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Hans FALLADA (Rudolf Ditzen)
(Greifswald, Poméranie, 21/07/1893 - Berlin, 05/02/1947)


hans fallada

"Le pseudonyme Hans Fallada fait référence à deux personnages des contes des frères Grimm : le héros de Hans im Glück et le cheval nommé Falada de Die Gänsemagd.
Ses romans décrivent la vie de petites gens.

De 1913 à 1928, il occupe des emplois divers dans ce secteur, sans être requis plus de quelques jours pendant la Première Guerre mondiale. Mais il a de nombreux problèmes : de 1917 à 1919, il suit plusieurs cures de désintoxication (alcool et morphine) ; par la suite, il est à plusieurs reprises mis en prison : 3 mois en 1924 et 2 ans et demi en 1926. [...]

Il connaît son premier succès en 1931 avec Paysans, gros bonnets et bombes (Bauern, Bonzen und Bomben), qui évoque les révoltes paysannes de Neumunster lors de la crise de 1928-1929.
Le roman suivant, Et puis après ? en 1932, dont la renommée dépasse cette fois les frontières allemandes, est une critique de la société allemande de l’entre-deux-guerres. Fallada y dépeint les déboires d’un jeune comptable, Johannes Pinneberg, représentant de la petite bourgeoisie travailleuse et honnête, qui, frappé de plein fouet par la grave crise économique qui touche l’Allemagne dans les années 1920, se voit aspiré dans l’engrenage du chômage et de la misère. En réponse au Et puis après ? du titre, le repli dans le cocon familial semble la seule issue.
[...]
En 1933, lorsque Hitler s'empare du pouvoir, Fallada subit une courte arrestation par la S.A. (11 jours), après avoir été dénoncé pour des propos tenus à Ernst von Salomon.[...]
Se consacrant à une littérature plus distrayante que critique, il bénéficie d'une tolérance du régime nazi, avec des conditions matérielles assez précaires. [...]

C'est alors [en 1944] qu'il entreprend la rédaction du roman Der Trinker, publié seulement en 1950, qui évoque le parcours de l’auteur lui-même, alcoolique et morphinomane depuis sa jeunesse. Il fait ensuite la connaissance d'Ursula Losch, qu'il épouse début 1945. Un membre important du SED, Johannes R. Becher, l’incite à venir à Berlin-Est ; Fallada travaille au journal Tägliche Rundschau, tout en continuant son travail de romancier : en 1946, il écrit Der Alpdruck et Seul dans Berlin (Jeder stirbt für sich allein), roman qui est, selon Primo Levi, « l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie ».

Hospitalisé en raison de ses problèmes d'addiction à Berlin-Niederschonhausen, Hans Fallada meurt d'un arrêt cardiaque le 5 février 1947. " (Wikipedia)

seul à berlin
Le 19 août 2016 à Zum Nussbaum, Nikolaiviertel, Berlin.

Seul à Berlin (Jeder stirbt für sich allein, 1947). Traduit de l'allemand par Laurence Courtois. Folio. 763 pages.
Il s'agit de l'édition intégrale, traduction de l'édition allemande de 2011, "
qui restitue les passages coupés et l'authenticité de l'écriture de Fallada, nous donnant enfin à lire sa vision globale, toute en nuance de gris." (à propos de cette édition, page 763). Un chapitre complet avait notamment disparu celui qui parle des activités d'Anna Quangel au sein de la ligue des femmes nazies. Pourquoi ?
"
Cette censure politique s'explique par la mission que s'était confiée la zone soviétique en Allemagne, future RDA : il fallait éduquer le peuple à l'aide d'exemples clairs et sans ambiguïté, parfois simplistes. Ainsi une héroïne de la résistance intérieure allemande ne pouvait pas avoir été du côté nazi." (page 763).

Nous sommes à Berlin, en 1940. La France vient de capituler. Otto, contremaître dans une usine, et sa femme Anna Quangel, un couple sans histoire, reçoivent une lettre : leur fils Otto est mort au front. C'est le déclic : Otto décide d'entreprendre quelque chose contre le régime. Quoi ? Ecrire des cartes postales pour dénoncer le régime, et les déposer là où elles pourront être lues...
Mais il risque d'être difficile de convaincre les gens, surtout après la défaite de la France. "
En ce qui concerne la guerre à proprement parler, elle se règle loin de Berlin, dans des pays étrangers. Oui, on voit de temps en temps quelques avions anglais qui survolent la ville. Quelques bombes tombent alors et la population fait le lendemain de grandes promenades pour aller voir les destructions. La plupart des gens rient et disent : « Si c'est comme ça qu'ils veulent nous liquider, il leur faudra cent ans, et encore on s'en apercevra à peine. Et entre-temps, on va aller raser leurs villes de la surface de la terre ! » [...] La plupart des gens courent après le succès." (page 155)
Et quand les gens ne courent pas après le succès, ils vont dans le sens que leur dicte la peur.

