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HESSE Hermann
(Calw, Allemagne, 02/07/1877 - Montagnola, Suisse, 09/08/1962)

 hermann hesse

Hermann Hesse, en 1927. Photo de Gret Widmann.



Hermann Hesse était un écrivain allemand, puis suisse. Prix Nobel de littérature en 1946.

Né en 1877, il est issu d'une famille de missionnaires protestants. Il s'enfuit du couvent où sa famille l'avait placé pour faire de lui un théologien.
Après avoir travaillé pendant un temps comme apprenti horloger, il travaille dans une librairie à Tübingen. Il lit.
En 1899, il travaille dans une librairie à Bâle, en Suisse.
Il publie Peter Camezind en 1904, roman qui lui apporte la célébrité. Il se marie, connaît une crise de créativité. "Il s'est définitivement libéré de sa famille, mais souffre cependant de la pression sociale ; il se sent incapable de s'habituer jamais aux conventions de la société, au bonheur conjugal. Il est tourmenté par le sens de la vie. Aussi son mariage ne sera-t-il qu'une malheureuse tentative opprimant, sans pavernir à la vaincre, la vocation esthétique de Hermann Hesse, qui ne trouvera finalement de salut que dans l'évasion." (Dictionnaire des Auteurs, Robert Laffont).
Il fait un voyage en Inde.
C'est la Première Guerre Mondiale. Il est déclaré inapte au combat. Il travaille à l'ambassade d'Allemagne, à Berne. Il publie un article "dans lequel il appelait les intellectuels allemands à ne pas tomber dans les polémiques nationalistes. Il en résulte ce que Hesse qualifia plus tard de grand tournant de sa vie : pour la première fois, il se retrouva au milieu d'une violente querelle politique, la presse allemande l'attaqua, il reçut des lettres de menace et de vieux amis se désolidarisèrent de lui." (wikipedia).
A la suite de problèmes familiaux (décès de son père, schizophrénie de sa femme...), il suit une psychothérapie qui semble porter ses fruits : il rédige Demian en 1917.
C'est le premier roman de sa "seconde période" (la guerre est passée par là).
La première période comprenait des romans de formation (Bildungsroman) psychologiques et réalistes : Peter Kamezind (1904), L'Ornière (1905), Gertrude (1910), Rosshalde (1914).
Avec Demian commence donc un nouvelle période, plus allégorique et magique : Demian (1919), Siddharta (1922), Le Loup des Steppes (1927), Narcisse et Goldmund, et Le Jeu des perles de verre (1943).
"Sous diverses formes Hesse n'a traité qu'un seul sujet : l'homme à la poursuite de lui-même" (Marcel Schneider, préface à Demian, Le Livre de poche)

Après la guerre, il continue à écrire, il peint. Il publie donc Siddharta en 1922, et épouse une Suissesse. Il acquiert la nationalité suisse en 1924.
Puis, c'est Le Loup des Steppes (1927).
"Les poèmes et les romans de Hesse lui avaient attiré l'admiration de quelques-uns, mais non l'adhésion d'un vaste public, det cela même dan les années où il éitatle maître à penser de la jeunesse allemande en désarroi, c'est-à-dire entre 1920 et 1930. Peu soucieux des gloires mondaines, Hesse ne s'en chagrinait pas." (Marcel Schneider, préface à Demian, Le Livre de poche).
"Peu après le succès de son roman, la vie du solitaire loup des steppes Hesse prit un nouveau tour par sa relation avec Ninon Dolbin, originaire de Czernowitz en Bukovine, et qui devint plus tard sa troisième femme." (wikipedia). Il écrit le roman Narcisse et Goldmund (1930).

Sa dernière grande oeuvre est Le Jeu de perles de verre (1943).
"Hesse essaya à sa manière de contrer l'évolution de l'Allemagne : il publiait déjà depuis des décennies des comptes rendus de lectures dans la presse allemande, désormais il s'y exprima plus fortement pour les auteurs (juifs ou non) pourchassés par les nazis. À partir du milieu des années 1930, aucun journal allemand ne publia des articles de Hesse. Le refuge spirituel de Hesse contre les querelles politiques et plus tard contre les nouvelles terribles de la Seconde Guerre mondiale était le travail sur son roman Le Jeu des perles de verre, imprimé en 1943 en Suisse. C'est en grande partie pour cette œuvre tardive que lui fut décerné en 1946 le Prix Nobel de littérature. [...]
"Après la Seconde Guerre mondiale, la créativité de Hesse déclina : il écrivit encore des nouvelles et des poèmes, mais plus aucun roman. Il était par ailleurs sollicité par un flot intarissable de lettres, ce qui était le prix de sa gloire renouvelée auprès d'une nouvelle génération de lecteurs allemands, qui cherchaient aide et conseil auprès du « vieux sage » de Montagnola."
Pour plus de détails, voir l'article de Wikipedia.
hesse à montagnola
Hesse à Montagnola.

