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CERVANTES Miguel
(Alcalá de Henares , 29/09/1547 - Madrid, 22/04/1616)

 

Le père de Miguel de Cervantès était chirurgien (médecin).

Miguel a eu plusieurs frères et soeurs.
1551 : la famille s'installe à Valladolid. Le père a des problèmes de dettes... 1556 : Cordoue.
1566 : Madrid.
1569: quelques poèmes de Cervantès sont inclus dans un livre d'un certain Juan López de Hoyos.
1569 : une ordonnance demande l'arrestation de Cervantes : il aurait blessé quelqu'un dans un duel. Mais était-ce le même Cervantes ? On n'en est pas sûr. Toujours est-il que, pour cette raison ou une autre, il fuit en Italie où il devient soldat dans un régiment d'infanterie, et participe le 7 octobre 1571 à la bataille de Lépante. Malade, il se bat tout de même. Il est blessé, un nerf de sa main gauche est sectionné, il ne pourra plus se servir de sa main gauche.

Six mois plus tard, il reprend du service dans des expéditions navales.
Sur le trajet en bateau de Naples vers l'Espagne, Miguel de Cervantes est capturé par les Turcs. Il est demandé 500 écus d'or pour sa libération.
Il reste captif 5 ans à Alger, fait quatre tentatives d'évasion, est torturé... Finalement, la somme de sa rançon est réunie.

Il est libéré en septembre 1580. Retour en Espagne.

1581-1583 : écriture de Galatée, publié en 1585.
Décembre 1584 : mariage avec une jeune fille qui n'avait pas vingt ans, et une dot modeste. Echec du mariage, ils se séparent deux ans plus tard.
Il s'installe à Séville et devient percepteur des impôts.
1605 : publication de L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche. Grand succès.
1613 : Publication des Nouvelles Exemplaires.
1615 : Don Quichotte, deuxième partie. Deux ans auparavant, un livre apocryphe d'un certain Alonso Fernández de Avellaneda (Lope de Vega ?) mettait en scène la suite des aventures de Don Quichotte.
Publication de Huit comédies et huit intermèdes nouveaux jamais représentés.

Il meurt en 1616. Un an après sa mort paraît son roman Les Travaux de Persilès et Sigismonde.



Don Quichotte en équilibre sur la rambarde d'un ferry, dans l'archipel de Turku (Finlande). Sancho est content !

 


L'ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Tome 1 (Points, 578 pages, traduction d'Aline Schulman publiée en 1997).
On y trouve une préface de Jean-Claude Chevalier (pas possible... ça sentirait presque le gag).

1/ La traduction

Aline Schulman a passé 6 ans à traduire Don Quichotte.
Voici ce qu'elle dit dans "Traduire Don Quichotte aujourd'hui", préalablement au roman (pages 22-23) :

"A utiliser un langage trop contemporain, on court le risque de perturber le texte, de produire un effet de brouillage qui le rendrait inaudible. Au départ, j'espérais qu'il suffirait de prêter l'oreille pour éviter ces bavures. Mais très vite, l'usage du Dictionnaire historique Robert m'est devenu indispensable ; à force de le fréquenter, j'ai pu conclure, de manière empirique, qu'en mettant la barre aux alentours de 1650 et en m'interdisant d'utiliser un mot ou une expression dans la langue après cette date, je pouvais traduire aussi "modernement" que m'y autorisait le texte. La première partie du Don Quichotte est publiée en 1605, la deuxième en 1615. Tracer une ligne de partage au milieu du XVII° siècle plutôt qu'à la fin me situait au plus près de l'état de la langue de l'époque, sans m'éloigner de notre discours littéraire d'aujourd'hui ; car il est évident que la traduction rend compte d'une oralité qui n'est pas celle de la langue parlée comme on la parle dans la rue, mais plutôt comme on la parle au théâtre. Il m'était donc possible de rester à la fois dans le respect du texte d'alors et du lecteur d'aujourd'hui.

Cela voulait dire, à tout prendre, Molière à Céline, mais aussi Molère à Rabelais ! Refuser bon nombre de termes, de calembours et d'expressions figées entrées tardivement dans la langue, pour chercher des équivalents qui, bien qu'anciens, aient toujours cours."

Elle met en évidence la différence de traduction d'une phrase :

Louis Viardot (1840) : "Ils résolurent donc de lui rendre visite et de faire l'expérience de sa guérison, bien qu'ils tinssent pour impossible qu'elle fût complète"

Jean Cassou (1946) : "C'est pourquoi ils résolurent de le visiter et de faire expérience de son amendement, quoiqu'ils le jugeassent presque impossible.

Aline Schulman (1997) : "Et ils décidèrent de lui rendre visite pour constater de plus près cette amélioration, à laquelle ils n'osaient pas croire."


