Livre.gif (217 octets) Littérature Japonaise Livre.gif (217 octets)



-
dictées

- listes
- liens recommandés


Papillon.gif (252 octets)

-> retour Japon <-

retour
page d'accueil

 


OKUDA Hideo (奥田 英朗)

(Gifu, 23/10/1959 -)

hideo okuda

Né en 1959, Okuda Hideo publie son premier roman en 1997, après avoir travaillé dans un magazine. Il remporte le Prix Naoki 2004 pour le deuxième volume des Remèdes du Docteur Irabu.

 

les remèdes du docteur irabu     version poche   okuda hideo - couverture japonaise   version allemande    irabu en espagnol
Couverture de Romain Slocombe ; puis, la version poche (chez Points), les couvertures japonaise, allemande et espagnole.

Les Remèdes du Docteur Irabu (In the Pool, 2009). Traduit du japonais par Silvain Chupin. 282 pages. Editions Wombat.

Le livre est constitué de cinq nouvelles autonomes (qui avaient d'ailleurs été publiées séparément dans un magazine littéraire). On y retrouve à chaque fois le Docteur Irabu.
Chaque nouvelle présente un "cas" : une personne vient consulter à la "Clinique générale Irabu". La médecine traditionnelle étant incapable de régler son problème, le patient est redirigé vers le sous-sol, où officie le Docteur Irabu, psychiatre de son état.

Dans la première nouvelle (À la Piscine, qui donne le titre du recueil en japonais), nous voyons ainsi un cadre stressé atteint de différents maux : il soufre de la poitrine, il a des coliques, une impression de suffocation, etc..
Kazuo, notre cadre stressé arrive à la porte du psychiatre.
"Frappant timidement à la porte, Kazuo entendit aussitôt, de l'intérieur, une voix stridente lui lancer :
- Entrez, entrez donc !
On aurait dit la voix de Shigeo Nagashima, l'entraîneur des Yomiuri Giants. Kazuo ouvrit la porte et fit un pas dans le cabinet de consultation.
Il leva la tête. Un médecin obèse, âgé probablement d'une quarantaine d'années, était confortablement installé dans un fauteuil. À un bureau dans un coin de la pièce, une jeune infirmière aux cheveux teints en châtain lisait un magazine et ne lui adressa pas un regard.
[...]
- J'ai regardé votre dossier, dit Irabu d'un air ravi. C'est psychosomatique.
" (page 6).
On fait ainsi la connaissance du docteur Irabu : un type obèse qui paraît complètement givré. L'infirmière, exhibitionniste et maussade, elle, est une bombe. Mais où suis-je tombé ? se demande le patient.

"Que ce soit bien clair entre nous : je ne vais pas vous poser de questions, dit Irabu.
- Pardon ?
- Chercher la raison de votre stress, ou étudier le moyen de l'éliminer, moi, je ne fais pas ce genre de choses.
- Ah bon ?
- Allons, on ne voit plus que ça à la télé ces derniers temps : des psychothérapeutes qui écoutent les soucis des malades et qui les encouragent à faire ceci ou cela. Ce genre de trucs, ça ne sert à rien du tout.
- ... vous croyez ?
- Oui. D'abord, à quoi ça servirait que je vous écoute ? Imaginons que vous êtes tourmenté parce que vous avez tué quelqu'un dans le passé. Eh bien, tout ce que je pourrais faire, ce serait vous conseiller de vous livrer à la police, ou alors de vous extorquer de l'argent pour acheter mon silence, non ? [...]
Ce que je veux dire, c'est que le stress fait partie de la vie, et qu'on perd son temps à vouloir faire disparaître quelque chose qui est là depuis toujours. Et donc, il vaut mieux s'orienter dans une autre direction.
- C'est-à-dire...
Ah, il y a donc quelque chose à faire ? pensa Kazuo.
- Vous pourriez tendre une embuscade à des yakuzas dans un quartier chaud la nuit, par exemple.
Kazuo fronça les sourcils pour la troisième fois.
- Ça, c'est le frisson garanti ! Vos petits soucis sans intérêt, vous pouvez être sûr que ça vous en débarrassera. Parce que, forcément, ils ne vont pas vous lâcher.
" (page 10) .

Quelques instants après :
" - Bien, on vous fait une piqûre ? lança Irabu en se tapant sur les cuisses." (page 11).
On découvre la passion des piqûres de notre bon docteur ; d'ailleurs, voici la quatrième de couverture (pour une fois qu'une quatrième de couv' ne nous en dit pas trop !) :

les remèdes du docteur irabu

C'est la "petite Mayumi", l'infirmière aux tendances exhibitionnistes (elle fait la couverture, elle, c'est plus vendeur), qui est chargée de les faire. Ça, et apporter le café. Sinon, elle passe son temps à lire des magazines.