"On n'a guère attention de nos jours que pour les explosifs, et les écrits tempérés font long feu. Lorsqu'ils ont une vertu réelle, ce n'est qu'après quelques années que se propage et s'élargit leur sillage", écrivait Gide dans sa préface au Voyage en Orient de Hesse. Siddharta aura connu un extraordinaire succès posthume aux Etats-Unis : "La jeunesse hostile à la civilisation occidentale, qu'elle accuse de matérialisme, demande l'aide de l'hindouisme et du bouddhisme. [...] Est-ce le primat de la méditation et le pacifisme intégral de Hesse qui font sa faveur dans la jeunesse contestataire américaine ?" (Marcel Schneider, préface à Demian, Le Livre de poche).


narcisse et goldmund
Couverture : fresque de Benozzo Gozzoli, Cycle de saint François d'Assise : la Mort du seigneur de Celano (détail), 1452. San Francesco, Montefalco.

Narcisse et Goldmund (1930 ; 252 pages). Récit traduit de l'Allemand en 1948 par Fernand Delmas.

"Devant l'arc en plein cintre supporté par des colonnes doubles qui donne accès au couvent de Mariabronn, un châtaignier, fils esseulé du Midi, apporté là jadis par un pèlerin revenu de Rome, dressait tout au bord du chemin son tronc puissant. Sa couronne arrondie s'étendait au-dessus de la route en un geste de tendresse et respirait dans le vent comme une poitrine qui s'enfle. Au printemps, alors que tout, autour de lui, était déjà verdoyant et que les noyers du cloître avaient eux-mêmes revêtu leur jeune feuillage rougeâtre, ses feuilles se faisaient attendre longtemps encore." (page 7).
Oh, il doit y avoir du symbole là-dedans : la sagesse, ou la connaissance, ou ce que l'on veut, qui vient plus ou moins vite... mais qui finit par venir.

Nous sommes au Moyen-Age.
"A l'époque dont nous parlons il se trouvait également au monastère de Mariabronn deux figures originales : un vieillard et un jeune homme. Parmi la foule des frères qui remplissaient les promenoirs, les chapelles et les salles de classe, il en était deux dont tous connaissaient l'existence et vers qui tous tournaient leurs regards. Il y avait l'abbé Daniel, le vieillard, et l'élève Narcisse, le jeune homme qui venait de commencer son noviciat et que, contrairement à toutes les traditions, en raison de ses dons exceptionnels, on employait déjà comme professeur, surtout en grec. De tous deux, l'abbé et le novice, on faisait grand cas dans la maison, on les observait, ils suscitaient la curiosité, l'admiration, l'envie - et on en médisait aussi en secret." (page 9).

Puis, Goldmund arrive. Il est beau, il devient l'élève de Narcisse, et son ami.
Il est moins intellectuel, mais plus spontané, créatif. Narcisse et Goldmund, c'est en somme deux façons d'envisager la vie : l'approfondissement de soi par l'étude, ou la découverte du monde - et forcément de soi, en réaction ou en résonnance avec ce monde - , avec ses joies et ses horreurs (les horreurs du Moyen Age !).
Narcisse réprime l'attirance qu'il a pour Goldmund.
"Il discernait la véritable nature de Goldmund et la comprenait à fond, car elle était une moitiée perdue de sa propre nature." (page 28).
Et il ne croit pas que Goldmund soit fait pour une vie d'ascèse.
Narcisse doit faire en sorte que Goldmund s'en rende compte lui-même, il doit "restituer à son ami sa nature vraie." (page 28).
"L'amour de Dieu, dit-il lentement en cherchant ses mots, n'est pas toujours la même chose que l'amour du bien. Ah! si seulement la vie était aussi simple que cela ! Ce qui est bon, nous le connaissons ; c'est dans les commandements. Mais, sais-tu, Dieu n'est pas seulement dans les commandements. Ils constituent une toute petite partie de son immensité. Tu peux être en règle avec les commandements et te trouver bien loin de Dieu ! [...]
Mais je ne suis nullement semblable à toi. Je vais te dire aujourd'hui une parole à laquelle tu penseras un jour. Je te dis « Notre amitié n'a pas d'autre but, n'a pas d'autre sens, que de te montrer comme tu es absolument différent de moi. »
Goldmund resta interdit.
" (pages 30-31).

