moi les boeufs ne veulent plus avancer du tout, je descends de cheval et me dirige vers la rivière. Là, j'ai le souffle coupé et mes jambes se mettent à trembler. Commes les animaux, je n'ose plus faire le moindre pas en avant. [...]
Dans ce gouffre sinistre, la rivière Nujiang brille au nord-ouest comme un mince filet d'eau où s'élève un grondement sourd. [...]
Assis sur son cheval, le chef sourit. [...]
La caravane se déplace en tremblant en direction du pont de corde qui enjambe la passe.
" (page 90).
Plus qu'un pont comme on peut se l'imaginer, il s'agit en fait d'une corde, certes très épaisse, mais quand même... Un homme est volontaire : il bondit dans un panier de bambou accroché à la corde, se donne de l'élan, et zou ! Arrivé à mi-chemin, la corde remontant, il doit se hisser.
"Tout le monde écarquille les yeux. En face, sur la paroi, un petit point s'est immobilisé." (page 91).
Il est enfin arrivé de l'autre côté et, de là, il pourra, avec l'aide d'autres hommes qui auront pris le même chemin, tirer les boeufs pour la dernière partie. Ces derniers ne sont pas très enthousiastes, et on les comprend.
"Les boeufs se sont couchés sur le sol depuis longtemps. Ils clignent leurs yeux remplis de tristesse. Deux hommes font lever l'un d'eux et le poussent en l'injuriant jusqu'au bout du pont de corde. L'animal est tout mou, deux larmes coulent de ses yeux vides et son corps se met à trembler. Une fois qu'ils lui ont attaché les quatre pattes, les deux hommes l'accrochent au panier de bambou auquel ils nouent la corde. Ils lancent un cri et le poussent violemment. L'animal ouvre la gueule, mais aucun son n'en sort. Il tremble de tous ses membres et ses excréments voltigent dans les airs avant de se disperser dans le gouffre. Une fois que la moitié du pont est passée, les hommes qui sont en face tirent sur la corde avec force et le boeuf arrive sur l'autre rive." (page 92).
Puis, c'est le narrateur qui doit franchir le précipice. Comme les boeufs, il n'en mène pas large.
Très bien.

6.III Le Bain (6 pages).
Un voyageur se baigne dans une rivière. "Mon corps est couvert de deux mois de sueur et de crasse." (page 97). Un autre cavalier arrive. Puis une cavalière... "Un large visage, les yeux très fins, elle nous regarde sans bouger." (page 99).
Joli petit texte, encore une fois très vivant.

6.IV Forêt profonde (6 pages). Un voyageur, dans une forêt, a soif. Il va rencontrer un vieillard et sa femme, qui habitent une maison très joliment décorée.

6.V Montagnes enneigées (3 pages). Un homme marche dans une forêt montagneuse. Il va passer la nuit sous un arbre. Il veut voir les montagnes enneigées. "Quand ce sera fait, les choses pourront commencer." (page 110). Tout petit texte à tendance symboliste (je suppose).

6.VI Fond du lac (6 pages).
Nous sommes au "commencement de l'automne" (l'une des vingt-quatre périodes solaires, qui commence le 8 août, nous apprend le traducteur). Le lac n'est pas gelé, mais quasiment. Pour pêcher, il faut entrer dans le lac pour tirer correctement un immense filet.
Joli petit texte.


Encore une fois, un très bon recueil, vivant.
Dommage qu'on ne le trouve plus qu'en occasion...


 


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