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BANDO Masako (坂東眞砂子)

(Préfecture de Kochi, île de Shikoku, 1958 - Préfecture de Kochi, 27/01/2014)

masako bando

Bando Masako a étudié l'architecture et le design à Milan pendant deux ans avant de retourner au Japon.
Elle a publié son premier roman en 1993 : Shikoku.
Elle a obtenu le prix Naoki en 1997 pour son roman Yamahaha (la Sorcière de la Montagne), et le prix Shibata Renzaburō en 2002 pour La Route de Mandala (Mandara-do ; 曼荼羅道).

Elle a vécu plusieurs années à Tahiti, où elle a fait parler d'elle pour une sombre histoire de chatons jetés par-dessus la falaise (cf
http://www.indymedia.org.uk/en/2006/08/349108.html et http://hollowayroad.blogspot.com/2006/08/from-japan-times-essay-about-tossing.html, avec une partie en français).
On lui diagnostique un cancer de la langue en 2013.
Elle est décédée en janvier 2014.

 

les dieux chiens

- Les Dieux Chiens (Inugami, Actes Sud - actes noirs, 2008, 316 pages, traduit par Yutaka Makino).

Ce roman a été écrit en 1996. Il se déroule à notre époque.
C'est l'histoire de Miki Bonomiya, une femme qui vit dans un hameau de l'île de Shikoku, Ominé.
"Ominé était un hameau d'environ soixante maisons situé dans la région montagneuse de Kochi. Les terres habitables et cultivables aménagées à flanc de montagne étaient soutenues par des murets de pierres enfoncées comme des cales sur les pentes. Toits de tuiles grises et murets gris des champs en escaliers. Le hameau vu de loin ressemblait à des fortifications occidentales. Mais l'ennemi n'était pas l'homme. En été les typhons, en hiver les rafales de vent venues de la vallée. Le village se dressait dans le ciel comme pour s'opposer au vent." (page 21).
"C'est le printemps, pensa Miki. [...]
Chaque année, à l'arrivée du printemps, elle se sentait triste. Elle savait que si elle ressentait une telle mélancolie au printemps, et pas à l'automne où les montagnes prenaient les couleurs des feuilles mortes, ni en hiver où tout semblait mort, c'était à cause de sa propre vie.
Tout au long de l'année, la vie de Miki était trop calme. Pour elle qui, à l'âge de quarante et un ans, était restée célibataire et vivait encore chez sa mère avec la famille de son frère aîné, les journées stéréotypées avaient toutes le même aspect. Le matin elle se levait, préparait le petit déjeuner avec la femme de son frère, rangeait, faisait la lessive et quittait la maison. Arrivée à son atelier où elle pouvait se rendre à pied, elle passait sa journée à fabriquer du papier traditionnel, ce qui assurait plus ou moins sa subsistance.
" (page 22).
Cet atelier se trouve près du cimetière familial, celui des Bonomiya :
"Y reposaient les ancêtres de la famille, venus de Tokushima plusieurs siècles auparavant, qui avaient aimé cette pente du mont Bandokoro et s'y étaient installés. L'atelier de Miki se trouvait à l'est de ce cimetière, au milieu d'un bois de cèdres."
Tous les matins, elle prie devant une statue (un jizo), à l'entrée du cimetière :
"Avec son tablier rouge et son bâton de pèlerin aux six anneaux sonores, le bodhisattva posait un regard tranquille sur les gens qui passaient. Miki sortit une mandarine de son panier, la déposa au pied de la statue et joignit les mains." (page 28).
Tous les ans se déroule la fête des ancêtres de la famille Bonomiya. "D'enfant on devenait adulte, et finalement on se retrouvait dans le cimetière familial. N'importe quelle personne née dans cette famille était aspirée dans le courant de sa destinée. Au fur et à mesure des fêtes pour les ancêtres, les individus prenaient conscience de ce courant. Et bientôt, tout comme le doyen qui sirotait sa coupe de saké devant le tertre aux ancêtres, on finissait par laisser voir dans un visage au sourire doux une attirance pour un sommeil éternel dans ce cimetière." (page 257-258).

