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ABE Kazushige ( 阿部 和重
)
(Higashine, Yamagata, 26/09/1968-)

 
abe kazushige

Abe Kazushige a abandonné ses études secondaires pour aller suivre des cours de cinéma à Tokyo.
Diplômé de l'Académie japonaise de cinéma, il s'est fait connaître en 1994 par son roman La Nuit américaine (Amerika no yoru) qui a remporté le prix Gunzô des Nouveaux Ecrivains.
Ses romans suivants ont remporté plusieurs prix, notamment le prix Akutagawa en 2005 pour Grand Finale.
Pisutoruzu (un roman de plus de 600 pages) remporte le prix Tanizaki en 2010.

Il vit avec Kawakami Mieko.



kazushige

- Projection privée (Indibijuaru Purojekushon, 1997; 10/18, 190 pages, traduit en 2000 par Jacques Lévy).
Ce roman se présente sous la forme d'un journal (ou d'extraits de journal ?) tenu par Onuma, jeune (moins de 33 ans) projectionniste dans un cinéma un peu minable, le Cinéma international de Shibuya. Il rédige ses réflexions, ses remarques de manière très objective, quasi clinique.
La forme même du journal lui permet d'avoir le contrôle de ce qu'il raconte, puisqu'il rapporte toujours les événements après coup ; il a donc eu le temps de les digérer, les remanier, d'y réfléchir (si on voulait aller plus loin, on pourrait même penser que c'est très subtil, et que le journal est une forme fragmentée du roman qui fait écho au fait que le film est lui-même fragmenté image après image sur une pellicule ; "le cinéma, c'est la réalité à 24 images par seconde", pour citer Godard, le réalisateur le plus sur-estimé du monde ; au passage - et sans rapport avec ce qui précède - à la télévision, il y a 25 images par seconde, du coup un film de cinéma de deux heures ne durera plus qu'une heure cinquante cinq minutes... heureusement que la coupure de publicités est là pour compenser !).

A propos du caissier d'un libre-service qui ne se cache pas d'être "un fétichiste invétéré des jambes" : "Comme il me soupçonnait d'avoir moi aussi des penchants dans ce goût, je lui ai dit que, ces temps-ci, je donnais dans le voyeurisme. Toujours est-il que, selon les journaux, la criminalité et le chômage ne cessent de croître, que déjà l'été s'annonce froid et que les agriculteurs sont complètement découragés. Les politiciens n'arrêtent pas de commettre des bourdes diplomatiques et gagnent l'hostilité du monde entier. Sans doute tout cela va-t-il se solder par une guerre. Sur les écrans de cinéma les monstres s'en donnent à coeur joie. Bref, il ne se passe que des choses inquiétantes." (pages 11-12).
Il est vrai qu'Onuma aime observer les gens. Depuis sa cabine de projectionniste, il ne regarde pas les films. "Je regarde autre chose à la place. D'où je suis j'ai vue sur la totalité des sièges, de sorte que je suis tout le temps en train d'observer ce qui se passe parmi les spectateurs. C'est plus intéressant que le film. Et ce n'est jamais le même spectacle." (page 26)

Il a visiblement la volonté de se tenir au courant des choses du monde, d'être un observateur attentif de ce qui se passe, tout en gardant un profil bas. Il semble cacher quelque chose...
Un jour, il se trouve pris un peu légèrement dans une rixe ("Quelle bêtise j'ai commise aujourd'hui.", page 12 - et on remarquera qu'il n'y a pas de point d'exclamation, mais bien un vrai point, qui dit la chose factuellement. Un peu comme Droopy qui dirait "I am happy". Les "!" et autres "!?" font leur apparition progressivement, accompagnant le crescendo maelströmien de l'intrigue).
Devant quatre jeunes morveux à qui il doit régler leur compte, on voit que Onuma semble être un vrai professionnel du combat, très observateur. "Trois parmi les quatre portaient les cheveux longs qui, à l'état naturel et sans produit coiffant, ne manqueraient pas de leur gêner la vue au premier mouvement. Ils avaient tous des AJXI aux pieds." (page 17).
Plus loin : "Bien m'avait pris ce jour-là de ne pas avoir chaussé mes Irish setters et choisi mes Nylon cortez. J'avais le pied léger, ce qui facilitait l'attaque." (page 18).
Après la baston, Onuma s'en veut de s'être laissé aller..."Pourvu que mes patients efforts depuis près de six mois pour ne pas me faire remarquer ne soient pas gâchés. Ce genre de conduite futile peut coûter la vie à un espion en sommeil." (page 19).

