Livre.gif (217 octets) Littérature Germanophone Livre.gif (217 octets)



-
dictées
-
littérature
- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour
Littérature germanophone
<-


Autre littérature :

Littérature japonaise

retour
page d'accueil

 


Ludwig Tieck
(Berlin, 31/05/1773 - Berlin, 28/04/1853)


tieck

Ludwig Tieck est un écrivain romantique allemand.
Il "est le maniériste de l'école, pourrait-on dire ; du romantisme il ne garde que le côté obscur, nocturne des sens, et introduit le goût de l'horrible, du ténébreux, du magique, du grotesque, qui triomphera ensuite avec l'école d'Heidelberg, d'où il se répandra en France et dans toute l'Europe." (Dictionnaire des auteurs, Bouquins).

"L’année de sa mort, il y a plus d’un demi-siècle que Novalis n’est plus, quarante-deux ans qu'Heinrich von Kleist, qu’il a aimé et soutenu, s’est suicidé, trente-et-un ans qu’Hoffmann qui le tenait pour un maître a quitté ce monde, victime du tabès, cinquante ans qu’Hölderlin est devenu fou et dix ans qu’il est mort chez le menuisier Zimmer. [...]
Ces quelques repères peuvent aider un peu à comprendre comment Tieck a traversé tout le Romantisme allemand.
" (Pierre Péju, Teinte pastel et encre noire, page 23)

Tieck a été statufié par David d'Angers, scène "immortalisée" par un peintre, Vogel von Vogelstein, tel un reporter de l'époque. "Ce qui frappe immédiatement, dans ce tableau, c'est le contraste entre l'énorme tête blanche sculptée, plutôt inexpressive, et ce visage d'homme aux joues qui s'affaissent, à l'expression vaguement douloureuse. [...]
Aussi, ce mauvais tableau peut-il être interprété comme une allégorie nous donnant à voir la nature double de Ludwig Tieck : en lui, depuis toujours peut-être, une tendance à devenir officiel, "sculptural chef d'école", écrivain professionnel, intellectuel influent, érudit aux connaissances immenses. Mais d'autre part, moins visible, une tendance à la sincérité, à l'ironie lucide, à "être soi-même", à dire les choses, même les plus difficiles, délicates ou douloureuses.
" (pages 20-21).

"Atteint de polyarthrite chronique dès l'âge de trente ans, Tieck se déplaçait avec beaucoup de difficulté. Aussi se pressait-on tous les soirs, ou presque, pour l'entendre déclamer magistralement des pièces de Shakespeare, Kleist, Lenz ou Calderón. Ces lectures ont rythmé sa vie pendant près d'un demi-siècle, mais « le plus grand acteur qui ne soit pas monté sur les planches, comme l'appelait Brentano, lisait rarement ses propres oeuvres." (Nicolas Waquet, introduction au Chat Botté, pages 8-9).


Tieck par Volgelstein
Vogel von Volgelstein, Ludwig Tieck im Atelier. 1834.

"Qui fut vraiment Ludwig Tieck ? Il est caractéristique que la plupart des travaux critiques qui le concernent ne portent que sur un aspect partiel de son activité : le fantastique, les contes, la poésie romantique, les nouvelles, la critique. Mais tous ses biographes insistent sur sa versatilité, sa labilité et renoncent à saisir fermement l'homme et l'auteur qui, comme du mercure, se divisent et s'éparpillent à la moindre pression.
Ils ont comparé Tieck à un caméléon, à un serpent, à cause des mues, à une éponge qui s'imprègne puis exprime, à un paon pour la richesse de la plume et des styles.
" (Pierre Péju, Teinte pastel et encre noire, page 27)
"Tieck fut toute sa vie un cyclothymique, passant successivement d'états euphoriques-ironiques à des états de terreur et d'abattement au cours desquels il redoutait de devenir fou, jouant avec ses nerfs et avec la fatigue et se livrant à une délectation morose concernant la solitude, l'horreur, la mort." (Pierre Péju, Teinte pastel et encre noire, Pierre Péju, Teinte pastel et encre noire, page 30)

Il a laissé de très nombreuses oeuvres : nouvelles, romans, drames, comédies... Il était également éditeur (il contribua à faire connaître Kleist, Lenz...) ainsi que traducteur de poésie médiévale, du théâtre anglais, de littérature espagnole...