Aline Schulman, ainsi, s'arrange pour supprimer nombre d'imparfaits du subjonctif. Même Sancho, bien qu'illettré, parlait en usant de ces imparfaits du subjonctif !
On pourra dire que le texte gomme le côté ancien, dissipe une certaine atmosphère, mais le lecteur gagne énormément en lisibilité.

De plus, la mise en page met bien en évidence les dialogues, ce qui n'était absolument pas le cas dans l'édition de La Pléiade sous la direction de Jean Cassou (depuis, La Pléiade a publié une autre traduction...).

Le roman est composé à 90% de dialogues. Il a connu un énorme succès populaire : les gens comprenaient le texte. Le parti pris de la traductrice est que les gens d'aujourd'hui le comprennent également, sans avoir besoin de recourir à des encyclopédies.

Autre parti pris : quasiment pas de notes. C'est vrai qu'il n'y en a généralement pas besoin, mais parfois, indiquer d'où provient telle ou telle citation, cela peut être également satisfaisant.

daumier
Honoré Daumier, Don Quichotte et Sancho Panza

2/ Le roman

Le prologue est déjà vraiment drôle. Cervantès dit qu'il ne sait pas écrire un prologue, que les écrivains sérieux exposent la liste de toutes leurs références, mais que lui, Cervantès, n'a pas cette érudition. Heureusement, un ami à lui arrive. Il a une grande culture, lui dit de mettre dans sa liste des auteurs qu'il ne citera pas dans son livre : qui ira vérifier ? Il lui donne plein de conseils, de l'art de frimer avec des références bateaux, histoire de frimer un peu (ce ne sont évidemment pas les mots de Cervantès, mais l'idée est là).

Puis viennent quelques éloges, écrits par des personnalités aussi connues que Roland Furieux ou Amadis de Gaule (le célèbre chevalier). On continue donc dans l'humour.

Et, enfin, nous arrivons au livre !

"Dans un village de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait il n'y a pas longtemps un de ces gentilshommes avec lance au râtelier, bouclier de cuir à l'ancienne, levrette pour la chasse et rosse efflanquée. [...] Il y avait chez lui une gouvernante de plus de quarante ans, une nièce qui en avait moins de vingt, et un valet bon à tout, qui sellait la rosse aussi bien qu'il maniait la serpe.
Notre gentilhomme frisait la cinquantaine ; il était de constitution robuste, sec de corps, maigre de visage, toujours matinal et grand chasseur. [...]
Or, il faut savoir que ce gentilhomme passait ses heures d'oisiveté, c'est-à-dire le plus clair de son temps, plongé avec ravissement dans la lecture des romans de chevalerie, au point qu'il en oublia presque l'exercice de la chasse et l'administration de son bien. Pour satisfaire cette avidité extravagante, il finit même par vendre plusieurs arpents de bonne terre et s'acheta autant de romans qu'il put en trouver
" (pages 55-56).

Une page plus loin, il a perdu l'esprit. "[...]il lui vint la plus étrange pensée que jamais fou ait pu concevoir. Il crut bon et nécessaire, tant pour l'éclat de sa propre renommée que pour le service de sa patrie, de se faire chevalier errant, et d'aller par le monde avec ses armes et son cheval chercher les aventures, comme l'avaient fait avant lui ses modèles; réparant, comme eux, toutes sortes d'injustices, et s'exposant aux hasards et aux dangers, dont il sortirait vainqueur et où il gagnerait une gloire éternelle. Le pauvre se voyait déjà récompensé de sa vaillance et couronné, pour le moins, empereur de Trébizonde." (page 57)

Mais un vrai chevalier errant est un homme amoureux de sa Dame. Il se choisit une paysanne, Aldonza Lorenzo, qui devint dame de ses pensées. "Voulant pour elle un nom qui ne fût pas indigne du sien et annonçât la princesse ou la grande dame, il l'appela Dulcinée du Toboso, car elle était native de ce village." (pages 59-60)

"Ses préparatifs achevés, don Quichotte ne voulut pas attendre davantage pour mettre à exécution son projet, persuadé que s'il prenait le moindre retard il priverait grandement le monde, où il avait, croyait-il, beaucoup d'offenses à venger, de torts à redresser, d'injustices à réparer, d'abus à corriger, de dettes à honorer." (page 61).


Il entraîne dans sa folie un paysan, Sancho Panza (qui laisse femme et enfants). Il lui promet qu'il lui donnera rapidement un poste de gouverneur d'archipel. Aucun doute à ce sujet, la force de son bras l'amènera très vite à la gloire.

Ses amis, le curé et le barbier, arriveront-ils à sauver Quichada ou Quesada, alias Don Quichotte, de son obsession pour les romans de chevalerie ?