Narcisse continue à réfléchir à propos de son ami :
"Pourquoi donc cet être sentimental, cet homme aux sens affinés et riches qui pouvait éprouver si intensément le charme d'une fleur, d'un lever de soleil, d'un cheval, d'un vol d'oiseau, d'une musique, et les aimer, pourquoi s'acharnait-il à vouloir être un intellectuel et un ascète ?" (page 33).
Plus loin, il s'explique avec son ami :
"« Bien sûr, poursuivit Narcisse, les natures du genre de la tienne, les hommes doués de sens délicats, ceux qui ont de l'âme, les poètes, ceux pour qui toute la vie est amour nous sont presque toujours supérieurs, à nous, chez qui domine l'intellect. Vous êtes, par votre origine, du côté de la mère. Vous vivez dans la plénitude de l'être. La force de l'amour, la capacité de vivre intensément les choses est votre lot. Nous autres, hommes d'intellect, bien que nous ayons l'air souvent de vous diriger et de vous gouverner, nous ne vivons pas dans l'intégrité de l'être, nous vivons dans les abstractions. A vous la plénitude de la vie, le suc des fruits, à vous le jardin de l'amour, le beau pays de l'art. Vous êtes chez vous sur terre, nous dans le monde des idées. Vous courez le risque de sombrer dans la sensualité, nous d'étouffer dans le vide. Tu es artiste, je suis penseur. Tu dors sur le coeur d'une mère, je veille dans le désert. Moi, c'est le soleil qui m'éclaire, pour toi brillent la lune et les étoiles. Ce sont des jeunes filles qui hantent tes rêves ; moi, ce sont mes écoliers... »" (page 40).

Bien sûr, Goldmund ne va pas résister à l'appel de l'extérieur, à la tentation de découvrir le monde, ce monde du Moyen Age, plein de beautés et d'horreurs.

Un excellent roman, on peut aller jusqu'à dire qu'il s'agit d'un chef-d'oeuvre, avec de la vraie profondeur (contrairement à la superficialité creuse pratiquement new-age de Siddharta, qu'il dépasse de cent coudées au bas mot) sur les différentes façons de vivre une vie, de trouver sa place dans le monde, de se réaliser, sur la condition de l'Homme, et aussi sur l'importance de l'Art.


durer
Albrecht Dürer (1471-1528), Betende Hände, 1508.

demian
En couverture : dessin d'Egon Schiele

Demian. Histoire de la jeunesse d'Emile Sinclair (1925 ; 186 pages). Traduit de l'allemand par Denise Riboni. Revu et complété par Bernadette Burn. Préface de Marcel Schneider.
En exergue, on trouve une citation de la page 114 : "Je ne voulais qu'essayer de vivre ce qui voulait spontanément surgir de moi. Pourquoi était-ce si difficile ?"

"Alors que [Goethe] prônait en son temps la spécialisation et la technique, Hesse réclame la culture universelle. Alors que la morale de Wilhelm Meister se résume à « Renonce et sois utile », Hesse ne conseille que le silence et la méditation. C'est par la méditation, la plongée en soi-même (Versenkung) que selon le principe hindou on parvient à la sagesse, au bonheur et à la perception de ce qui constitue le but suprême : l'unité cachée, l'identité de l'univers et de l'esprit humaine." (Marcel Schneider, préface).
Hesse avait publié ce roman sous un pseudonyme, Emile Sinclair, car "ce roman marquait une étape nouvelle dans sa vie d'adulte en crise et portait l'empreinte de sa rencontre avec la psychanalyse.
Si l'on a affirmé que Demain était une oeuvre magique, c'est qu'elle est placée sous le sceau du rêve.
" (Bernadette Brun, notice, page 15)

Emile Sinclair écrit, avant de commencer : "Mon histoire n'est pas agréable à lire. Elle n'est pas douce et harmonieuse comme les histoires inventées. Elle a un goût de non-sens, de folie, de confusion et de rêve, comme la vie de tout homme qui ne veut plus se mentir.
La vie de chaque homme est un chemin vers soi-même, l'essai d'un chemin, l'esquisse d'un sentier. Personne n'est jamais parvenu à être entièrement lui-même ; chacun, cependant, tend à le devenir, l'un dans l'obscurité, l'autre dans plus de lumière, chacun comme il peut.
" (page 20).