 

 

Amour et Magie


Amour et Magie
et autres contes
, précédé de Teintes pastel et encre noire de Pierre Péju. Traduit par Albert Béguin et D. Guignard. Collection Romantique n°41, José Corti.188 pages.
Le texte de Pierre Péju consacré à Tieck paraît assez complet (70 pages). Il fournit à la fois des éléments biographiques et une étude de certaines oeuvres.

Il insiste sur la capacité de Tieck d'écrire sur tous les sujets, passant rapidement d'un texte qui semble exprimer une idée à un autre qui la réfutera. Ce passage d'un style à un autre peut avoir lieu à l'intérieur d'un même texte : "Ce qui est déroutant chez Tieck c'est cette capacité de passer du grave à l'ironique, des épanchements au sarcasme, des effusions aux propos les plus désabusés et les plus noirs." (page 39).

Il met aussi en évidence certains thèmes qui parcourent l'oeuvre de Tieck.
Tout d'abord, celui de l'ami (et, de façon annexe, celui de la trahison, réelle ou supposée), qui a sans doute pour origine l'amitié de Tieck pour son camarade de lycée Wilhelm Wackenroder, mort à vingt-cinq ans, "météore plein de promesse ne vivant que pour la poésie et la musique" (page 30 ; on pourra trouver quelques textes de Wackenroder dans Les Romantique Allemands, d'Armel Guerne).
Puis, le thème du nouvel ami (après la trahison de l'ancien) - qui, dans sa vraie vie, fut Novalis.
"Novalis a dit l'enchantement des soirs, et l'émotion née d'une mutuelle compréhension. Les deux jeunes gens communièrent dans une certaine idée du fragment et de l'inachèvement, mais Tieck savait confusément que lui-même ne parviendrait jamais à faire de sa vie, de son oeuvre et de sa mort, comme Novalis, un bloc pur et lumineux, illustration parfaite de toutes les idées qu'ils avaient agitées." (pages 38-39)
Autre thème récurrent : celui de l'enfance qui, niée, repoussée, finit par revenir, pas forcément pour le meilleur.

Puis viennent trois contes : Eckbert le Blond ; Le Runenberg et Amour et Magie.

1/ Eckbert le Blond (der blonde Eckbert, 1796). 27 pages.
Ce conte commence ainsi :
"Dans les montagnes du Harz vivait un chevalier que l'on nommait simplement Eckbert le blond. Il pouvait avoir quarante ans, était à peine de taille moyenne, et une épaisse chevelure lisse, d'un blond très clair, encadrait son visage pâle et cave. Il menait une vie paisible et très retirée, ne se mêlant jamais aux querelles de ses voisins et franchissant rarement l'enceinte de son petit château. Son épouse partageait son goût pour la solitude ; un tendre amour semblait les unir, mais on les entendait souvent se plaindre que le Ciel n'eût pas béni leur union." (page 81)

Eckbert a un ami, Walther, qu'il voit souvent. Tout va à peu près bien jusqu'au jour où Eckbert incite sa femme, Bertha, à raconter l'histoire de sa vie, étrange récit au sens pas bien clair.
Ceci va avoir des conséquences bien étranges, notamment du fait d'un mot prononcé par Walther...
L'histoire de Bertha semble relever du conte, mais pas du tout ce qui suit. On peut y voir la logique du cauchemar, ou bien tenter d'y trouver un vrai sens, comme le fait Pierre Péju... qui ne va pas au bout de son explication. D'ailleurs, dans le Dictionnaire des Oeuvres (Bouquins), on peut lire : "il est inutile de chercher une signification symbolique à ce conte que l'auteur, lui-même, veut laisser dans l'ombre d'une mystérieuse magie."
C'est un peu gênant pour le lecteur. Si encore le texte lui-même était vraiment beau, on pourrait se contenter de la beauté de la langue... c'est probablement le cas en allemand, mais en français, cela ne m'a pas paru évident...
Il s'agit pourtant, théoriquement, d'une de ses oeuvres majeures. "Avec Eckbert le Blond, la perfection est atteinte", écrit Péju.


