Littérature Germanophone
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Marie Helene Haushofer est née le 11 avril 1920 à Frauenstein (Autriche). Les éléments biographiques suivants sont tirés essentiellement de la "lecture" par Patrick Charbonneau du roman Le Mur invisible. Marlen Haushofer est la fille d'un garde forestier et d'une femme de chambre. Elle obtient différents prix, notamment le Prix Arthur Schnitzler pour Le Mur invisible (1963) et le Grand prix national de Littérature autrichienne pour le recueil Une terrible fidélité (1968). Atteinte d'un cancer des os, elle meurt pendant une opération le 21 mars 1970. - Le Mur invisible (Die Wand, 1963, traduit en 1985 par Liselotte Bodo et Jaqueline Chambon). Babel. 342 pages. "Aujourd'hui cinq novembre je commence mon récit. Je noterai tout, aussi exactement que possible. Pourtant je ne sais même pas si aujourd'hui est bien le cinq novembre." (page 9). Dès le début, le ton est donné : un journal, une sorte de confession, et tout de suite on sait que quelque chose de très grave s'est passé, puisque la narratrice ne peut plus donner de date. "Le trente avril, les Rüttlinger m'invitèrent à les accompagner à leur chalet. J'étais veuve depuis deux ans, mes filles étaient presque adultes et je pouvais disposer de mon temps comme bon me semblait. A vrai dire je ne faisais pas grand usage de ma liberté. J'ai toujours été sédentaire de nature et c'est encore chez moi que je me suis toujours sentie le mieux." (page 13). Alors que la narratrice reste, Hugo et sa femme vont au village pour faire des courses. Comment la narratrice va-t-elle survivre, physiquement et psychologiquement en sachant que le monde est mort et l'a laissée derrière ? La lecture, notamment de romans policiers, a-t-elle encore un sens ? Comment l'absence de chocolat, de sucre, de dictionnaire, de musique, de livres, de peintures, bref de tout, va-t-elle influer sur son psychisme ? Doit-elle ressasser le passé, maintenant que le passé lui-même n'existe pour ainsi dire plus ? "Ce dix mai en me réveillant, je pensai à mes enfants, comme à des petites filles qui trottinaient main dans la main sur le terrain de jeux. Les deux autres à peine adultes, plutôt désagréables, peu aimantes, querelleuses, que j'avais laissées en ville, étaient devenues tout à fait irréelles. Ce n'était pas leur mort que je pleurais, mais uniquement celle des enfants qu'elles avaient été de longues années auparavant. Il est probable que ça paraîtra cruel, mais je ne vois vraiment pas à qui je devrais encore mentir aujourd'hui. Je peux me permettre d'écrire la vérité, tous ceux à qui j'ai menti pendant ma vie sont morts." (page 47) Tenter de survivre a-t-il même un sens ? "Je n'étais plus assez jeune pour envisager sérieusement le suicide." (page 47). Elle va se rapprocher des animaux, et notamment du chien des Rüttlinger, Lynx, dont on sait (procédé permettant de créer une certaine tension, page 34) qu'il est mort au cours d'un incident violent, auquel il sera plusieurs fois fait mention. On ne peut s'empêcher de faire des rapprochements avec des livres/films (par exemple, entre autres robinsonnades, Seul au Monde, le film de Zemeckis), mais ici l'espoir et le grand large ont disparu. Un livre très prenant, fait avec quasiment rien. Entre les événements du début et ceux de la fin (annoncés dès le début, mais sans doute pas le meilleur du roman), il ne se passe rien, toutefois l'intérêt est constant dans cette histoire de survie. Original, excellent, sans frime stylistique, la preuve que l'on peut faire de la littérature avec en apparence pas grand chose pour arriver à beaucoup.
- Dans la Mansarde (Die Mansarde, 1969 ; traduit en 1987 par Miguel Couffon ; Actes Sud, 226 pages). La narratrice a une tournure d'esprit intéressante : "Je remarquai alors que le couteau à pain était posé sur la table la lame dirigée vers le haut. Je le retournai immédiatement. Un couteau ne doit jamais être posé ainsi car les âmes du purgatoire doivent alors danser sur le fil de la lame. Cette pensée me poursuit depuis l'enfance. Je ne sais pas qui m'a raconté cette histoire. Je ne crois pas au purgatoire mais l'idée que des âmes soient obligées de chevaucher la lame de mon couteau m'est insupportable." (page 124). Un très bon roman, pas très gai, mais moins bon quand même que Le Mur Invisible. La différence, peut-être, entre une situation extraordinaire, et une situation ordinaire.
- Le Mur invisible (Die Wand, 2012) de Julian Pösler. 1h48. Avec Martina Gedeck. Prix Oecuménique au Festival de Berlin 2012.
Nous sommes donc en Autriche. Une femme, qui devait passer quelques jours dans un chalet, se trouve coincée car un grand mur invisible l'empêche de regagner la civilisation... ou ce qu'il en reste, peut-être. Car tous les humains semblent morts au-delà de ce mur protecteur. Quelqu'un viendra-t-il la libérer ? Survivra-t-elle ? Trouvera-t-elle une sortie ? Arrivera-t-elle à conserver un équilibre psychologique ?
"Qu’est-ce qui était important pour vous concernant la représentation du mur ? Pourquoi alors avoir enlevé ces passages du livre ? Là, c'est réussi. On sent qu'il a pris du temps pour faire le film, c'est très bien. Les saisons passent ; on navigue également entre le le passé (le début de sa réclusion) et le présent (l'écriture du journal). "Vous avez aussi dressé votre propre chien Luchs pour le film ? L'évolution des relations entre le chien et la femme est très bien rendue. Ils ne se connaissent pas, au début, chacun regarde l'autre, elle hésite à le toucher. Très vite, c'est la complicité, l'amitié. Même s'il faudra du temps avant que le chien, semble-t-il, ne craigne plus que sa maîtresse ne disparaisse. Pour conclure, le film n'est pas mauvais du tout mais aurait facilement pu être meilleur en restant moins à la surface. Amusant (si l'on peut dire) : le chat "Perle" dans la traduction française, est "Pearl" dans le film... Sans doute la traduction des sous-titres a-t-elle transité par l'anglais.
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