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Timbre portugais émis en 1997. "Né à Lisbonne en 1532 Luís Fróis est élevé à la cour du roi Jean III où il reçoit une éducation humaniste. En février 1548, il entre dans la Compagnie de Jésus, devenue populaire au Portugal, grâce à la présence et la vie exemplaire de Simon Rodrigues, un des premiers compagnons d’Ignace de Loyola. Quelques semaines plus tard, Fróis embarque avec neuf autres jésuites à destination de l'Inde. Fróis arrive à Goa en octobre 1548. [...]. À Goa, les jésuites sont installés depuis 1542; François Xavier est leur supérieur provincial. [...] Fróis est ordonné prêtre, à Goa, en 1561. Peu après son ordination il est envoyé au Japon. Il débarque au port de Yokoseura le 6 juillet 1563. De ce jour, et jusqu’à la fin de sa vie, il vivra au Japon, excepté 3 années passées à Macao: cela fait une longue période de 30 ans. Son premier travail est pastoral, même s’il ne connaît pas encore la langue. Accompagné d’un interprète il visite les iles de Hirado. Il est immergé le plus souvent dans la culture japonaise, éloigné des postes européens. L’instabilité politique - et des réactions sporadiquement hostiles au christianisme - font qu’il est parfois expulsé et doit alors déménager. Le temps libre que cela lui donne lui permet d’approfondir ses connaissances de la langue et la civilisation japonaise qu’il admire sincèrement. Il est bientôt couramment accueilli auprès des seigneurs locaux. En 1572 il est l’interprète du nouveau supérieur jésuite Francisco Cabral quand celui-ci visite les différentes autorités du pays. Pendant une douzaine d’années il réside dans la capitale japonaise de Kyoto (le Miyako, c'est-à-dire 'Ville capitale') mais, en fait, il est souvent en voyage. Ainsi il accompagne et est interprète d’Alessandro Valignano lorsque celui-ci fait la visite canonique de la mission (1580-1582). C’est Valignano qui, impressionné par ses connaissances et sa culture japonaise, lui demande de mettre par écrit les événements qui marquent les débuts du christianisme au Japon. Assistant du nouveau vice-provincial Gaspar Coelho il l’accompagne durant ses visites durant 9 ans, de 1581 à 1590. Le premier volume de son ‘Histoire du Japon’ est achevé en 1586. En mai 1586 il est l’interprète de Coelho à l’audience que leur accorde Toyotomi Hideyoshi. La rencontre, importante et délicate, n’a pas le succès escompté. Hideyoshi bannira le christianisme l’année suivante (1587). De 1587 à 1589 il rédige la seconde partie de son ‘Histoire du Japon’. En octobre 1592 Alessandro Valignano le prend avec lui lorsqu’il retourne à Macao. Fróis y continue son travail sur les débuts du christianisme au Japon. Il achève les derniers chapitres de son œuvre en février-mars 1594. Malade et ayant la prémonition que sa fin est proche il demande en 1595 l’autorisation de rentrer au Japon, dont il a fait sa vraie patrie, pour y finir ses jours. Il meurt à Nagasaki le 8 juillet 1597." (Wikipedia) . Son décès est donc survenu peu de temps après un événement important : "L'exécution en masse de religieux chrétiens, le 5 février 1597, sur ordre exprès du maître du Japon Toyotomi Hideyoshi, semble y sonner le glas de l'entreprise missionnaire." (Traité de Luís Fróis ; notes & commentaires, page 119)
Européens & Japonais. Traité sur les contradictions & différences de moeurs. (1585). Traduit du portugais par Xavier de Castro. Chandeigne. 94 pages. Préface de Claude Lévi-Strauss. Il existe, également chez Chandeigne, une version grand format (187 pages) qui n'a pas la préface de Claude Lévi-Strauss, mais comporte une préface beaucoup plus longue (32 pages, contre 4), écrite par un certain José Manuel Garcia, et qui traite de la présence portugaise au Japon et de la vie de Fróis. Cette version grand format a aussi des notes plus étoffées (en fin d'ouvrage au lieu de bas de page), présente diverses reproductions, et propose au lecteur les deux premiers textes qui parvinrent en Europe sur le Japon, à savoir : "Information des choses du Japon", un texte de 1547 écrit par un capitaine de navire à la demande de François Xavier ("Il s'agit du premier témoignage écrit d'un observateur européen", page 163), et "Information adressée par Nicolas Lanzillotto au gouverneur Garcia de Sá", 1548. "Ce document, aux préoccupations bien différentes du précédent récit d'Alvares, témoigne des espoirs immenses et parfois naïfs que les Jésuites mettaient dans l'évangélisation d'un Japon encore imaginé." (page 173). Deux textes intéressants. La préface de Claude Lévi-Strauss (en version poche, donc) s'ouvre par une citation de Platon (Lysis, 215e) : "« Car c'est le plus contraire qui est au plus haut point ami de ce qui lui est le plus contraire. »" Le Japon a été découvert deux fois, écrit Lévi-Strauss : au milieu du XVI° siècle quand les jésuites sont venus dans le sillage des marchands portugais, et trois siècles plus tard quand les Etats-Unis ont forcé le Japon à s'ouvrir au commerce international. Lévi-Strauss fait un parallèle intéressant : pour lui, Chamberlain et Fróis "s'exprimaient sur le Japon dans les mêmes termes qu'Hérodote, au V° siècle avant notre ère, sur un pays, l'Egypte, à ses yeux non moins empreint de mystère : car, écrivait le voyageur grec, « les Egyptiens se conduisaient en toutes choses à l'envers des autres peuples. » Les femmes font le commerce tandis que les hommes restent à la maison. [...]" (page 9). Puis, Levi-Strauss aborde la structure du livre de Fróis :
Le texte de Fróis commence avec le frontispice : "Traité où l'on trouve de manière très succincte & abrégée quelques contradictions & différences de moeurs entre les Européens et les habitants de cette province du Japon. [...] Et nombre de leurs coutumes sont si étrangères & lointaines des nôtres qu'il semble presque incroyable qu'il puisse y avoir tant d'oppositions chez des gens d'une aussi grande police, vivacité d'esprit & sagesse naturelle comme ils ont.
Chapitre I. Des hommes, de leurs personnes & de leurs vêtements.
1. En Europe, l'honneur et le bien suprême des jeunes femmes sont la pudeur et le cloître inviolé de leur pureté ; les femmes du Japon ne font aucun cas de la pureté virginale, et la perdre ne les déshonore ni ne les empêche de se marier.
1. En Europe, nous coupons régulièrement les cheveux des enfants ; au Japon, on les laisse pousser jusqu'à l'âge de quinze ans.
1. Chez nous, les hommes entrent en religion pour faire pénitence et pour leur salut ; les bonzes le font pour échapper au travail et vivre en repos parmi les plaisirs.
15. Nous sentons le melon à sa tête ; les Japonais le sentent à sa queue.
9. Nos épées, même neuves, si elles sont très bonnes, valent très cher ; celles du Japon, neuves, ne valent rien, mais très anciennes elles atteignent des prix élevés.
Chapitre XI. Des maisons, ateliers, jardins & fruits
Un court livre intéressant par ce qu'il révèle des moeurs japonaises (la beauté cachée, le goût de l'épure...), mais également des moeurs occidentales à la même époque. Et cette succession d'oppositions a quelque chose d'assez fascinant : on en viendrait presque à se dire que tant d'oppositions ne peuvent pas être le fruit du hasard...
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