Et c'est le début : "Je commence mon histoire par un événement de l'époque où, âgé de dix ans, je fréquentais le gymnase de notre petite ville. [...] Là, deux mondes se croisaient ; de deux pôles venaient le jour et la nuit.
L'un de ces deux mondes était la maison paternelle mais il était même encore plus étroit ; à proprement parler, il ne comprenait que mes parents.
" (page 21).

C'est un monde doux, lumineux, on y trouve de l'amour et de la sévérité. Les manières sont polies, on chante des chorals...
"Il y avait le devoir et la faute, la mauvaise conscience et la confession, le pardon et les bonnes résolutions, l'amour et le respect, la parole sainte et la sagesse. C'est en ce monde-là qu'il fallait demeurer pour que la vie fût claire et nette, belle et bien ordonnée.
L'autre monde, par contre, qui commençait déjà dans notre maison même, était complètement différent. Il avait une autre odeur, un autre langage, d'autres promesses et exigences. Dans ce deuxième monde, il y avait des servantes et des artisans, des histoires de revenants et des bruits scandaleux. Un flot bigarré de choses monstrueuses, attirantes, effrayantes, énigmatiques s'y écoulait. Il y était question d'abattoir et de prison, d'ivrognes et de femmes querelleuses, de vaches qui vêlaient, de chevaux qui s'étaient abattus, de vols, de crimes, de suicides. Toutes ces choses belles et terribles, sauvages et cruelles se passaient tout autour de nous, dans la rue voisine, dans la maison voisine
[...] " (pages 21-22).
"Par moments, je savais que mon but dans la vie était de devenir semblable à mon père et à ma mère, pur, honnête, supérieur comme eux, menant comme eux une vie bien ordonnée ; mais, jusque-là, le chemin était bien long." (page 23).
Et ce chemin passe par forcément par l'extérieur, le royaume du côté sombre.

Emile Sinclair est tenté par ce deuxième monde : il est très attirant, mais en même temps, il lui fait peur. Déjà, à l'école, il est tourmenté par un mauvais garçon qui lui fait du chantage...

Mais bientôt Demian entre en scène. C'est un élève plus âgé que lui, qui est dans une classe supérieure, et pourtant des liens se nouent entre les deux garçons. Demian est mystérieux, calme, fort, sûr de lui, il semble être sans âge... Il est différent des autres garçons, il a des idées très originales. Par exemple, il lui parle de Caïn :
"[...]Les gens courageux, les gens qui ont une forte personnalité, sont toujours peu rassurants. Qu'il existât une race d'hommes hardis, à la mine inquiétante, était fort gênant. Aussi, leur donna-t-on un surnom et l'on inventa ce mythe pour se venger d'eux et pour se garantir de la frayeur qu'ils inspiraient. Comprends-tu ?
- Oui... c'est-à-dire... Alors Caïn n'aurait pas été un méchant et l'histoire de la Bible serait fausse ?
- Oui et non... de si vieilles histoires sont toujours vraies, mais elles ne sont pas toujours aussi frappantes et ne sont pas toujours expliquées dans leur véritable sens. Bref, je considère Caïn comme un fameux ype, et j'estime que c'est uniquement à cause de la crainte qu'il inspirait qu'on a inventé toute cette histoire. A l'origine, l'histoire n'était qu'un bruit qui courait parmi les gens, mais il est certain que Caïn et ses enfants portaient une sorte de « signe » et qu'ils étaient autres que la plupart des hommes. »
J'étais très étonné.
« Et son meurtre, crois-tu aussi qu'il ne soit pas vrai ?
- Oh ! que si ! Bien sûr, c'est vrai ! Le fort avait tué un faible. Que ce fût vraiment son frère, on peut en douter ; en somme, cela n'a aucune importante : tous les hommes sont frères.
" (pages 44-45).

