Livre.gif (217 octets) Littérature Germanophone Livre.gif (217 octets)



-
dictées
-
littérature
- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour
Littérature germanophone
<-


Autre littérature :

Littérature japonaise

retour
page d'accueil

 


KEYSERLING Eduard von
(Courlande, actuellement en Lettonie, 15/05/1855- Munich, 28/09/1918)

Edouard Von Keyserling
Eduard von Keyserling, par Lovis Corinth, 1900.

Le comte Eduard von Keyserling est né au château ancestral de Paddermin, en Courlande (actuellement en Lettonie).
Il fit ses études à l'université de Dorpat, puis alla à Vienne, et finalement Munich en 1899, après un long séjour en Italie.
Il écrivit des drames, des romans, des nouvelles...

"Lorsque, en 1907, il fut frappé de cécité, il continua à dicter ses oeuvres qui devinrent plus intériorisées, empreintes d'une sorte de résignation sereine, mais sans rien perdre de leur délicatesse. Le monde décrit par Eduard von Keyserling est un monde quelque peu décadent, où des personnages hautement civilisés, mais faibles de caractère, aux nerfs usés, évoluent dans un milieu primitif mais fort et sain." (Roger Lescot, le Dictionnaire de auteurs, Bouquins).

"Il se sert de la lumière et des subtiles variations de la nature pour peindre les derniers beaux jours de l'aristocratie balte, ses châteaux, ses chasses, ses rituels, tout un art de vivre raffiné qui illustre l'impossibilité de l'amour et l'impuissance à contenir les passions exacerbées d'une société encore somptueuse mais déjà consciente d'un déclin irréversible.
Considéré comme un maître par Thomas Mann il est incontestablement l'écrivain le plus représentatif de l'impressionnisme allemand." (wikipedia, voir ici).

 

un été brűlant

- Eté brûlant (Schwüle Tage, 1904). 78 pages. Babel. Traduit de l'allemand par Jacqueline Chambon et Peter Krauss.

"Quand nous prîmes le train pour Fernow, notre propriété de campagne, la mélancolie à laquelle je m'attendais était déjà du voyage. Il tombait sans discontinuer une fine pluie oblique qui semblait vouloir effacer l'été. J'étais seul avec mon père dans le compartiment. Il ne me parlait pas, il m'ignorait. [...] Je me faisais tout petit et me sentais misérable. Je venais d'échouer à mon baccalauréat à la suite de je ne sais quelle manigance des professeurs. A presque dix-huit ans, c'était grave. On m'avait reproché ma paresse, si bien qu'au lieu d'aller passer d'agréables vacances à la mer avec maman et mes soeurs, j'étais condamné à accompagner mon père à Fernow pour y racheter ce qu'il nommait mon incurie pendant que lui vérifiait les comptes et surveillait les récoltes. [...] Mais le pire était encore de passer l'été seul avec mon père. Nous ressentions toujours, nous les enfants, une grande gêne en sa présence. Le plus souvent, il était en voyage. A chacun de ses retours, la maison changeait d'aspect. Une atmosphère solennelle en transformait la vie comme si l'on avait attendu des visiteurs." (pages 7-8).

Mais tout n'est pas négatif. "N'y avait-il pas la moindre petite joie à attendre de cet été ? Si ! Il y avait Warnow, juste à une demi-heure de chez nous. De là viendrait le souffle frais des vacances" (page 9).
Eh oui, il y a sa tante, mais surtout ses cousines.

Voici le narrateur, le comte Bill, arrivé : "Ma chambre était située à l'autre extrémité de la maison. Les pièces vides en enfilade craquaient. Les grillons chantaient pareils à de petits êtres laborieux occupés à limer de fines chaînes. Mes fenêtres étaient largement ouvertes sur le parc. Dans le crépuscule brillait la blancheur des lis. La lune déjà haute dans le ciel jetait sur le gazon, à travers les branches des châtaigniers, des taches de lumière jaune. En bas, dans le bassin du parc, les grenouilles coassaient." (page 13).
"Une lune tardive se leva derrière les arbres du parc. Elle tirait à sa suite un vent qui déchira les nuages et en fit passer des lambeaux noirs et ronds devant elle.
Ce fut sur la campagne un va-et-vient de lumière et d'ombres. Les branches et les roseaux gémissaient d'exaltation. Un canard s'éveilla dans la roselière qui adressa à tue-tête de furieux reproches à la nuit.
" (page 71).

Mais toute cette beauté ne plaît pas au père : "La nuit d'été, les lis et la solitude, c'est beau, mais pour ma part, en voyage, quand tout est doux et suave autour de moi, je ne pense plus qu'à faire mes valises. J'ai peur de succomber, peur de n'avoir plus envie d'aller plus loin, tu comprends ? On craint de se faire prendre au piège par ce qui rend heureux. Il faut toujours tirer un peu sur ce qui veut nous retenir. Peut-être pour voir si l'on n'est pas trop étroitement lié. Non ?"


