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Charles-Ferdinand RAMUZ
(Lausanne, 24/09/1878 - Pully, 23/05/1947)
Ecrivain et poète Suisse, auteur de vingt-deux romans.
Il est entré dans La Pléiade.
On pourra trouver sa biographie sur Wikipedia.
La grande peur. Grasset. 204 pages. Le roman date de 1925-1926.
Le pâturage de Sasseneire – 2300 mètres d'altitude - n'est plus utilisé depuis vingt ans. Une malédiction pèserait sur ce lieu : il y a eu de nombreux morts, tant parmi les bêtes que parmi les hommes la dernière fois que le lieu de pâture a été utilisé.
Pierre Crittin, est cousin du Président du Conseil général. Il veut bien envoyer ses bêtes au pâturage là-haut. Toute cette bonne herbe… miam.
Il parle ainsi à son cousin :
"" (page 16)
Cela commence bien... l'opposition facile jeunes/vieux : les vieux savent, les jeunes veulent du passé faire table rase, et on se doute bien que l'équipée va mal se passer.
""… tu parles. Plus loin, en effet, on verra que parmi les volontaires pour y remonter, il y a un de ces "vieux". Et il y croit, le gars, d'autant plus qu'il avait fait partie de la précédente expédition qui avait tourné au désastre. Mais ce coup-ci, il se protège grâce à un papier qu'on lui a certifié magique.
Au fur et à mesure, on a tous les clichés du film/bouquin avec méchante bébête tapie dans un gouffre, un Alien planqué dans un coin, un groupe d'incrédules, et tout ce qui s'ensuit, mais catégorie film fauché.
Donc, après le cliché de l'opposition jeunes qui croient savoir/vieux qui savent, mais qui sont minoritaires, on fait connaissance avec les membres de l'expédition (un peu comme dans Alien vs Predator, quoi).
Le cahier des charges commence à se remplir avec l'opportuniste (un type appelé Clou).
Et puis on fait la rencontre de Joseph, un jeune qui aime d'amour sa dulcinée Victorine mais qui, hélas, n'a pas assez d'argent pour le mariage, et va donc devoir faire partie de l'expédition, et on sent à quel point Victorine ne veut pas qu'il y aille, mais elle ne dit rien ah là là ce que c'est beau et psychologiquement subtil ("ce roman qui tient de l'étude de mœurs" dixit la quatrième de couv').
Les deux jeunes gens "" (page 28 ). Pas mal, la comparaison.
Tout au long du roman, on retrouvera les montagnes qui deviennent roses (tous les soirs) et puis ce style particulier basé sur les répétitions.
"" (page 29).
Voilà, Joseph arrive à convaincre Victorine, presque par défaut.
"." (page 31).
Cela sent le dialogue daté de films français des années 30.
Tout ce petit monde (sept personnes au total) s'en va finalement là-haut, accompagné par les villageois, ça festoie un bon coup, puis les villageois repartent, laissant l'équipe de choc faire son travail de pâtre.
"" (pages 46-47).
La montagne ou la paroi qui semble s'avancer, c'est une image que Ramuz utilisera à de très nombreuses reprises dans l'ouvrage, le but évident étant de créer un climat oppressant, de mettre en évidence une volonté propre, dotée d'intentions hostiles, de la part du bloc de pierres.
Le chapitre suivant commence par : "" (page 49).
Tadaaam, l'échéance est fixée, la tension monte là-haut (ou essayer).
Il faut traire les vaches, faire du fromage, emmener les vaches paître où il convient (dans le cadre d'une bonne gestion des pâturages).
Evidemment, très rapidement, les choses vont aller de travers.
Il semble que l'on marche sur le toit pendant la nuit. Bruits bizarres, présence… le quotidien d'un amateur de slasher movie et d'Aliens divers.
"" (page 101). Qui ça, "il" ? de quelle créature démoniaque s'agit-il ? brrr… tremblez, lecteurs !
Mais voici que, déjà, "La" maladie apparaît : les vaches, contaminées, meurent les unes après les autres, les hommes paraissent faibles (on ne sait pas exactement si c'est à cause de la maladie ou du découragement).
Au village, on met en place un poste sur la route pour surveiller que ceux d'en haut ne descendent pas, et ne contaminent pas le village.