Parmi les patients, on a aussi, dans la troisième nouvelle, un jeune accro du SMS ("mail" chez les Japonais). Il en envoie des centaines tous les jours, il décrit en direct ce qui lui arrive. Il est atteint d'un tremblement incontrôlable dès qu'il n'a pas son téléphone portable près de lui.
"Il entra et se trouva face à un médecin d'âge mûr et obèse, assis dans un fauteuil.
< Un hippo ! C'est un hippopotame ! Suis hyper flippé ! >
- Yûta Tsuda, c'est ça ? Qu'est-ce que tu es train de faire ? lui demanda le médecin dont les bajous tremblèrent.
" (page 186).

Le docteur Irabu a des réactions de grand gamin complètement immature : candeur et innocence... ou pas. Il est très fort, mais presque par hasard, et avec des méthodes absolument pas orthodoxes. Il entre dans le jeu des patients, les encourage même de façon a priori irresponsable (il donne de nouvelles sources d'angoisses au patient qui met deux heures à quitter son appartement, tellement il a peur que les cigarettes qu'il ne peut s'empêcher de fumer causent un incendie...).
Alors, est-il idiot ou génial, le gros docteur ?

Sans trop savoir pourquoi, un peu fascinés par cet hurluberlu, ses patients reviennent, jour après jour (ils prennent le psychiatre pour un imbécile, ça les rassure peut-être). Ils ont droit à leur piqûre, bien sûr, mais surtout ils peuvent parler au docteur, même quand tout le monde, dans leur entourage, se détourne d'eux (par exemple, dans la troisième nouvelle, une fille canon qui est persuadée d'être suivie).


Le caractère excessif des histoires, le style efficace, tout fonctionne très bien. Ce n'est pas de la haute littérature (ce que les Japonais appellent la "littérature pure", dont les prix de référence sont les prix Akutagawa et Tanizaki, en gros), mais de la très bonne littérature "populaire" : un vrai bon moment de franche rigolade, ce qui n'est vraiment pas fréquent dans les livres japonais traduits en français.
Ensuite, bien sûr, le sens de ce qui est drôle ou pas, cela dépend de chacun.

 

A noter que, dans la catégorie "différences culturelles entre la France et le Japon", on apprend que, dans les piscines japonaises, il est impossible de nager plus de cinquante minutes sans interruption : un maître nageur, qui vous surveille (et apparemment vous chronomètre) donne un coup de sifflet et vous contraint à une pause de dix minutes. Quelle frustration pour les accros de la natation !


Un film de Miki Satoshi (In za pûru, 2005) a été tiré de ce livre. La réalisation est paresseuse (le réalisateur ne sait pas toujours quoi faire de sa caméra), le film manque de rythme, les acteurs ne sont pas très bons, et la musique tire vers ce que l'on peut s'attendre à entendre dans un ascenseur.

le film
A gauche, le docteur Irabu. Il devrait ressembler à un hippopotame... eh bien non. Il est presque maigre. Et il n'est même pas drôle, même s'il fait des efforts. Au milieu, l'infirmière exhibitionniste. Sauf que, dans le film, elle ne l'est pas, exhibitionniste. A droite, un patient.
Heureusement, comme dans le livre, le docteur Irabu aime regarder les piqûres. Mais il n'y en a aura qu'une seule.
le film
Il y a même des contresens dans la méthodologie du docteur : au lieu d'inquiéter encore plus un patient - d'ailleurs changé en patiente dans le film, on se demande pourquoi - il lui donne des trucs pour apaiser ses angoisses...
Bof.

Pour éviter de tomber dans le film à sketchs et lorgner vers le film "choral", les histoires du livre (trois sur cinq ont été retenues) sont mixées : on passe d'un personnage à l'autre, mais la sauce ne prend pas. Le scénario s'éparpille inutilement dans des histoires sans intérêt, sans se focaliser sur les obsessions des patients. De plus, on a l'impression que les patients sont nombreux, puisqu'on les voit tous en même temps, alors que ça ne doit pas être le cas, ce qui permet incidemment au docteur de consacrer un temps anormalement important à certains de ses patients (lorsqu'il se met à la natation, par exemple).
Bref : le film est un ratage.
Mieux vaut lire le livre !

A priori, le deuxième volume devrait suivre : "Il est l'auteur d'une oeuvre riche et variée, plusieurs fois primée, dont les éditions Wombat s'attacheront à faire connaître les multiples facettes" (dixit le rabat de couverture).
Chouette.

un yakuza chez le psy

Un Yakuza chez le psy (Kûchû Buranko, 空中ブランコ, 2004). Traduit du japonais par Jacques Lalloz. 280 pages. Editions Wombat.
Ce livre a obtenu le Prix Naoki en 2004.