2/ Le Runenberg (der Runenberg, 1804). 33 pages.
"Un jeune chasseur était assis, pensif, au coeur des montagnes, auprès d'une aire d'oiseleur ; le murmure des ruisseaux et de la forêt animait la solitude. Il songeait à sa destinée ; il était si jeune encore, et il avait quitté père et mère, les lieux familiers de sa naissance et les êtres amis de son village, pour se mettre en quête de pays nouveaux, pour échapper au cercle des habitudes quotidiennes ; et lorsqu'il leva les yeux, il éprouva une espèce d'étonnement à se retrouver dans cette vallée, occupé comme il l'était. De grands nuages passaient au ciel et se perdaient derrière les montagnes, des oiseaux chantaient dans les buissons et l'écho leur répondait." (page 109).
Ce chasseur, né dans les plaines, est attiré par les montagnes. Guidé par un inconnu, il se dirige vers le Runenberg, une montagne avec des murailles à pic. Il va y faire une rencontre curieuse. Bonne ou mauvaise ?
Beaucoup de symboles, et une curieuse impression, celle d'une logique faussée, menaçante et bancale : de la folie.


3/ Amour et magie (Liebeszauber, 1811). 46 pages.
"Assis à sa table, et plongé dans la méditation, Emile attendait son ami Rodrigue. La lampe était allumée devant lui, la soirée d'hiver était froide, et aujourd'hui il appelait de ses voeux son compagnon de voyage, alors que pourtant d'habitude, il se passait volontiers de sa société ; car ce soir-là, il voulait lui révéler un secret et lui demander conseil." (page 143).
Les deux amis sont dissemblables : Emile est riche et mélancolique ; Rodrigue, lui, est enthousiaste, remuant, et sans le sou.
Nous sommes pendant le carnaval, moment propice à une remise en cause des valeurs.
Comme le nom du conte l'indique, c'est une histoire d'amour et de magie... noire. Ce coup-ci l'histoire, elle, est claire, du moins est-elle déjà compréhensible à un premier niveau de lecture : elle est étrange mais pas mauvaise. Et rien n'empêche, comme Péju dans sa préface, de faire des analyses psychanalytiques de l'oeuvre pour y trouver un autre sens.

Contrairement à Eckbert le Blond, on peut donc lire l'histoire de façon simple, ou bien y chercher tout ce que l'on voudra. Mais, au moins, les deux lectures sont possibles, alors qu'une lecture logique est impossible dans Eckbert, et le Runenberg, lui, est surtout folie.

Globalement, un peu de déception à la lecture de ces textes... peut-être l'analyse préalable de Péju a-t-elle créé une attente trop forte ? Il parle d'"inachèvement", et finalement, en y réfléchissant, on a l'impression qu'il manque des éléments dans les deux premiers contes. Bien sûr, tout ne doit pas forcément être expliqué, mais il ne faut pas non plus abuser de symboles et de mystères.
Kleist a été une vraie découverte pour moi. Pas Tieck, ou du moins pas avec ce livre-ci.
Un autre, peut-être...

le chat botté

Le Chat botté. Conte pour enfant en trois actes avec entracte, prologue et épilogue. (der Gestiefelte Kater. Kindermärchen in drei Akten, mit Zwischenspielen, einem Prologue und Epiloge). Traduit de l'allemand, préfacé et annoté par Nicolas Waquet en 2012. Rivages poche / Petite bibliothèque. 140 pages.

Il s'agit ici du texte publié en 1797 ("La pièce fut ensuite étoffée en 1811", Nicolas Waquet, introduction, page 9).

On pourra se rafraîchir la mémoire, en lisant auparavant le texte de Charles Perrault (qui daterait de 1695) sur : http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Maître_chat_ou_le_Chat_botté .

"Repoussant ainsi les frontières de la comédie et du simple divertissement, cette courte pièce soulève des questions profondes sur le phénomène théâtral. Elle préfigure en cela les innovations des surréalistes français, les pièces d'un Pirandello, les expériences d'Adamov, Ionesco et Beckett, ainsi que le théâtre de Bertolt Brecht, animé par un même effort de distanciation." (Nicolas Waquet).

De quoi s'agit-il ici ?

