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Pierre Vidal-Naquet était un historien et helléniste français. "Sa famille appartenait à la communauté juive comtadine de Carpentras, près d'Avignon. Il est éduqué dans un milieu laïc et républicain. Son père était un avocat « dreyfusard » qui a très tôt rejoint la Résistance. En juin 1940, la famille s'enfuit pour Marseille [...]
Le Miroir brisé. Tragédie athénienne et politique. (2002). Les Belles Lettres. 94 pages. "Parmi les Grecs, les Athéniens ont inventé la tragédie, ce « fait social total », comme aurait dit Marcel Mauss, à la fois esthétique, littéraire et religieux. Faut-il ajouter : politique ? [...] "Giraudoux parlait des Cinq Tentations de La Fontaine. J'aurais tendance à parler des trois tentations majeures qui menacent l'interprète des tragédies athéniennes." (page 12) Une partie importante de l'essai va être consacrée à l'étude de ces trois tentations. 1/ La tentation du « réalisme » : "Peut-on dire pourquoi Œdipe, lorsqu'il rencontre Laïos, le frappe avec son bâton de marche (skêptron, œdipe-Roi, 816), alors qu'il aurait été si naturel qu'il soit muni d'une épée ?" (pages 12-13). 2/ La tentation de l'« actualisation politique ». Peut-on déduire les positions politiques d'Eschyle à partir de ses pièces ? "Cela dit, il est vrai qu'Euripide écrit tantôt comme un sophiste, échangeant des arguments pour et contre avec un autre sophiste, tantôt comme un prodigieux reporter qui met en scène l'actualité. Il est vrai aussi qu'il nous donne parfois des informations que les historiens, Hérodote, Thucydide, Diodore, ne nous donnent pas. À l'inverse, du reste, Thucydide ne cite pas une seule fois les grands tragiques, et Hérodote mentionne une seule fois Eschyle (II, 156). Il faudra attendre les orateurs du IV° siècle pour trouver, dans la prose attique, des citations d'Euripide. Et Sophocle ? "[...] Sophocle est précisément le seul qui ait fait ce que nous appellerions aujourd'hui une carrière politique. Elu stratège, il prit part aux côtés de Périclès à la répression de l'insurrection de Samos." (page 40) "Oserai-je le dire ? Ce qui, à mes yeux, fait écho à la tragédie athénienne, n'est pas telle ou telle pièce de théâtre, mais bien cette série de représentations politiques à l'usage des masses que furent les procès de Moscou dans les années 1936-1938 ou de Budapest, Sofia et Prague, sans oublier Tirana, à la fin des années 40 et au début des années 50." (page 50) Puis, Pierre Vidal-Naquet change de perspective en étudiant la représentation des institutions politiques dans les tragédies. Un seul Conseil prend une décision : c'est l'Aréopage dans les Euménides d'Eschyle (page 57). Après quoi, Pierre Vidal-Naquet étudie la cité grecque "telle que peut la voir un anthropologue" (page 60). "La tragédie est une crise, négative ou positive, après laquelle personne parmi les héros n'est semblable à lui-même. Le Créon qui réunit le Conseil après la mort d'Antigone, de Hémon et d'Eurydice dans la pièce d'Anouilh est inconcevable dans une tragédie athénienne." (page 86). Un essai très intéressant, qui ouvre des perspectives, et auquel on peut revenir (je suis bien loin d'avoir lu toutes les pièces auxquelles il fait référence...).
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