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OTT Karl-Heinz
(Ehingen, Donau, Baden-Württenberg, Allemagne, 1957 - )

 

 

Karl-Heinz Ott a fait des études de Philosophie, de Lettres Allemandes et de musicologie.
Il a été conseillé dramaturgique à Fribourg, puis à Bâle et à Zurich.
En 1998, il publie son premier roman, Ins Offene (prix Hölderlin).
Depuis 2006, il est membre de l'Académie des sciences et de la littérature de Mayence.


enfin le silence

- Enfin le silence (Enlich Stille, 2005). 236 pages Phébus. Traduit de l'allemand par Françoise Kenk.

Le narrateur, professeur de philosophie spécialiste de Spinoza, fait un voyage aux Pays-Bas. A Amsterdam, il achète "un livre intitulé Zestien manieren het neen te vermijden : Seize manières d'éviter de dire non, bien que je comprenne à peine le hollandais, et ces quelques bribes probablement de travers." (page 7). Un guide traduit du japonais, en plus. Ca commence bien.

Sur le chemin du retour chez lui, à Bâle, il décide de s'arrêter à Strasbourg.
"Mais, ensuite, j'avais rencontré cet homme à la sortie de la gare de Strasbourg, plus exactement, nous avions marché côte à côte sur le quai, monté et descendu les escaliers, traversé le hall d'entrée côté à côte, comme si nous étions ensemble, puis, arrivés au porche devant la grande place nue, sans un arbre, nous posâmes nos bagages au même instant, comme sur une indication chorégraphique, et chacun regarda droit devant soi comme pour tirer ses plans, c'est là qu'il me demanda « Vous aussi, vous cherchez un hôtel ? » Maintenant, quatre mois après, il va me falloir vivre avec l'idée que cette rencontre s'est avérée plus importante que toutes celles de ma vie antérieure et qu'il me sera moins facile que pour tout autre d'effacer cet homme de ma mémoire." (pages 9-10).

Cet homme, un certain Friedrich, se révèle être un pot de colle, tendance Boudu sauvé des eaux - le film de Renoir - intellectuel. Pianiste (ou se prétendant tel), il peut être charmant et discourir sur de nombreux sujets, avec une prédilection pour la musique, et surtout Schubert.
"Il pouvait discourir inopinément sur la vie sexuelle, les sites de nidification, les itinéraires de vol et le comportement à la chasse des éperviers, aigles, chouettes et autres geais, sans qu'on le lui ait demandé ni que personne ait prononcé le moindre mot en rapport avec ce sujet.". Il peut parler de même "des types d'avions, de la culture inca et des périodes de rut chez l'ours, sans qu'apparaisse clairement ce qui l'intéressait dans des domaines aussi éloignés." (page 122)
C'est un beau parleur, un charmeur - quand il le veut bien.

Notre professeur de philo est incapable de lui dire non. Il a toujours été mou, il cherche à éviter les tensions, sauf avec sa compagne Marie - qui d'ailleurs l'a quitté :
"Elle m'avait toujours méprisé pour ma manière feutrée de dire non, me reprochant d'éviter les désagréments par des subterfuges au lieu d'adopter une attitude claire." (page 61).

Après une nuit terrible qui fait parfois un peu penser à After Hours (le film de Scorsese), notre narrateur parvient à prendre la fuite. Est-ce la fin pour autant ?

"Rien, me persuadais-je, absolument rien ne m'empêcherait à l'avenir de me lever et de m'en aller si une situation semblable s'ébauchait seulement." (page 55-56).
Il refoule cette histoire, se persuade que la chiffe molle, ce n'était pas vraiment lui.

Depuis que Marie l'a quitté, il s'est encore plus replié sur lui-même et le petit train-train de sa vie. Il a perdu l'enthousiasme de la jeunesse :
"J'ai presque le coeur lourd en repensant à ces débats auxquels le professeur de latin conviait autrefois les élèves en dehors des cours. Je faisais alors partie des plus jeunes, je ne prenais jamais la parole et je ne comprenais pas grand-chose au idées qui circulaient dans la salle, mais j'étais profondément impressionné par la manière dont on parlait ici du temps et de l'éternité, de l'être et de l'apparence, du destin, de la liberté, de la connaissance , de l'esprit et de l'âme. [...] A cette époque, je m'imaginais plus tard méditant des nuits entières à une table sous le halo de la lampe, retiré tel un moine dans la mansarde, tentant de percer les mystères de choses dernières. Mais depuis que cet état faire mon quotidien, ces questions ont perdu de leur acuité, elles se sont transformées en un jeu où de multiples réponses se contredisent à volonté." (pages 101-102).

Il a conscience d'être une bonne pâte, et d'être considéré par les autres comme tel. "Mais quand la colère me prend, je me mets à craindre moi-même de ne pas me contenter de casser des verres et des chaises." (page 103).

Il n'empêche qu'il devient une grosse larve.
"Mais les choses avaient suivi leur propre cours, comme guidées par une main étrangère, obéissant en quelque sorte à une loi qui ne se souciait nullement de mon assentiment. Pourtant, je m'attribuais toute la faute, je me mortifiais comme nullité servile, et au milieu de ces autoaccusations continuelles, l'unique apaisement me venait de l'idée que, si l'on n'était pas dans ma peau, on ne pouvait juger de ce qui, dans cette histoire, était la cause et l'effet, même si, au nom du bon sens, on se sentait obligé - ce qui se conçoit aisément - de me traiter de débile incompréhensible, inexcusable, inadapté à la vie. Cette vision des choses laisse toutefois à désirer, ne serait-ce que parce que, après une série d'humiliations, j'ai toujours su me venger secrètement de faire face aux déconvenues." (pages 167-168).

Comme on le voit, c'est vraiment petit. Tu m'as embêté, je te fais un croche-pieds par derrière. Voilà un homme qui sait prendre ses responsabilités.
Le narrateur peut être très énervant à force de se lamenter de ne pas savoir dire non - "demain, je dis non", pour plagier une publicité - , mais c'est en même temps assez drôle (mais pathétique) de voir Friedrich dépasser les bornes les unes après les autres et menacer de détruire totalement la vie de notre philosophe.

Que veut dire le livre (s'il veut dire quelque chose, bien sûr) ? Qu'à force de nier le libre arbitre, de s'en reporter à la fatalité, on n'a que ce qu'on mérite si l'on se laisse marcher sur les pieds par ceux qui prennent les choses en mains ? Qu'à force de théoriser à tout va et de parvenir à des "réponses [qui] se contredisent à volonté", on finit par ne plus savoir que faire ?

En fait, le narrateur a une grande peur : celle de paraître impoli vis-à-vis de Friedrich. Il se préoccupe de façon démesurée de ce que le fâcheux peut penser de lui. Et encore, qu' à l'apparence de ce qu'il peut penser, puisqu'ils jouent à un jeu de dupes. Et à cause de cela, de ce qu'un inconnu peut apparemment penser de lui, il met en péril sa réputation, sa carrière.
Autre élément étrange : Friedrich aime bien toucher le narrateur. Il l'attire à lui, lui met la main sur l'épaule, etc. Est-ce une façon de s'assurer un ascendant ? Y a-t-il autre chose ?
Ou bien tout ceci n'est-il qu'une pochade, sur le thème : que se passerait-il si un spécialiste de Spinoza abdiquait son libre arbitre ?

Un roman intéressant, souvent amusant, à condition de ne pas trop s'attacher au narrateur (mais de toute façon, on a souvent envie de le baffer, pour son bien), qui passe de mauvais moments...



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