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DIDEROT Denis
(Langres, 1713-Paris, 1784)
Diderot, par Louis-Michel van Loo (1767).
Petite biographie, d'après Wikipedia - on pourra lire la totalité de l'article ici .
Ecrivain, philosophe, encyclopédiste.
Denis Diderot est né à Langres, dans une famille bourgeoise en 1713.
Après avoir envisagé la prêtrise, il part étudier à Paris en 1728. Collège, puis théologie et philosophie à la Sorbonne.
Diderot donne des cours, gagne de l'argent comme il peut, et en demande à ses parents.
Il se marie contre l'avis de ses parents.
Il apprend l'anglais, fait de la traduction et commence à publier des traductions et des essais (les Pensées philosophiques, 1746). Son premier roman, Les bijoux indiscrets, paraît en 1748.
Il est incarcéré pendant trois mois au Château de Vincennes, et le manuscrit de La promenade du sceptique est saisi. Diderot sera plus prudent à l'avenir, il ne publiera pas certains de ses textes.
Il travaille à l'Encyclopédie de 1747 à 1765.
Diderot a quelques problèmes financiers pour doter sa fille. Il pense vendre sa bibliothèque, que Catherine II lui achète tout en lui permettant d'en conserver l'usage. Il est de plus nommé bibliothécaire de ce fond, et rétribué en conséquence. Il marie donc sa fille à un beau parti (un industriel) en 1772.
Il part en voyage à Saint-Petersbourg (1773-1774) en passant par La Haye, Dusseldorf, Riga…le voyage est très éprouvant (prévoyant, il avait réglé le problème de sa succession). Il rencontre Catherine II.
A son retour à Paris, sa santé s'est dégradée. Il met de l'ordre dans ses affaires, fait des copies de son oeuvre.
Il décède le 31 juillet 1784.
Jacques le fataliste et son maître, édition d'Yvon Belaval, folio, 376 pages.
Un serviteur et son maître cheminent à cheval.
Nous sommes au XVIII° siècle ; le TGV n'existait pas. Les voyages prenaient du temps.
Cela tombe bien, le serviteur (Jacques) est un bavard invétéré, et son maître adore qu'on lui raconte des histoires. Lui aussi, d'ailleurs, en raconte à l'occasion.
Jacques est Fataliste. Pour lui, tout est écrit d'avance.
"" (page 40). Cela commence à devenir un peu lourd… et Diderot intervient.
"" (page 41)
Diderot intervient fréquemment dans le récit. Il nous dit ce qu'il pourrait faire arriver, ce qui arriverait si on était dans un vulgaire roman (et il imagine moult coïncidences et événements édifiants), mais comme nous ne sommes justement pas dans un vulgaire roman, il n'y a pas – très peu, en fait - de ces coïncidences et hasards dont d'autres auteurs sont friands, et dont ils font les ressorts principaux de l'intérêt de leurs histoires.
"" (page 57)
Parfois même, il interrompt l'histoire à un moment particulièrement intéressant, juste pour dire qu'il pourrait faire arriver un tas d'événements qui nous frustrerait de la suite de l'histoire. Diderot est joueur, et son jouet, c'est le lecteur.
De plus, Diderot intervient pour meubler quand il ne se passe rien d'intéressant, tel un Léon Zitrone pendant un couronnement.
Si, pour une quelconque raison, Jacques et son maître sont momentanément séparés, il nous demande auprès de qui nous préférons rester, nous conseille, voire même nous raconte une histoire ou nous fait part de considérations diverses en attendant que la nuit passe, ou que Jacques revienne. Parmi ces histoires, celle du mauvais poète à qui il autorise de continuer à écrire de mauvais vers à condition qu'il soit riche est très amusante. Cette histoire part d'une réflexion consécutive à un récit que le lecteur ne trouve pas spécialement intéressant : "[…] ", page 71).