Qui est vraiment Onuma ? Et que s'est-il passé six mois auparavant ?

Il tente d'analyser son désir de violence : "Je le reconnais, j'ai tendance à être attiré par la violence. Mais alors pourquoi le suis-je, ou encore pourquoi les gens le sont-ils ? Prétendre que c'est pour combler le vide creusé par l'ennui peut tenir lieu d'explication, pourtant rien ne dit qu'il suffise que l'ennui disparaisse pour que se dissipe l'attrait qu'elle exerce. Difficile également de croire que ce soit la formation que j'ai reçue quand j'étais élève au Cours qui soit à l'origine de mon très fort intérêt pour tout ce qui a rapport à la violence." (page 20)
Mais quel est ce mystérieux Cours ?
Le passé va remonter à la surface à la suite d'un accident (mais est-ce vraiment un accident ?).
Que se passe-t-il exactement ? Y a-t-il vraiment des complots ? Tout cela relève-t-il d'un esprit fiévreux, paranoïaque ? Cela sert-il à quelque chose de se poser des questions ?

Confusion, révélations, et contre-révélations se suivent...

Il est sans doute vrai, comme le mentionne la quatrième de couverture, qu'il y a quelque chose de Fight Club (n'ayant vu que le film, je ne serai pas catégorique).

Tout est flou et sujet à caution dans le livre, jusque dans les détails. Prenons les dates. On trouve par exemple "29 juin (mercredi)", "20 août (samedi)"... Jusque là, c'est cohérent.
Mais comme tout est minutieusement précisé, page 96 il est question de chaussures : Air Max 95, Air Max 96. On pourrait penser qu'on est en 1996 ou en 1997, mais est-ce vrai ? En quelle année se déroule le roman ? Une petite recherche montre qu'un 20 août qui tombe un samedi, on en a un en 1994, ce qui trop tôt, les Air Max 96 n'existaient pas, le suivant étant... en 2005 ! Donc, Abe Kazushige aurait écrit en 1997 un roman futuriste ? Les jours de la semaine tombant à chaque fois correctement par rapport au jour du mois, il a forcément consulté un calendrier. Cela relève donc bien d'une intention...

C'est quand même curieux... comme le livre, pas mal, parfois un peu long (la confusion ça va bien cinq minutes, mais à force, quand tout peut arriver, l'attention faiblit, on n'est même plus vraiment surpris, juste blasé).
Ceci dit, il y a quand même une atmosphère, et l'intrigue est souvent... intrigante.

nipponia nippoon
En couverture : un ibis nippon

- Nipponia Nippon (Nipponia Nippon, ニッポニアニッポン , 2004). Roman traduit du japonais par Jacques Lévy en 2016. Editions Philippe Picquier. 143 pages.

Le roman commence de façon abrupte :
"Trois solutions : les élever, les libérer ou les abattre.
Mais le choix allait se restreindre s'il s'en tenait à ce qui était réalisable.
Parmi les trois, l'idée de les élever devait être écartée. Il ne serait pas facile de les transporter de l'île de Sado à Tokyo et en plus ces oiseaux étaient bien trop grands pour être gardés dans une pièce de six tatamis.
" (page 5)
Le narrateur parle des ibis japonais, dont le nom savant est Nipponia nippon (c'est donc le titre du roman). Voici quelques détails tirés de Wikipedia sur ces Ibis japonais à crête ou Toki :
"Les derniers ibis sauvages sont morts au Japon en octobre 2003, la population sauvage restante a été trouvée seulement dans la province de Shaanxi (Chine) jusqu'à la réintroduction d'oiseaux élevés en captivité au Japon en 2008. Ils étaient donc présumés éteints en Chine, jusqu'en 1981 où à nouveau sept ibis ont été vus dans le Shaanxi.
De vastes programmes de sélection captive ont été développés par le Japon et la Chine pour préserver les espèces de Toki.
"