Tout d'abord, la liste des personnages intrigue : elle est très longue et extrêmement disparate. On y trouve notamment : Le roi. La Princesse, sa fille. Le prince Nathanaël de Malsinki. Léandre, savant du roi, etc., etc. Un soldat. Un paysan. Le souffleur. Le cordonnier. Des éléphants. Des lions. Des ours. Un aigle et divers oiseaux. Un lapin. Jupiter. Un machiniste. Des spectres. Des singes. Le public.

Voici le début du prologue, où l'on va mieux comprendre :

"PROLOGUE

La scène est au parterre. Les chandelles sont déjà allumées et les musiciens réunis dans la fosse d'orchestre. La salle est comble. Brouhaha des bavardages. De nouveaux spectateurs arrivent, etc.

FISCHER, MÜLLER, SCHLOSSER, BÖTTICHER sont au parterre.

FISCHER. Je suis bien curieux, mais dites-moi, Müller, que pensez-vous de la pièce que l'on donne aujourd'hui ?

MÜLLER. Je me serais plutôt attendu à quelque cataclysme qu'à voir une pièce pareille dans notre théâtre.

FISCHER. Vous la connaissez ?

MÜLLER. Pas le moins du monde... Le Chat botté. Étrange intitulé !... J'espère quand même qu'on ne va pas nous infliger ces gamineries !
" (pages 23-24).

La pièce de Tieck met donc en scène une pièce de théâtre, et un public qui assiste à la représentation. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne va pas être content de ce qu'il va voir, et il va le faire savoir à l'auteur !
Chez Tieck, personne ne connaît le conte de Perrault, écrite un siècle auparavant.

"En outre, prendre comme sujet un conte pour enfants renferme déjà en soi quelque chose de provocateur, de scandaleux pour un public composé comme celui-ci d'une poignée de savants dont la bêtise n'égale que la naïveté des autres auditeurs. Ce choix place d'emblée la pièce en marge du « bon goût », que ces esprits soi-disant éclairés tiennent pour un critère inébranlable. En reprenant la trame du Chat botté, Tieck se moque donc joyeusement de l'Aufklärung (l'équivalent allemand des Lumières)." (page 14).

"FISCHER. Qui joue le Chat ?

LEUTNER. Le grand acteur étranger.

MÜLLER. Vraiment ?... Mais comment peut-on monter de telles bêtises ?

LEUTNER. L'auteur pense, pour changer, ...
[...]

MÜLLER. Mais comment vont-ils habiller le chat ? Va-t-il réellement porter des bottes ?
" (page 26).

C'est vrai que la question se pose. Le réalisme, c'est important.

Bientôt, le Prologue s'achève.

Rapidement, on voit vraiment Le Chat, qui commence la pièce "lové sur un tabouret, près du poêle." (page 33) ; et l'on voit son maître, Théophile.
À un moment :
"LE CHAT (bâillant après s'être levé, étiré et avoir fait le dos rond). J'ai vraiment pitié de vous, mon cher Théophile.

THEOPHILE (étonné). Comment ! Tu parles ?

LES CRITIQUES (au parterre). Le Chat parle ? Qu'est-ce que c'est que ça ?

FISCHER. Je n'ai pas ici le sentiment nécessaire de l'illusion.
" (page 36)

On aborde donc des sujets sérieux, comme celui de l'illusion au théâtre. Tout en s'amusant bien.

Tieck en rajoute une couche, un peu plus tard :

"LE CHAT. Patiente un jour ou deux. Le bonheur a besoin de temps pour s'épanouir. Qui peut s'attendre à être heureux du jour au lendemain ? Tout ça c'est dans les livres, mon bon ami. Les choses ne vont pas aussi vite dans la vie." (page 63).
Cette pensée sur la différence entre la fiction et la réalité est dite par un acteur qui joue le rôle d'un acteur étranger qui joue le rôle d'un chat dans une pièce de théâtre représentée dans la pièce de Tieck !


Un joyeux et réjouissant bazar (la représentation de la pièce ne se déroule bien sûr pas tout à fait comme l'espérait l'Auteur), truffé de citations et d'allusions (explicitées par des notes).
C'est très amusant, et en même temps plus que seulement amusant.

 

 

- Retour à la page Littérature Germanophone -

Toute question, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)