Littérature Germanophone
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Ludwig Tieck est un écrivain romantique allemand. "L’année de sa mort, il y a plus d’un demi-siècle que Novalis n’est plus, quarante-deux ans qu'Heinrich von Kleist, qu’il a aimé et soutenu, s’est suicidé, trente-et-un ans qu’Hoffmann qui le tenait pour un maître a quitté ce monde, victime du tabès, cinquante ans qu’Hölderlin est devenu fou et dix ans qu’il est mort chez le menuisier Zimmer. [...] Tieck a été statufié par David d'Angers, scène "immortalisée" par un peintre, Vogel von Vogelstein, tel un reporter de l'époque. "Ce qui frappe immédiatement, dans ce tableau, c'est le contraste entre l'énorme tête blanche sculptée, plutôt inexpressive, et ce visage d'homme aux joues qui s'affaissent, à l'expression vaguement douloureuse. [...] "Atteint de polyarthrite chronique dès l'âge de trente ans, Tieck se déplaçait avec beaucoup de difficulté. Aussi se pressait-on tous les soirs, ou presque, pour l'entendre déclamer magistralement des pièces de Shakespeare, Kleist, Lenz ou Calderón. Ces lectures ont rythmé sa vie pendant près d'un demi-siècle, mais « le plus grand acteur qui ne soit pas monté sur les planches, comme l'appelait Brentano, lisait rarement ses propres oeuvres." (Nicolas Waquet, introduction au Chat Botté, pages 8-9).
"Qui fut vraiment Ludwig Tieck ? Il est caractéristique que la plupart des travaux critiques qui le concernent ne portent que sur un aspect partiel de son activité : le fantastique, les contes, la poésie romantique, les nouvelles, la critique. Mais tous ses biographes insistent sur sa versatilité, sa labilité et renoncent à saisir fermement l'homme et l'auteur qui, comme du mercure, se divisent et s'éparpillent à la moindre pression. Il a laissé de très nombreuses oeuvres : nouvelles, romans, drames, comédies... Il était également éditeur (il contribua à faire connaître Kleist, Lenz...) ainsi que traducteur de poésie médiévale, du théâtre anglais, de littérature espagnole...
Il insiste sur la capacité de Tieck d'écrire sur tous les sujets, passant rapidement d'un texte qui semble exprimer une idée à un autre qui la réfutera. Ce passage d'un style à un autre peut avoir lieu à l'intérieur d'un même texte : "Ce qui est déroutant chez Tieck c'est cette capacité de passer du grave à l'ironique, des épanchements au sarcasme, des effusions aux propos les plus désabusés et les plus noirs." (page 39). Il met aussi en évidence certains thèmes qui parcourent l'oeuvre de Tieck. Puis viennent trois contes : Eckbert le Blond ; Le Runenberg et Amour et Magie. 1/ Eckbert le Blond (der blonde Eckbert, 1796). 27 pages. Globalement, un peu de déception à la lecture de ces textes... peut-être l'analyse préalable de Péju a-t-elle créé une attente trop forte ? Il parle d'"inachèvement", et finalement, en y réfléchissant, on a l'impression qu'il manque des éléments dans les deux premiers contes. Bien sûr, tout ne doit pas forcément être expliqué, mais il ne faut pas non plus abuser de symboles et de mystères. Le Chat botté. Conte pour enfant en trois actes avec entracte, prologue et épilogue. (der Gestiefelte Kater. Kindermärchen in drei Akten, mit Zwischenspielen, einem Prologue und Epiloge). Traduit de l'allemand, préfacé et annoté par Nicolas Waquet en 2012. Rivages poche / Petite bibliothèque. 140 pages. De quoi s'agit-il ici ? Tout d'abord, la liste des personnages intrigue : elle est très longue et extrêmement disparate. On y trouve notamment : Le roi. La Princesse, sa fille. Le prince Nathanaël de Malsinki. Léandre, savant du roi, etc., etc. Un soldat. Un paysan. Le souffleur. Le cordonnier. Des éléphants. Des lions. Des ours. Un aigle et divers oiseaux. Un lapin. Jupiter. Un machiniste. Des spectres. Des singes. Le public. La pièce de Tieck met donc en scène une pièce de théâtre, et un public qui assiste à la représentation. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne va pas être content de ce qu'il va voir, et il va le faire savoir à l'auteur ! "En outre, prendre comme sujet un conte pour enfants renferme déjà en soi quelque chose de provocateur, de scandaleux pour un public composé comme celui-ci d'une poignée de savants dont la bêtise n'égale que la naïveté des autres auditeurs. Ce choix place d'emblée la pièce en marge du « bon goût », que ces esprits soi-disant éclairés tiennent pour un critère inébranlable. En reprenant la trame du Chat botté, Tieck se moque donc joyeusement de l'Aufklärung (l'équivalent allemand des Lumières)." (page 14). On aborde donc des sujets sérieux, comme celui de l'illusion au théâtre. Tout en s'amusant bien.
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