C'est la ligne de force principale du roman qui se focalise sur la vie des habitants d'un immeuble : une vieille femme juive, une famille bas de plafond très pro-nazie qui va vouloir prendre sa revanche sur la société grâce aux fils entrés dans les jeunesses hitlériennes, un magistrat à la retraite sévère mais juste, une factrice, son mari Enno - un bon à rien - qu'elle a mis à la porte...

Otto est un homme taciturne, intéressé uniquement par son travail, et qui n'aime pas les injustices
. Or, des injustices, ces derniers temps, il en voit de plus en plus. Par exemple, ceux qui appartiennent au Parti peuvent mal travailler sans être réprimandés...

L'histoire s'inspire de l'action réelle de Otto et Elise Hampel qui, pendant la Seconde Guerre Mondiale, ont écrit et déposé dans des lieux publics de Berlin des cartes dénonçant le régime nazi.
Leur dossier de la Gestapo a été donné à Hans Fallada peu après la fin de la guerre.

carte
Une des cartes postales de Otto Hampel

Fallada utilise des ressorts classiques pour créer de la tension, en anticipant fréquemment sur l'avenir pour renforcer la tension.
De plus, il dépersonnifie souvent les nazis : ce ne sont presque plus des hommes qui agissent, par exemple : "La chemise brune tapote sur la carte" (page 240).
Il y a également fréquemment de l'ironie : "Convivialité, tournées de boisson, décontraction joyeuse, repos bien mérité après s'être donné tant de peine à torturer ses semblables et à les mener à l'échafaud." (page 301)

Quelles vont être les réactions des gens lorsqu'ils découvriront les cartes ? Est-ce que l'action courageuse du couple va servir à quelque chose ?
L'inspecteur Escherich, chargé de l'enquête, parviendra-t-il à arrêter le couple Quangel ?

Ce gros roman comporte des personnages intéressants : Otto, Escherich, le voisin magistrat...
Mais à côté, il me semble y avoir des passages plus faibles, ceux où interviennent Barkhausen et Enno Kluge, deux hommes qui vivent de petites combines, de chantage, de jeux, de l'exploitation des femmes...
"La seule occupation d'Emil Barkhausen semblait se résumer à ça : rester planté là où il y avait quelque chose à voir et à entendre." (pages 27-28).
Ce ne sont vraiment pas des lumières. Ils sont souvent très, très bêtes, un peu caricaturaux. Le roman a été écrit en un peu plus d'un mois seulement, je ne vais pas chipoter.
Voici Barkhausen qui parle (mal) à un de ses fils :
"« J'm'en va te dire c'que j'vas t'donner. J'vas t'donner cinq marks, tout juste les cinq marks que cette pantoufle-là voulait avoir, et encore, je t'assure que tu vas êt' content ! Chuis pas comme ça, mais..." (page 389).
Je suppose qu'il n'est pas facile de traduire en français le parler populaire berlinois.

Outre la ligne de force principale (l'action courageuse - mais pour quel résultat ? - des époux Quangel), le lecteur suit donc le quotidien difficile des habitants de Berlin pendant la Seconde Guerre Mondiale (avec une incursion intéressante à la campagne), les compromis qu'ils font ou pas avec le régime ; mais aussi le fonctionnement de la justice, des prisons (par exemple, les prisonniers laissés enfermés dans les cellules lors des terrifiants bombardements, tandis que les geôliers sont réfugiés dans des abris)...


C'est vraiment un très bon livre, avec des passages très forts.


Il a été adapté plusieurs fois, pour le cinéma et la télévision. Le dernier film en date (2016), réalisé par Vincent Perez avec une distribution hélas anglophone, n'a pas reçu un très bon accueil. Mais aussi bons acteurs soient-ils, pourquoi avoir pris Brendan Gleeson et Emma Thomson, avec leurs accents, pour interpréter les héros ? Une question financière, sans doute...


 

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