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Stefan aus dem Siepen
(Essen, Allemagne, 20/03/1954 - )

 
stefan aus dem siepen

 

"Stefan aus dem Siepen est né à Essen en 1964. Après des études de droit à l’université de Munich, il entre dans le corps diplomatique. Il a été en poste au Luxembourg, à Shanghai et à Moscou avant de s’établir à Berlin, où il travaille au ministère des Affaires étrangères. Salué par la presse, ce roman [La corde] a été plébiscité par le public outre-Rhin." (quatrième de couverture de La Corde).

 

la corde     das Seil
A gauche : photo de couverture : Younmi Byun, Forêt spectrale (détail). À droite : la couverture allemande.

- La corde (das Seil, 2012). 154 pages. Traduit de l'allemand par Jean-Marie Argelès. Editions Ecriture. 154 pages.

Il s'agit du troisième roman de l'auteur.
Nous sommes dans un petit village, peut-être au Moyen Age, peut-être plus tard, mais avant l'invention de la radio, très isolé parmi des forêts "quasi primitives, aussi inaccessibles qu'elles l'étaient des millénaires plus tôt ; on pouvait y marcher des journées entières sans y rencontrer trace humaine. Seuls quelques hameaux y étaient dispersés, semblables à des îlots perdus dans une mer immense." (page 10 ; "Die Wälder in dieser Gegend waren noch beinahe urwüchsig, dehnten sich so unzugänglich aus wie vor Jahrtausenden, viele Tage konnte man in ihnen wandern, ohne auf die Spur eines Menschen zu treffen, nur selten waren Weiler eingesprengt wie Inseln in einem gewaltigen Meer.").
Au début de l'histoire, nous voyons un villageois, Bernhardt, qui fume sa pipe en faisant son petit tour du soir. Il regarde les maisonnettes déjà plongées dans l'obscurité, les prés, les champs où les blés sont déjà hauts.

Texte original
Texte français
Er erinnerte sich, wie er einmal als kleiner Junge mit seinem Vater gerade hier, vor diesem Feld, gestanden hatte.
- Die Ähren sind wie das Glück, hatte der Vater gesagt. Wenn das Glück zu groß wird, wird es zu einem Leid.
Bernhardt war erstaunt gewesen, denn selten einmal hatte er seinen Vater – oder irgendjemanden sonst im Dorf – etwas sagen hören, das über das Einfachste, ganz und gar Naheliegende hinausgegangen wäre. So hatten sich die Worte ihm eingeprägt, ragten als etwas Seltsames und Ehrfurchtgebietendes aus dem harmlosen Einerlei seiner Erinnerungen. Seit damals hatte er nie mehr einen Blick auf reifende Felder werfen können, ohne sich irgendetwas von »Leid« und »Glück« und »Ähren« vorzumurmeln und einen Anlauf zu philosophischem Nachdenken zu unternehmen, der freilich, kaum dass er begonnen hatte, immer gleich wieder verebbte.

"Il se souvint de s'être arrêté un jour, petit garçon, devant ce champ, avec son père.
- Les blés sont comme le bonheur, avait dit celui-ci. Quand le bonheur devient trop grand, le malheur n'est jamais loin.
Cela avait étonné Bernhardt qui n'avait jamais entendu son père - ou qui que ce soit dans le village - tenir le moindre propos dépassant l'évidence élémentaire. Aussi cette phrase s'était-elle gravée en lui, émergeant de ses souvenirs comme une bizarrerie imposant le respect. Depuis lors, jamais il n'avait contemplé des champs à la veille d'être moissonnés sans murmurer à voix basse ces mots de « malheur », « bonheur » et « blés », amorce d'une réflexion philosophique qui, bien sûr, à peine commencée, refluait aussitôt.
" (page 10).

Bernhardt longe la forêt.

Texte original
Texte français
"Auf der Wiese, die an den Rand des Tannenwaldes stieß, bemerkte Bernhardt etwas, das ihn stutzen ließ. Eine dunkle gewundene Linie zog sich durch das Gras, im Licht des Mondes nur schwach zu sehen, ähnlich einer Schlange – was mochte es sein ? Mit leicht verzögertem Schritt, die Stirn in Falten, ging er darauf zu. Auf dem Boden lag ein Seil – nichts weiter. Einer der Bauern musste es hier vergessen haben, oder vielleicht hatten Kinder damit gespielt. Mehr enttäuscht als neugierig beugte er sich herab, um von Nahem einen Blick zu werfen, und geriet sogleich ins Staunen, konnte nicht anders, als die Pfeife aus dem Mund zu nehmen und einen leisen Pfiff auszustoßen: Ein gutes Stück, alle Achtung! Fest geflochten ! Und dick wie ein Daumen ! Ein solches Seil besaß niemand im Dorf, das stand fest - aber wem konnte es gehören ?"

