Littérature Espagnole
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Ramon J. Sender se lance dans le journalisme à dix-huit ans. Il appartient à la mouvance anarcho-syndicaliste. Il commence à publier dans les années 1930. Requiem pour un Paysan espagnol (Mosén Millán, 1953 ; republié sous le titre Réquiem por un campesino español en 1960. Traduit par Jean-Paul Cortada.110 pages chez Babel ; 161 pages chez Fédérop, en édition bilingue). Dans l'introduction à la version Babel, Hubert Nyssen écrit : "Ce qu'il donne à voir, à entendre, à comprendre là, c'est la dramaturgie de la guerre civile espagnole dans la société paysanne, alors même que cette guerre demeure pratiquement innommée - ce qui, déjà, en fait entrevoir le caractère innommable. La violence et l'importance du sujet s'imposent donc par la discrétion même avec laquelle celui-ci est porté à la connaissance du lecteur." (page 8).
(page 9) Et Mosén Millán se rappelle la vie de Paco, depuis son baptême jusqu'à sa mort, par allers et retours entre le présent et le passé, pendant l'attente avant la Messe de requiem. On pourrait dire que les souvenirs sont racontés en temps réel. Il y a en quelque sorte unité de temps. "La marraine répétait que pendant la cérémonie l'enfant avait tiré la langue pour recevoir le sel, elle en déduisait qu'il aurait de l'esprit et du charme avec les femmes. Le père de l'enfant allait et venait, et il s'arrêtait parfois pour regarder le nouveau-né : «Ce que c'est que la vie ! Jusqu'à la naissance de ce petit, je n'étais que le fils de mon père. Et maintenant, en plus, je suis le père de mon fils. » - La terre est ronde, et elle tourne, dit-il à voix haute. Mosén Millán était certain qu'on servirait de la perdrix en sauce. On en faisait toujours dans cette maison." (page 13). Ah, les perdrix en sauce ! Mosén Millán s'en souvient encore. D'autres personnages se détachent, comme Jéronima, sorte de rebouteuse dont la langue bien pendue se déchaîne au lavoir, et le cordonnier, qui dit à un moment : "Les curés sont les gens qui se donnent le plus de peine au monde pour ne pas travailler. Mais Mosén Millán est un saint. Cela, il le disait avec une vénération exagérée pour que personne ne pût penser qu'il parlait sérieusement." (page 19). Le temps passe, Paco se marie. "La noce fut bien comme tous l'attendaient. Un grand repas, de la musique et un bal. Avant même la cérémonie, de nombreuses chemises blanches étaient tachées de vin, car les paysans s'obstinaient à boire à la gourde. Leurs épouses protestaient, et ils disaient qu'il fallait saoûler les chemises pour les donner ensuite aux pauvres. Avec cette expression - les donner aux pauvres - ils se donnaient l'illusion de ne pas l'être, eux." (pages 42-43). Et bien sûr, des événements vont survenir : le roi quitte l'Espagne. C'est sans doute le moment pour Paco de réparer les injustices qui lui pèsent depuis son enfance... Tout n'est pas explicité et souligné. Les personnages sont profonds. Un grand livre. Une toile aurait pu être utilisée pour la couverture. Il ne s'agit évidemment pas de la même époque, les conditions sont différentes, mais l'esprit est là. Francisco de Goya, Tres de Mayo. 1814. Museo del Prado.
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