Le comte Bill va redécouvrir son père, au-delà de l'homme rigide qui lui répète de "se tenir".
"[...] mon père ne me devint pas plus sympathique mais il me parut plus intéressant." (page 23).


Un très joli texte d'apprentissage, de passage à l'âge adulte, nostalgique et, in fine, assez triste. On pense parfois au Tourgueniev de Premier amour.

versant sud
En couverture : Fernand Khnopff, Mémoires, 1889 (détail)

- Versant Sud (Am Südhang, 1914). 102 pages. Babel. Traduit de l'allemand par Jacqueline Chambon et Peter Krauss.
Il est indiqué "Roman", mais il s'agit plus d'une longue nouvelle, qui commence ainsi :
"En approchant de la propriété de ses parents par un beau soir d'été, Karl Erdmann von West-Walbaum, fraîchement promu lieutenant, se disait que tous ces gens intelligents, lui le premier dans ses moments de cafard, qui disaient du mal de la vie, n'étaient que des ingrats. Car la vie savait vous offrir parfois des moments parfaits. Et avec quels modestes moyens elle savait les réaliser. [...]Pourtant, au risque de paraître ridicule, lui, cette nomination le rendait heureux. Il avait l'impression qu'elle avait opéré en lui une sorte de transformation intérieure qui lui donnait droit, plus qu'à l'ancien Karl Erdmann, à l'amour, à l'admiration et aux bienfaits de ce monde. Cela, ils le comprendraient très bien à la maison. C'est d'ailleurs cette certitude d'être compris qui y rendait la vie si douce et faisait naître le sentiment d'être choyé." (page 7).
Karl Erdmann arrive donc dans la propriété familiale pour deux mois de vacances.
"Il n'aurait rien d'autre à faire qu'à flâner dans le vieux jardin, à se vautrer dans les prés, à se laisser gâter par sa mère et par ses soeurs, à fumer les meilleurs cigares de son père et s'abandonner sans contrainte à cette sentimentalité qui ne prospère que dans les vieux manoirs familiaux. [...]
On restait des heures entières allongé dans l'herbe, en proie à un sentiment doux et fort presque alanguissant. Karl Erdrmann pouvait se montrer, dans le monde, crâne et même cynique, mais à la maison il devenait aussi tendre et délicat qu'un fruit qui a mûri sur le versant sud. Il était toujours amoureux pendant les vacances et toujours de Mme von Barnow. D'ailleurs tous les hommes étaient amoureux de Mme von Barnow et pour s'entretenir avec elle son père lui-même retrouvait les vieilles manières chevaleresques des officiers de la garde.
" (page 8).

Dès le début, tout se passe comme prévu :
"Il eut d'abord un entretien avec son père et son frère au sujet du régiment et de la flotte sur un ton d'égalité qui témoignait d'une considération nouvelle pour lui. A ses côtés, sa mère lui tenait le bras, silencieuse. Son petit visage ridé sous la grande coiffe de dentelle était empourpré, blanc et rose comme celui d'un enfant." (page 12).

Cette belle propriété est comme une bulle qui protège du monde extérieur.
Il fait chaud, les cigales s'en donnent à coeur joie, les hommes tournent autour de Mme von Barnow, même le fiancé de la soeur de notre héros.
On s'occupe : on se promène, on fait de la barque, on organise une partie de chasse aux canards. Et puis, il a la sieste de l'après-midi, la torpeur. On attend le repas suivant, on regarde les domestiques s'activer.
Et les hommes recherchent la compagnie de Mme von Barnow.

Tout a donc l'air de se passer pour le mieux. Mais il y a quelques nuages dans le ciel bleu:
"Il y avait bien ce duel dans quelques semaines mais il ne fallait pas en faire un drame. Un simple duel. Il suffisait de le considérer comme une négociation inévitable dont il convenait de se débarrasser, rien de plus." (page 10).
Une menace plane donc.
Et avec la nature exubérante dans la chaleur de l'été, on a du mal à dormir, d'autant plus que Mme von Barnow est dans tous les esprits masculins, au désespoir des esprits féminins.

Dorn, le précepteur, dit à un moment : "C'est beau, certes, mais ce genre de vie ne devrait pas exister. [...]" (page 33)
Karl Erdmann répond qu'il existe bien assez de laideur en ce monde : pourquoi alors n'existerait-il pas un havre de paix ?
Dorn s'explique : "En mai, je crois, a été célébré l'anniversaire de Mlle Oda. On a envoyé chercher des poires en ville pour le dîner. Les poires les plus grosses, mais aussi les plus juteuses et les plus savoureuses que j'aie jamais mangées. Et pourtant, vues de près, ces poires magnifiques sont aussi des poires malades. Peut-être que de telles poires ne devraient pas exister." (page 33)

Bien sûr, l'histoire est classique, mais c'est remarquablement bien écrit : la nature avec ses couleurs, ses odeurs, ses bruits... et cette petite société, pétrie de vieilles traditions, tellement mûre qu'elle en est pourrissante.
Très bien.



- Retour à la page Littérature germanophone -

 

Toute question, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)