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Enrique VILA-MATAS
(Barcelone, 31/03/1948 - )


vila-matas

 

"À dix-huit ans, il commence une série de collaborations pour la revue de cinéma Fotogramas, avec de fausses interviews, qui annoncent ses futurs vrais-faux romans. En 1970, il réalise deux courts métrages puis, l'année suivante, part accomplir son service militaire à Melilla, où il rédige son premier roman publié, Mujer en el espejo contemplando un paisaje (Femme dans le miroir regardant un paysage, 1973). De retour à Barcelone en 1972, il écrit des critiques de films pour des revues.

À cette époque, Barcelone vit les derniers soubresauts du franquisme. C’est pourquoi, en 1974, il décide de partir pour Paris, et s’installe dans une chambre de bonne occupée auparavant par le dramaturge argentin Copi, que lui loue Marguerite Duras dans les combles de son appartement, 5 rue Saint-Benoît. Une période dont il rendra compte, bien plus tard, dans son bildungsroman París no se acaba nunca [Paris ne finit jamais, 2003]. Il met à profit ce séjour de deux ans pour écrire La asesina ilustrada (1977), son deuxième roman. [...]

De retour à Barcelone, il se plonge dans l’intense vie sociale et culturelle de la « gauche divine », jusqu’à atteindre un statut d´auteur « confidentiel » avec un troisième récit, Al sur de los párpados [Au sud des paupières], paru à Madrid en 1980, et un premier recueil de nouvelles, Nunca voy al cine (Je ne vais jamais au cinéma, 1981), avant de devenir un auteur-culte avec Impostura (1984) et surtout grâce à son premier véritable succès, Historia abreviada de la literatura portátil (Abrégé d'histoire de la littérature portative, 1985) [...]. Ses textes (romans et recueils de nouvelles) rencontrent un succès d’estime — en Espagne et aussi à l’étranger — qui ne se dément pas au fil des titres, toujours axés sur trois thèmes majeurs : la figure de l’écrivain et sa difficulté, voire son impossibilité, à écrire ; les rapports d’affrontement/soumission, en prolongement de la Lettre au père de Kafka, entre pères et fils ; l’éloignement des autres et de soi-même jusqu’à la disparition." (source Wikipedia).

perdre des théories
Photographié à Montjuïc (Barcelone), le 15/05/2015

- Perdre des théories (Perder teorias, 2010). Traduit de l'espagnol par André Gabastou. Christian Bourgois éditeur. 63 pages.
Un écrivain barcelonais, le double d'Enrique Vila-Matas, est invité à Lyon pour une causerie.
"Je suis allé à Lyon parce qu'une organisation nommée Villa Fondebrider m'avait invité à participer à une causerie sur les relations entre la fiction et la réalité programmée dans des Rencontres internationales de littérature. J'ai accepté parce que je n'y étais jamais allé et que j'avais envie de connaître la ville. En plus, participaient à ce symposium John Banville et Rick Moody, deux de mes écrivains préférés. Quant aux relations entre la fiction et la réalité, sujet de plus en plus rebattu, j'avais déjà écrit sur ce thème un nombre infini de fois, sous les formes les plus variées, et il me semblait que le temps était arrivé de définir une bonne fois pour toutes, malgré ma méfiance, une position ferme." (pages 7-8).

Mais personne n'est à l'aéroport pour l'accueillir. Il va à son hôtel. Personne ne l'y attend non plus. Il va dans sa chambre et se demande ce qu'il doit faire. L'a-t-on oublié ? Va-t-on venir le chercher ? et si oui, quand ? Doit-il vraiment intervenir le lendemain... On est dans un monde qui vire à l'absurde.
Finalement, il va se promener un peu. Il parle (dans sa tête) de Gracq, de Rimbaud, Richard Francis Burton, Charles Simic ("Chez Simic, l'imagination ne nous éloigne pas de la réalité, elle est la clé qui nous permet d'accéder à la carte de nos murs intérieurs", page 38), Elizabeth Smart (à propos de son livre À la hauteur de Grand Central Station je me suis assise et j'ai pleuré, il écrit : "[...] l'un de ses charmes est d'avoir été pionnier dans un procédé que j'apprécie, consistant à faire du texte une machine de citations littéraires aidant à créer des sens différents.", page 39), Roberto Arlt, Javier Marías, Kafka...

Il se pose des questions existentielles.
"Je me suis souvenu d'une note de Kafka : « Il y a des questions que nous ne réussirions jamais à laisser dans notre sillage si nous ne nous étions pas naturellement libérés d'elles. » Je ne savais pas très bien ce qu'avait voulu dire Kafka mais ses mots m'ont servi à me libérer de ma question. Ainsi qu'à me libérer de tout. C'est une phrase extraordinaire, qui aide. Peut-être montre-t-elle que les phrases que nous ne comprenons pas peuvent nous aider beaucoup plus que celles que nous comprenons parfaitement." (page 25).
Il faut faire attention à toutes ces références, car le narrateur parle lui-même de "l'invasion de mes textes par des citations littéraires totalement inventées, s'entremêlant aux vraies." (page 37).

Perdre des théories est un petit texte post-moderne traitant finalement du sujet même qui a amené notre écrivain à Lyon : une causerie sur la fiction, la réalité, la réalité de la fiction, les citations - inventées ou non - et ce qu'on peut en faire... Mais aussi d'autres sujets, tels que : les théories sur le roman se suffisent-elles à elles-mêmes ou faut-il les mettre en pratique ?
C'est ludique et pas désagréable du tout. Reste à savoir si Vila-Matas parvient à maintenir l'intérêt du lecteur sur une durée plus longue que ces 63 petites pages...


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