Cette vie bien tranquille, bien ordonnée, va être perturbée : arrive un nouveau et jeune professeur de collège sur sa moto.
"Vrooumm. [...]
"Son jean moulait ses jambes musclées comme une seconde peau bleu marine.
" (page 29).

Mmmm... qu'il est séduisant, le jeune homme ! De plus, il semble apprécier le coin.
"- C'est un bel endroit.
Devant eux, les arêtes montagneuses se succédaient en différents plans, les pentes colorées par les fleurs de cerisiers sauvages et les magnolias filaient jusqu'au fond de la vallée. Hameaux et rizières étaient regroupés en bordure de la départementale le long de l'Ikeno qui coulait dans le creux.
" (page 31).
"- C'est bien ici, le ciel est si proche.
Ses yeux brillaient avec éclat. Ils ressemblaient à ceux du milan. Des pupilles rondes dissimulant une sauvagerie brutale. Elle eut l'impression qu'elle risquait d'être envoûtée, et elle détourna les yeux.
" (page 33).
En plus, il aimerait bien voir comment se fabrique le papier traditionnel. Miki est perturbée. A son âge...

Très rapidement, des événements curieux se déroulent : tous les habitants du hameau font de mauvais rêves. On trouve des traces d'un gros animal...
La mère de Miki se lève en pleine nuit pour faire quelque chose - quoi ? simplement prier ? - devant l'autel bouddhique.
La nuit elle-même semble étrange. "La vitre était aussi sombre que si on l'avait recouverte de papier noir.
Pour des ténèbres nocturnes, c'était trop noir.
" (page 93).

Un vieux du village finit par demander :
"- Quelqu'un se serait-il fait mordre par les dieux chiens ?
- Les dieux chiens ? répéta Miki, ahurie d'entendre ces mots sortir de la bouche du vieil homme.
Depuis toujours à Tosa, il y avait cette hantise des dieux chiens.
"

Légende, réalité, Japon ancestral et moderne...

"Le quotidien de Miki était aussi stable que les maisons de son village, et n'aurait pas dû être ébranlé. Comme pour le village accroché au flanc du mont Bandokoro depuis plusieurs centaines d'années, elle était persuadée que le changement n'existait pas." (page 222)


Eh oui, son quotidien va être sacrément ébranlé, et pas que le sien... D'autant que Masako Bando n'y va pas toujours avec le dos de la cuillère, hé hé !


Mais pourquoi publier ce roman dans la collection Actes noirs ("romans noirs et thrillers") ? Il n'y a pas d'inspecteur, et pas d'enquête.
Et pourquoi écrire sur la quatrième de couverture qu'il s'agit d'un "roman noir qui frise le fantastique" ? Allons bon ! Comme si on écrivait que le film Independance Day frise la SF, que King Kong est un documentaire animalier qui frise le fantastique, etc.
A notre époque, le fantastique a-t-il encore mauvaise presse, comme les romans policiers à une époque ?

Plus sérieusement, Les Dieux chiens est un peu comme la Féline, le film de Tourneur. Une bonne histoire avec une louche de fantastique, de contes et légendes, de malédiction familiale, versée sur le quotidien.


Les Dieux chiens est donc un vrai bon livre qui relève du fantastique/horreur (comme Le Golem, la Féline ou Rosemary's Baby), prenant, et finalement bien écrit (et traduit).


Un film en a été tiré en 2001.


Films tirés de son oeuvre :
- Shikoku (1999), réalisé par Nagasaki Shunichi (adapté trop librement, d'après http://www.dvdtimes.co.uk/content.php?contentid=56371 ).
- Inugami (2001), réalisé par Masato Harada.



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