"Bernhardt aperçut, dans la prairie bordée par la forêt de sapins, quelque chose qui lui fit marquer le pas : une ligne ondulant dans l'herbe, peu visible dans le clair de lune, pareille à un serpent - qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Un peu plus lentement, les sourcils froncés, il avança dans cette direction. Il y avait une corde par terre - voilà tout. Un des paysans devait l'avoir oubliée là, ou peut-être des enfants en jouant. Plus déçu que curieux, il se pencha pour la voir de plus près et, dans sa surprise, ôta sa pipe de sa bouche, en poussant un petit sifflement : pas n'importe quoi, sacredieu ! Corde serrée ! Et grosse comme le pouce ! Personne, dans le village, ne possédait une corde pareille, c'était sûr - mais à qui pouvait-elle bien appartenir ?" (pages 10-11)

Le lendemain, au petit matin, un groupe de paysans est déjà rassemblé près de la corde.

Texte original
Texte français
"Zum ersten Mal konnte Bernhardt das Seil jetzt deutlich sehen: Es zog sich sieben oder acht Schritt weit über die Wiese zum Waldrand hin, dort verschwand es zwischen den Stämmen im Dickicht. Er beugte sich herab, betrachtete das Seil mit bäuerlichem Kennerblick, ließ die Fingerkuppen drüberhingleiten. Dann schlang er es kurzentschlossen um seine Hand, machte einen Schritt zurück und begann kräftig zu ziehen. Das Seil hob sich aus dem Gras, schwebte in der Luft, zum Wald hin eine schräge Linie bildend, zitterte und schwankte, ohne nachzugeben - es musste im Unterholz festgebunden sein."

"Bernhardt put enfin voir la corde distinctement. Elle s'étirait sur sept ou huit pas dans la prairie, jusqu'à la lisière de la forêt où elle disparaissait entre les troncs, dans les fourrés. Se penchant, il la considéra d'un oeil de connaisseur, un oeil de paysan, puis il promena le bout de ses doigts tout du long. Soudain, sans plus réfléchir, il l'enroula autour de sa main, recula d'un pas et se mit à tirer vigoureusement. La corde se souleva de l'herbe, dessinant en l'air une ligne oblique jusqu'à la forêt, vibra et oscilla sans céder - elle devait être attachée quelque part dans le sous-bois." (page 16).


Les paysans se rendent rapidement compte que la corde est très longue... Jusqu'où va-t-elle ? Que fait-elle là ? Ils décident de monter une expédition pour élucider ces mystères.
"tous étaient en proie à un sentiment puissant et exaltant, le sentiment de vivre un événement qui, inédit dans l'histoire du village, avait rompu toutes les barrières de l'intelligible." (pages 41-42)

Rauk, un instituteur chétif qui en impose aux villageois grâce à sa verve, s'adresse à eux :

Texte original
Texte français
"- Männer ! Wir stehen vor einem großen Geheimnis. Jeder von uns spürt, dass es mit diesem Seil eine tiefe, wunderbare Bewandtnis hat. […]
Wer wäre von einem solchen Rätsel nicht gepackt ? Und wer fühlte nicht den Drang, ihm auf den Grund zu gehen ?"

"Les gars ! Nous sommes face à un grand mystère. Chacun de nous pressent que cette corde a une profonde et merveilleuse signification. [...] Qui ne serait subjugué par une énigme pareille ? Et qui ne ressentirait le désir, le besoin de la tirer au clair ?" (page 48).


Et Rauk, qui symbolise l'intellectuel, avec sa flûte, va en quelque sorte charmer les paysans, qui sont de leur côté bien contents d'échapper pour un moment à la monotonie de la vie au village, comme si une récréation agréable venait d'être sifflée...

Un court mais très bon livre en forme de conte. L'atmosphère est particulièrement réussie.


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