Plus loin, toujours à propos de la Bible, nos deux amis discutent de la crucifixion, et de la conversion du "bon larron". C'est Demian qui parle :
"Il a été un criminel ; il a commis Dieu sait quelles actions monstrueuses, et maintenant, il larmoie sur ses péchés et manifeste un repentir pleurard. Quelle valeur peut avoir, à deux pas de la tombe, un tel repentir, je te prie ? Mais ce n'est là qu'une histoire, inventée par les prêtres, douceâtre et malhonnête, onctueuse, attendrissante avec un arrière-fond édifiant. Si, aujourd'hui, tu avais à choisir parmi ces deux larrons, auquel des deux accorderais-tu plutôt ta confiance ? Certes, non à ce converti pleurnichard, mais à l'autre. C'est là un type ! Il fait preuve de caractère. Il se moque d'une conversion, qui, vu sa situation, ne serait que belles phrases et, au dernier moment, il ne renonce pas lâchement au Diable qui a dû l'aider jusqu'à ce moment-là. C'est un caractère et, dans la Bible, les gens de caractère ne trouvent guère leur compte." (pages 75-76).

On en arrive ainsi à l'une des passages importants : la marque de Caïn :
"Que l'on vénère ce Dieu Jehovah, je n'y vois aucune objection. Mais il me semble que nous devrions vénérer tout ce qui existe et considérer comme sacré l'univers tout entier, pas seulement cette moitié officielle, artificiellement détachée du tout. Aussi, devrions-nous, outre le culte de Dieu, célébrer le culte du Diable, ou plutôt, l'on devrait avoir un Dieu qui contînt le Diable en lui, et devant lequel l'on n'eût pas à fermer les yeux quand se passent les choses les plus naturelles du monde." (pages 76-77).
Et, page 103 : "[...] la vie d'un débauché est la meilleure préparation à la vie d'un mystique." Il importe donc de connaître tout de la vie.
Cette divinité qui mêle le bon et le mal, Hesse l'appelle Abraxas (et apparemment Carlos Santana l'a repris de Demian, pour le titre de son album...).

Mais qui est donc Demian, au juste ?
"Je me souviens seulement qu'on disait la mère de Demian très riche. C'étaient des juifs, disait un autre ; mais ce pouvaient être aussi des musulmans qui pratiquaient leur religion en secret. Des légendes couraient au sujet de la force physique de Demian." (page 47). C'est très mystérieux... fait-il partie d'une secte ? N'est-il qu'un libre-penseur ?

Demian commence un très bon roman de "formation" : Emile Sinclair se cherche, il est tenté par les deux mondes, il préférerait intellectuellement le calme et la lumière, mais le monde sombre est tellement tentant...
Puis, vers la page 100, à partir du chapitre L'oiseau cherche à se dégager de l'oeuf, le lecteur se retrouve pris dans des rêves, leurs interprétations fumeuses... Hesse en fait trop.

Parfois, ça reste bien :
"Des hommes comme vous et moi sont bien solitaires, mais ils possèdent la compensation secrète d'être autres, de se rebeller, de vouloir l'impossible. A cela aussi il faut renoncer quand on veut parcourir son chemin jusqu'au bout. Il faut arriver à ne vouloir être ni un révolutionnaire, ni un exemple, ni un martyr. C'est inconcevable." (page 149).
Et d'autres fois, c'est un peu poussé :
"Bien plus, nous sentons que s'exprime en nous cette même Divinité indivisible, à l'oeuvre dans la nature, et nous nous rendons compte que si le monde extérieur s'écroulait, l'un de nous serait capable de le réédifier, car les montagnes et les fleuves, les arbres et les feuilles, les racines et les fleurs, tout ce qui est dans la nature, est préexistant en nous, naît de notre âme dont l'essence est éternité et nous reste inconnue ; mais elle se révèle à nous le plus souvent comme force d'amour et de création." (pages 123-124).

Et Hesse/Sinclair pousse encore plus loin, jusqu'à ce que le texte finisse par ressembler à de la SF (tendance la Tour Interdite, du cycle de Ténébreuse, de Marion Bradley). Il aurait sans doute pu se dispenser de la couche de pouvoirs psy...

C'est donc un bon roman, mais qui aurait pu être bien meilleur si la psychanalyse et le fumeux n'étaient pas venus obscurcir la deuxième moitié du livre.


Le dernier roman en date de Murakami Haruki (1Q84) a fait décoller les ventes de la Sinfonietta de Janacek au Japon ; d'autres, grâce à Demian (page 122), ont écouté la Passacaille en ré mineur BuxWV161 de Buxtehude (1637-1707) :

On pourra écouter une très belle version pour deux clavecins (par Pierre Hantaï et Skip Sempé) sur http://www.youtube.com/watch?v=knwatLIHd60.



Deux photos des années 1950 trouvées sur http://felixnadarroom.blogspot.com/2010/07/hermann-hesse-portraits-by-martin-hesse.html

 

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