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SCHILLER, Friedrich von
(Marbach am Neckar, Allemagne, 10/11/1759 - Weimar, 09/05/1805)

 

Il étudie le droit, puis la médecine." En 1781, il publie Les Brigands anonymement. En 1782, Schiller, médecin militaire, se retrouve en détention quelques jours à Asperg pour cause d’éloignement non autorisé (presque de la désertion). Il était allé assister à Mannheim à la représentation de sa pièce Les Brigands sans autorisation.
En 1783, il travaille comme bibliothécaire et obtient un contrat jusqu’en 1785 comme poète de théâtre à Mannheim. Pendant quelques années, il déménage souvent (Leipzig, Dresde, Weimar) et rencontre pour la première fois Johann Wolfgang von Goethe en 1788. [...]
Il prend avec Goethe la direction du théâtre de la Cour grand-ducale qui se place très vite à la pointe de la scène théâtrale allemande, permettant une renaissance du genre dramatique. En 1802, il est anobli : la particule « von » est ajoutée à son nom. Il reste à Weimar jusqu’à sa mort d’une dégénérescence pulmonaire, à l’âge de 45 ans. "

source : wikipedia

Il est l'auteur de la phrase : "Contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain." ( in Die Jungfrau von Orléans, 1801), reprise par Isaac Asimov dans son livre "Les Dieux eux-mêmes".

Ça n'est pas très important, mais ça me permet de parler d'Asimov sur la page de Schiller. Et Wikipedia ne le mentionne pas. Par contre, Wikipedia nous apprend que : "Parmi les grands admirateurs de Schiller, on trouve Fedor Dostoïevski mais aussi Beethoven, Giuseppe Verdi et Thomas Mann."

Les Brigands (Die Räuber ; 180 pages). Traduit et postface de Sylvain Fort.

C'est un drame.
En exergue, on peut lire une phrase d'Hippocrate :
"Quae medicamenta non sanant,
ferrum sanat,
quae ferrum non sanat,
ignis sanat.
"

Comme si on était dans un livre d'Umberto Ecco, il n'y a pas de traduction. Qu'à cela ne tienne, le lecteur poursuit.

L'action se déroule "En Franconie. Une salle dans le château des Moor.
Franz. Le vieux Moor."
FRANZ. Mais vous, père, vous sentez-vous bien ? Vous avez l'air si pâle.
LE VIEUX MOOR. Très bien, mon fils... Qu'avais-tu à me dire ?
FRANZ. La poste est arrivée... une lettre de notre correspondant à Leipzig...
LE VIEUX MOOR, avec une curiosité avide. Des nouvelles de mon fils Karl ?
FRANZ. Hm, hm !... Tout juste. Mais je crains... je ne sais... si je... votre santé ? Vous sentez-vous vaiment bien, père ? [...] A part, mais à voix haute. Cette nouvelle est contre-indiquée aux organismes fragiles.
LE VIEUX MOOR. Mon Dieu ! Mon Dieu ! Que vais-je entendre ?
" (page 11).

Le lecteur (et le spectateur) pas trop idiot a déjà compris que Franz, l'un des deux fils du Vieux Moor, fait monter la pression, et qu'il n'est autre qu'un gros méchant pas très subtil.
Il s'arrange pour calomnier son frère aîné, qui fait ses études à Leipzig, et veut ainsi récupérer la fortune, sans compter la jolie fiancée. S'il pouvait envoyer son père rapidement ad patres (moi non plus, je ne mets pas de traduction), ça serait aussi bien, et sans doute même mieux.

"J'ai d'excellentes raisons d'en vouloir à la Nature, et sur mon honneur ! je les ferai valoir. Pourquoi ne suis-je pas sorti le premier des entrailles de ma mère ? Pourquoi n'ai-je pas été le seul à en sortir ? Pourquoi m'avoir accablé du fardeau de la laideur ? Pourquoi moi ? Cet enfantement, ç'a été comme une faillite. Pourquoi à moi ce nez de Lapon ? à moi cette gueule de Maure ? ces yeux de Hottentot ? A croire qu'elle a pris à chaque peuple ses hideurs, qu'elle en a fait un tas et m'a cuisiné avec ça. Meurtre et mort ! [...]
Non ! Non ! Je suis injuste. Elle nous a tout de même donné en partage l'esprit d'invention en nous déposant, nus et démunis, au bord de ce grand océan qu'est le monde... Nage qui sait nager, et coule le lourdaud !
" (page 20).

Jusque là, ça va, il y a un gentil absent, un méchant très méchant, qui l'est parce qu'il n'est pas beau et qui le vit mal. Son désespoir est, à un moment, presque touchant. Les racines de sa méchanceté oscillent, si l'on peut dire. Méchant parce que moche, méchant par choix, méchant par fatalité..

Vient la scène 2. Changement de décor :
"Une auberge aux frontières de la Saxe. Karl von Moor, plongé dans un livre.
Spiegelberg, buvant à une table.

