Essais
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Une Langue venue d'ailleurs (2011 ; L'un et l'autre, Gallimard). 269 pages. Préface de Daniel Pennac. Il s'agit presque d'une autobiographie (écrite en français, s'il faut le préciser). Mizubayashi explique comment, étouffant dans la langue japonaise, il en est venu à apprendre le français (Mozart, Rousseau...), comment il s'est entraîné à la musicalité de la langue, en écoutant encore et encore des enregistrements de la radio. "En musique, il y a tous les niveaux, du niveau débutant au professionnel en passant par le niveau amateur. C'est pareil en langues. Le niveau professionnel ne s'acquiert pas en deux ou trois ans. Il faut des années de travail et toute une vie pour l'entretenir... Vous aimez le français. D'accord. Mais qu'est-ce que ça veut dire pour vous, « aimer le français » ? Êtes-vous prêts à faire du français comme pour devenir un vrai musicien ? Pourquoi ces questions ? Parce que je suis moi-même comme un musicien qui s'entraîne tous les jours. La différence entre un musicien et moi, c'est que je suis un instrumentiste sans public. Personne ne s'intéresse à mon jeu, je n'ai pas de répertoire, je n'ai aucun morceau célèbre à jouer devant un auditoire. Ma performance n'est pas une marchandise. Je joue pour moi seul et c'est bien ainsi." (pages 156-157). A la fin du livre, il écrit :"Nancy Huston écrit : « L'acquisition d'une deuxième langue annule le caractère naturel de la langue d'origine - à partir de là, plus rien n'est donné d'office, ni dans l'une ni dans l'autre ; plus rien ne vous appartient d'origine, de droit et d'évidence. » Voilà une affirmation qui me va droit au coeur. Le jour où je me suis emparé de la langue française, j'ai en effet perdu le japonais pour toujours dans sa pureté originelle." (page 267) Mais revenons en arrière.
A Tokyo, il tombe sur un livre qui le touche particulièrement, "Jean-Jacques Rousseau : la transparence et l'obstacle", de Jean Starobinski. Le livre est cher, mais il l'achète.
"Je n'avais jamais quitté ma famille, je n'étais jamais allé à l'étranger, je n'avais jamais voyagé en avion, je ne m'étais même jamais éloigné durablement de Tokyo. Aller à Montpellier, cela représentait pour moi un véritable exil, mais un exil voulu, nécessaire." (page 90). On est en octobre 1973. Les voyages n'ont pas encore été banalisés comme maintenant. Il raconte son arrivée à Montpellier, la fac, ses professeurs, ses boulettes en français, les étrangetés de chez nous. Il se marie avec une Française, et on voit comment il tente de résoudre le problème du bilinguisme pour l'éducation de leur fille : avec elle, chacun parle sa langue. A un moment (page 230), il dit qu'il est double, et on pense à ce que le livre pourrait être : une longue interview de l'auteur par Bernard Pivot, dans la série Double Je. On notera qu'il parle très gentiment de Daniel Pennac (page 237, page 250 "de Zola à Pennac en passant par Céline")... qui a écrit la préface. Je ne sais pas si Pennac apparaissait dans le livre avant que Pennac ne rédige la préface, cela dit. Le livre de Mizubayashi Akira parle donc de sa vie, de l'acquisition d'une langue, des différences culturelles profondes entre le Japon et la France, mais aussi de Rousseau, Mozart, Stendhal, Arimasa Mori, Gérard Genette, Jean-Pierre Richard, Roland Barthes... Et c'est franchement très intéressant. Ecoutons-le :
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