Tout cela pour dire qu'une histoire, pas encore finie, est interrompue par un événement qui nous entraîne sur une autre histoire, qui elle-même sera interrompue pour revenir peut-être sur la première, ou bien partir sur une autre histoire, une considération… C'est une conversation à bâtons rompus, en somme. Tout cela reste globalement clair, nous ne sommes pas dans les histoires gigognes au huitième degré du Manuscrit trouvé à Saragosse (de Potocki), où l'auteur montre sa virtuosité ; avec Jacques, nous sommes dans le domaine de la frustration permanente. On voudrait connaître la suite… et on la connaîtra, mais pas dans l'immédiat.
Mais où en étions-nous, me direz-vous ?
Ah oui, le fatalisme (à ce propos, nous pourrions étudier l'influence de Jacques sur le fameux sketch des Inconnus "C'est ton destin"). Là où je n'y connais rien, c'est à quel point le fatalisme de Jacques, le fait que tout soit écrit d'avance, n'aurait pas un côté plus protestant que catholique. Si tout est écrit, y a-t-il prédestination ?
Dans sa préface, Yvon Belaval reste sur le terrain de la philosophie, et traite donc de Spinoza et Leibniz. Jacques et son maître sont plus philosophes que théologiens (c'est plus prudent, d'ailleurs).
Jacques le fataliste et son maître se présente essentiellement sous la forme d'un dialogue (ce qui explique qu'il y ait eu plusieurs adaptations théâtrales, notamment par Kundera).
Jacques est plein de bon sens. ("", page 51 ; "", etc.), et souvent plus finaud que son maître, même s'il a une grande culture et souvent une analyse fine (à propos de Socrate : "", page 110).
Mais, me direz-vous, où vont-ils, ces deux voyageurs ? Eh bien, pendant très longtemps, on n'en sait rien. On se demande d'ailleurs si on saura un jour. Mais ce n'est pas ça le principal. Toutefois, le lecteur posant la question de façon un peu insistante à Diderot, celui-ci nous dit :
"" (page 83).
On notera au passage qu'on ne s'est pas très éloigné du problème du libre arbitre et du destin.
A un moment, le cheval du Maître est volé. Il n'y a aucune note, mais on peut bien s'imaginer, pour peu qu'on ait lu Le Quichotte, qu'il s'agit là de la source d'inspiration retournée (puisque c'est la mule de Sancho Pança qui est volée). C'est de la frime de ma part, là, vous avez raison, ça n'apporte pas grand chose à la bafouille que vous lisez peut-être (si vous avez le temps). C'était juste une manière de commencer à critiquer un peu Yvon Belaval… car l'autre critique arrive dans un instant.
A un autre moment, dans une histoire, on sent qu'un complot machiavélique se prépare.
"" (page 174).
Eh oui ! Qu'il a raison, Jacques ! Même que si Yvon Belaval, qui a forcément lu le livre qu'il présente et annote, avait mis en pratique les enseignements de l'ouvrage, au lieu de simplement le lire et le comprendre (je suppose), il aurait fait comme Borges : des postfaces ! Au lieu d'analyser l'œuvre dans une préface qu'il ne faut bien sûr lire qu'après (au risque de manquer d'éléments intéressants, comme le contexte de l'écriture de Jacques), pourquoi n'a-t-il pas réparti son texte dans une préface et une post-face ? Et pitié, il faudrait arrêter les notes qui caftent ("comme on le verra plus tard blablabla", stop !).
Bon. Un peu plus haut, je disais que Jacques était plus finaud que son maître. Mais en fait, la psychologie et les comportements des deux personnages évoluent au fur et à mesure du roman, avec des incohérences (parfois même exposées par Diderot). Peut-être est-ce profond : le voyage, c'est la métaphore de la vie, et avec le temps qui passe, nous changeons… Ou peut-être juste parce que l'écriture du livre s'est étendue sur plusieurs années.
Bref.
Un très bon livre, plein d'aventures, d'histoires, ludique, avec en même temps des vrais morceaux de pensées dedans.
Un livre drôle et qui fait réfléchir.
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