Nombre de villageois sont des caricatures : celui qui ne peut s'empêcher de remonter faire un peu de chasse (au passage : franchement, il a réussi à passer le poste à l'aller, mais s'il tire à tout va dans la forêt, est-ce qu'il ne pense pas que les villageois vont être un peu sur le qui-vive, et qu'il lui sera peut-être plus difficile de descendre ? ce sont des gens "simples", dit le Dictionnaire des Œuvres chez Robert Laffont. Simple, ça ne veut pas dire couillon, quand même) ; ou encore la dulcinée du petit jeune, dont on devine vingt pages avant les villageois ce qu'elle va faire tellement c'est évident ; et puis encore l'opinion publique qui se retourne comme un seul homme…
Mais le plus grave, c'est que les morts, non causées par la maladie, devraient être tous directement liés à la Montagne, ou à la peur qu'elle inspire. Or, le problème "technique" du chasseur n'a par exemple rien à voir. Ca fiche un peu tout en l'air. Je veux bien qu'il y ait une force obscure, quasiment tellurique… mais là ?
Je m'attendais à un texte qui serait un peu le pendant littéraire de Picnic at Hanging rock, le film de Peter Weir : une sacrée atmosphère…
Au bout du compte, on a un texte pas bien subtil, des personnages caricaturaux (je serais montagnard, je me sentirais presque offensé), des descriptions certes pas moches mais pas extraordinaires non plus, un style souvent basé sur des répétitions pour créer une certaine ambiance, et puis des montagnes roses, des bruits bizarres…
Certains moments sont très réussis (les vaches qui paniquent), mais ils sont bien peu nombreux.
Si on veut défendre ce livre, on pourra dire qu'il est précurseur, et qu'il pâtit de sa postérité, notamment cinématographique (Picnic at Hanging Rock, Alien, peut-être Descent, etc). Et si on accroche vraiment au style, peut-être que cela fait passer les nombreuses facilités du livre (je suppose, car sinon comment expliquer sa présence dans La Pléiade ? Et comment s'expliquer qu'il s'agisse de son roman le plus célèbre ? Aurais-je mauvais goût, finalement ?).
- Présence de la Mort. L'Aire bleue. 160 pages. Publié en 1922. Préface de Philippe Renaud.
"Chef-d'oeuvre méconnu", dit la quatrième de couv'.
Le livre commence ainsi : "." (page 13).
On a très rapidement plus d'explications, en fait un peu plus bas sur la même première page :
"" (page 15).
On retrouve le style de Ramuz, avec des répétitions. Et, tout comme dans La Grande Peur, les gens sont simples :
"" (page 22)
Le monde va mourir, au début les gens n'y croient pas, ils continuent leur petite vie. Ensuite ils y croient. On voit des scènettes, plutôt descriptives qu'actives, généralement. Il ne se passe quasiment rien, on voit un monde qui va mourir.
On a aussi quelques descriptions de la nature, tendance avalanche :
"" (pages 32-33).
D'autres passent à l'action, quand même.
"" (pages 99-100).
Comme souvent, ces formes grammaticalement curieuses...
Il y a de bons passages, notamment la "scène" de l'aviateur qui veut chercher du frais en altitude, mais c'est un livre qui tient uniquement sur le style : il n'y a pas d'histoire, pas de suspens, c'est une sorte de chronique d'une mort annoncée - globalement résignée. Pas de cris vers le ciel, pas de "Dieu est mort" une dernière fois, non.
Si on entre dans le livre, si on aime ce style, je conçois que ce puisse être très beau.
Mais je suis resté un peu à l'extérieur (mauvais moment de lecture ? c'était pourtant l'idéal : il faisait chaud), le temps m'a paru un peu long, alors que j'affectionne ces histoires de fin du monde, les hommes confrontés à leur disparition inéluctable et à brève échéance : que vont-ils faire ? que pensent-ils ? que regrettent-ils ? que ferait-on (que fera-t-on) à leur place ?
Malgré quelques rares personnes qui réagissent vraiment, ce n'est pas le sujet du livre : les paysans sont "simples" (trop ?), il n'y a pas de personnages forts, de portraits marquants, mais une succession de vignettes, de personnages qui viennent brièvement et qui repartent tout aussitôt.
Présence de la mort
n'est pas un roman, c'est plus une vision poétique, un peu abstraite, extérieure (inhumaine, dans le sens de plus proche de la nature, de l'espèce humaine vue de très haut plus que prise en particulier), presque une longue description, une élégie en prose qui aurait pour thème la fin de la Terre : pas celle des grands bâtiments de la ville, mais plutôt celle de la Nature : la forêt, les lacs et les montagnes.
Sans jeu de mots, on peut dire que la ville est hors champs ("", page 118 ; même quand on en parle, on ne la voit pas vraiment), les scientifiques, la presse à sensation, la rumeur du monde est mise à l'écart.
Divers :
Ramuz figure sur le billet de 200 Francs suisse émis en 1996.
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