Don Quichotte a tout son bon sens, est instruit, raisonne avec une grande justesse, mais dès qu'il est question de chevalerie, il voit rouge, confond réalité et fiction.

Alors, bien sûr, il y a des épisodes connus ("Chapitre VIII - De la grande victoire que le vaillant don Quichotte remporta dans l'épouvantable et incroyable aventure des moulins à vent, avec d'autres événements digne de mémoire"), mais aussi plein d'histoires, de récits annexes (dont une fait presque cinquante pages !), d'arnaques en tous genres (ah, l'illustre infante Micromiconne !), de hasards incroyables et de coïncidence également troublantes...

Les aventures abondent de jeunes filles toutes plus belles et intelligentes les unes que les autres, c'est incroyable. Au fin fond de la forêt, dans la montagne, elles sont partout ! Et Don Quichotte est là, de par sa profession, pour redresser les torts ! Qu'on se le dise !

Plein d'aventures, de personnages, de la parodie, de l'excentricité,de l'ironie, et parfois de la profondeur... ce roman se veut traduit par Cervantès, mais il ne s'agit bien sûr que du compte-rendu du livre de l'historien Sidi Ahmed Benengeli. Cela complique parfois délicieusement les choses, car on se demande qui, exactement, raconte... C'est génial.

578 pages qui se lisent toutes seules.

Il paraît que Cervantes a créé le roman moderne. Je n'y connais rien, je ne peux pas l'affirmer, mais ça y ressemble.

Don Quichotte
Honoré Daumier, Don Quichotte lisant des romans de chevalerie.



L'ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Tome 2 (Points, 591 pages, traduction d'Aline Schulman publiée en 1997).

Le deuxième volume, écrit dix ans après le premier, se concentre plus sur Don Quichotte et Sancho Panza.

Cervantès crée ici le roman post-moderne. Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire, mais jugez-en plutôt...

Après les trépidantes aventures du premier volume, Don Quichotte et Sancho Panza sont devenus célèbres. Comment cela ? Eh bien, grâce au succès du premier volume, écrit par Sidi Ahmed Benengeli et traduit par Cervantes.
Encore un coup des enchanteurs, se disent Don Quichotte et Sancho Panza. C'est en effet un prodige : Don Quichotte constate que Sidi Ahmed a retranscrit fidèlement ses paroles et ses pensées, alors même qu'il se croyait tout seul !
Incroyable...

Cette notoriété apporte de la nouveauté. Les gens, rencontrés au cours du chemin, savent généralement (tous ne lisent pas de romans de chevalerie, et certains pensaient que c'était juste un livre, Don Quichotte, pas la réalité... qu'ils se trompent !) à quoi s'attendre de la part de Don Quichotte, et se jouent de sa crédulité. Pas méchamment, juste pour se distraire et nous par la même occasion.

Dans ce volume, Sidi Ahmed et Cervantès interviennent plus souvent que pendant le premier.
Exemple, page 44 : "Parvenu au cinquième chapitre, le traducteur de cette histoire déclare qu'il le considère comme apocryphe, parce que Sancho y parle dans un style trop bien élevé et qu'il y dit des choses bien trop subtiles pour sa petite intelligence. Il le traduit néanmoins, pour ne pas manquer au devoir que son métier lui impose, et continue comme suit : [...] "

Parfois, Cervantès et Sidi Ahmed se fichent carrément du style des romans de chevalerie :
"A peine la blanche aurore avait-elle permis au brillant Phébus de sécher à la chaleur de ses rayons ardents les perles liquides qui parsemaient ses cheveux d'or, que don Quichotte, secouant la paresse de ses membres,se leva et appela son écuyer [...]" (page 159)

Les titres des chapitres sont particulièrement savoureux. "Où l'on apprend à quelles extrémités pouvait atteindre le courage inouï de don Quichotte, et l'heureuse issue de l'aventure des lions", "Où l'on raconte ce qu'on lira", "Qui traite de ce qu'on verra si on le lit ou de ce qu'on entendra si on se le fait lire", "Où l'on raconte toutes sortes de balivernes aussi futiles que nécessaires à la bonne intelligence de cette grande histoire"...

Cervantes règle aussi ses comptes avec un écrivain qui s'était permis d'éditer la suite des aventures de Don Quichotte. Un opportuniste.
Dans ce volume, il s'en prend plein la figure. Don Quichotte, après l'avoir feuilleté, trouve qu'il est mal écrit, le bouquin de l'autre, et qu'il raconte n'importe quoi.

Il arrive plein d'aventures, burlesques, comiques, lamentables, à Don Quichotte, mais également à Sancho Panza.

Que dire de plus ? A part que Borges et Nabokov ont écrit des analyses autrement plus pénétrantes que ma pauvre baffouille ?

591 petites pages gouleyantes.

 

gustave doré    
Gustave Doré, illustrations pour Don Quichotte.


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