KARL VON MOOR, posant un livre. Le dégoût me prend de notre siècle scribouillard lorsque je lis dans mon Plutarque la vie des hommes illustres.
SPIEGELBERG lui avance un verre et boit le sien. Tu devrais lire Flavius Josèphe.
MOOR. L'incandescente, la lumineuse étincelle de Prométhée est consumée, voilà pourquoi on recourt désormais à la flamme du lycopode - un feu de théâtre, qui n'allumerait pas la moindre pipe. Regardez-les grouiller comme des rats sur la massue d'Hercule : ils étudient la moelle de son crâne, tout en se demandant ce qu'il pouvait bien avoir dans les couilles
[euh... franchement, est-ce une traduction vraiment exacte ? n'est-ce pas un peu vulgaire ? dans le même ordre d'idées, plus loin, page 119, on lit "le père n'a pas bandé pendant sa nuit de noces"...]. Un abbé français enseigne qu'Alexandre était trouillard comme un lièvre, et un professeur poitrinaire qui se colle à chaque mot un flacon d'ammoniaque sous le nez tient conférence sur la Force."

Et ça parle, ça parle, ça parle ad nauseam (pas de traduction), ça s'amuse, mais ce que le temps est long pour le lecteur !

Ouf, page 32, une lettre arrive, c'est le frère (le méchant petit frère, pour ceux qui n'auraient pas suivi) qui la lui a écrite. Il lui apprend que son père le bannit, à cause des forfaits que notre Karl auraient commis (calomnie que tout ceci, bien sûr, comme nous l'avons déjà dit).

Karl van Moor va décider ses potes d'aller brigander par les grands chemins et les forêts de Bohème :

"MOOR.Voyez, mes yeux se dessillent ! Quel fou j'étais de vouloir regagner ma cage ! Mon esprit a soif d'exploits, mon souffle de liberté... Assassins, brigands !... A ce seul mot, la loi roule à mes pieds..." (page 40).

Karl regrette quand même sa belle Amalia. Heureusement, une chouette amitié virile le lie à ses copains, et il laisse derrière lui, définitivement, la jolie donzelle.

Et ça parle, ça parle... (ad lib.)

"SPIEGELBERG, emporté. Spiegelberg, dira-t-on, es-tu sorcier, Spiegelberg ? Quel dommage que tu ne sois pas devenu général, Spiegelberg, dira le roi : tu aurais chassé les Autrichiens par un trou de souris. Oui, entends-je les Docteurs se lamenter, il est impardonnable que cet homme n'ait pas étudié la médecine : il aurait inventé une nouvelle poudre contre le goître."
Bref, ça parle beaucoup, ça s'amuse, ça fait des références, et le lecteur est là, comme un invité dans une fête où il ne connaît personne, ne comprend pas les plaisanteries, les sous-entendus. Et de toute manière : il n'en a cure.

Pendant ce temps, bien sûr, le petit frère va continuer le travail de sape.
Ça, c'est plutôt sympathique. Mais parmi les copains de Karl, il n'y a pas que des anges. Schufterle, qui était prisonnier en ville, raconte son évasion dans la ville en flammes (à la suite d'une opération style Tempête de la Ville) :
"Passant devant une baraque, j'entends du tapage à l'intérieur, je jette un coup d'oeil, et à la lueur des flammes, que vois-je ? Un enfant encore sain et sauf, qui était par terre, sous la table, et la table allait y passer. Pauvre bébête ! je lui dis, tu te gèles ici, et hop, je le jette au feu..." (page 81).
Notre héros (Karl, pour ceux qui ne suivraient pas) en est assez fâché.

Après ça, notre bande de joyeux drilles chante :
"Voler, tuer, baiser et batailler,
C'est c'qu'on appelle passer le temps !
Demain, on s'ra au bout d'une corde,
Pour aujourd'hui, amusons-nous !
" (page 128).

Bien sûr, les chemins des deux frérots vont se rapprocher, il va se passer tout plein de rebondissements plus ou moins pilotractés (traduction : tirés par les cheveux), plus ou moins abracadabrantesques, mais pas vraiment drôles : on n'est plus là pour rigoler.

Dans le Dictionnaire des Oeuvres, on peut lire : "Malgré tous les défauts que l'on peut relever, le génie dramatique de Schiller s'exprime par la composition vaste et robuste de sa tragédie, par son développement plein de logique, par la recherche consciente des effets, par l'habileté avec laquelle il campe les situations et les personnages dans une perspective solide."

On note la mention des défauts, là d'accord. Le développement plein de logique... euh... Notre héros ne pense même pas à retourner voir son père. Or, il n'y a que huit jours de voyage, comme on nous le rappelle dans la post-face, qui pointe les invraisemblances (notamment le bannissement pour ce qui est une quasi-broutille), mais y voit tout de même un intérêt : "
La question centrale de ce drame n'est donc que secondairement philosophique ou politique. La question est d'abord théâtrale, car elle implique une intrigue : Karl pourra-t-il récupérer ce qu'il a perdu ?"
Eh bien, si ce n'est que cela, l'intérêt est fort maigre.




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