Le roman va nous faire suivre, de façon ultra-précise, l'intérêt que Tôya Haruo, un jeune homme, a pour ces oiseaux. Haruo est quasiment un hikikomori. Il considère ses parents (son père est le patron d'un restaurant de soba) comme des moins que rien (de façon générale tout le monde le sous-estime, etc). Il est instable psychiquement, il a des problèmes d'attention, son imagination vagabonde.
Il a dû interrompre ses études au lycée.
Son intérêt pour les ibis a commencé le jour où il "avait apris en consultant le dictionnaire que le premier des deux caractères qui formaient son nom de famille se lisait aussi toki et signifiait ibis." (page 17).
Il cherche à se rendre intéressant :
"Convaincu, sans le moindre fondement, que le caractère qui signifiait ibis était un signe de noblesse, il lui arrivait même de s'en vanter auprès de ses camarades." (page 17)

Au Japon, on trouve des ibis sur l'île de Sado, dans un "Centre de sauvegarde". Mais ces ibis ont été ré-introduits depuis la Chine, du coup peut-on dire que ce sont des vrais ibis japonais ? Pourquoi les gens se réjouissent-ils en feignant de ne pas voir ça ? se demande Haruo...
Quoi qu'il en soit, ces ibis sont contrôlés par les hommes, ils sont dans des cages à Sado. Ils font ce que les hommes veulent qu'ils fassent : se reproduire. Ils ne sont pas libres.
Haruo se sent investi d'une mission, c'est ce qu'il écrit :
"Ce qui m'importe vraiment à présent se résume à une seule chose : détruire le « scénario écrit par les hommes ». Je le dis tout net : le salut des ibis n'est qu'un prétexte. C'est pour moi que je vais le faire. Et, pour cela, j'ai commencé par me retrouver seul. C'est le destin qui l'a voulu. [...]
Ce n'est pas pour les ibis que je vais agir. Si cette créature représente pour moi une sorte de double, c'est en même temps un puissant détonateur qui servira à bouleverser ma vie.[...] Les ibis vont, par mon intermédiaire, pouvoir prendre pour la première fois leur revanche. Ils vont, avec mon aide, ruiner le dessein fomenté par cet Etat appelé Japon. [...]
En contrepartie de mon concours, les ibis vont conférer à ma vie un sens insigne et me conduire vers un salutaire changement. Il en sera ainsi, c'est sûr. Je vais leur faire regretter, à toute cette clique, de m'avoir réduit à la solitude...
" (pages 56-57).

Haruo va donc, tout seul, monter une opération pour mettre fin au scénario écrit par les hommes.
Cette opération est décrite très, très minutieusement. On a droit à tout : les informations trouvées sur internet, les articles de loi indiquant quelle peine risque Haruo, comment il va chercher à se procurer du matériel, son entraînement... Et, au fur et à mesure, on a des éléments sur ce qui s'est passé lorsqu'il était au lycée.

Globalement, il ne faut pas s'attendre à un texte haletant : il y a tant de précisions (on connaîtra la minute exacte du départ du train, le numéro, le quai, et on saura même que Haruo s'installe sur le siège A de la rangée 29... à quoi bon ? faut-il vraiment en passer par là pour ajouter du réalisme ? ou bien cet excès de précision est-il destiné à créer un malaise ?) ... La description du jeune homme perturbé est probablement réussie, mais c'est l'inconvénient de la réussite : il n'est pas passionnant. Heureusement, le livre est court.


Quelques autres livres, non (encore ?) parus en français :
- La Nuit américaine (Amerika no Yoru, 1994). Prix Gunzô des Nouveaux Ecrivains
- ABC Sensô (1995)
- Un Monde sans passion (Mujô no Sekai, 1999). Prix Noma, catégorie Nouveaux écrivains
- Movie Notes, volume 1
- Complexe Cinéma, écrit en collaboration avec Shinji Aoyama (le réalisateur de Eurêka, Desert Moon...) et Nakahara Masaya.
- Grande Finale (2005), prix Akutagawa.
- Plastic Soul (2006).
- Mysterious Soul (2006)
- Pistols (2010)

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