Notre bon docteur Irabu continue à recevoir des patients qui ont des problèmes psychologiques originaux, et à les traiter de façon non moins originale.
Voici par exemple Kôhei Yamashita (dans la nouvelle Le trapèze, qui donne son nom au recueil en japonais), trapéziste de profession, qui vient d'entrer dans le cabinet du docteur. Ce dernier lui demande :
"Alors comme ça, vous venez de Shizuoka, vous êtes employé et vous souffrez d'insomnie. Si vous ne pouvez pas passer régulièrement, on va vous faire une injection avec une seringue de bonne taille. Ha, ha, ha !
- Pardon ?
Le sillon entre les sourcils de Kôhei se creusa davantage.
- Hé ! Ma petite Mayumi !
Son appel fit apparaître de derrière un rideau une jeune femme terriblement sensuelle. Une seringue de la grosseur d'un hot-dog trônait sur le plateau qu'elle tenait à la main.
- Euh... Vous ne comptez quand même pas m'anesthésier ?...
- Non. C'est un simple produit vitaminé. C'est bien connu, pour un sommeil tranquille, rien ne vaut un complément vitaminé.
" (pages 10-11).

Rien n'a changé depuis le volume précédent : l'infirmière super sexy mais qui fait la gueule, le docteur Irabu - toujours obèse - qui frétille à l'idée de voir une piqûre. Sa Porsche n'a pas changé de couleur (caca d'oie). Et se pose l'éternelle question : est-il bête ou génial ?

Comme à chaque fois, il s'immisce dans la vie de ses patients, va les voir sur leur lieu de travail. Il est très gros, mais il va se mettre au trapèze ! Et lorsqu'il devra aider un yakuza qui a des problèmes avec tout ce qui est coupant (ce qui est bien handicapant dans sa profession), il va aussi donner de sa personne.
On voit notre bon docteur à une réunion d'anciens élèves, et on en apprend de belles sur ses petites blagues d'étudiant ("il avait enduit de peinture fluorescente le squelette de l'amphi", page 117).

A part ça, j'ai appris ce qu'était un yips (voir Wikipedia), à l'occasion de la consultation d'un joueur de baseball.

On fera aussi la connaissance d'une femme écrivain, Aiko Hoshiyama, la « reine charismatique du roman d'amour » qui a brusquement du mal à écrire : elle se demande sans cesse si elle n'a pas déjà écrit telle ou telle scène dans un de ses précédents livres... elle ne peut plus avancer tant qu'elle ne l'a pas vérifié. Il y a des années, elle avait tenté de changer de style. Elle avait été persuadée d'avoir écrit un chef-d'oeuvre... mais le livre ne s'était pas vendu.
"Aiko avait compris à ses dépens la dure réalité : l'estime des connaisseurs ne fait pas les ventes." (page 240).
Y aurait-il un lien avec sa maladie actuelle ?

Cinq nouvelles loufoques, parfois vraiment drôles (il ne faut pas craindre d'éclater de rire dans les transports en commun), mais dans lesquelles il manque la surprise du premier volume.

On attend le troisième volume.

lala pipo

Lala pipo (ララピポ, Rarapipo, 2005). Traduit du japonais par Patrick Honnoré et Yukari Maeda. Editions Wombat. 280 pages.

Le livre, un "roman polyphonique" (dixit la jaquette) est composé de six parties, qui sont presque autant de nouvelles ayant leur intérêt propre, de façon indépendante. Le personnage principal de chaque partie a été vu ou entr'aperçu dans une partie précédente, prolongeant parfois ainsi l'histoire en variant le point de vue.
Chaque partie porte le titre d'une chanson : What a fool believes ; Get up, Stand Up ; Light My Fire ; Gimme Shelter ; I Shall Be Released (écrit par le prix Nobel Bob Dylan) ; Good Vibrations. On ne comprend parfois que tardivement le lien entre ce titre et le contenu du texte, et c'est drôle (Light My Fire).

On commence par s'intéresser à un rédacteur free-lance, un jeune homme de trente-deux ans, un peu glandeur, qui a un petit boulot minable lui permettant à peine de vivre. D'ailleurs, ses économies baissent de mois en mois, c'est inquiétant.
Un jour, un nouveau voisin emménage au-dessus. Le soir, ce voisin amène souvent des jeunes femmes, et leurs ébats s'entendent à travers le plafond mal isolé. Ça excite notre héros, qui vivait jusque là une vie plutôt recluse. Ça le tracasse beaucoup : comment se fait-il que son voisin, qui a l'air d'un imbécile, puisse se tape des super nanas, alors que lui, notre héros rédacteur free-lance, sorti d'une grande université, doivent se contenter de bien peu ?

Dans la partie suivante, comme attendu, on va suivre le fameux voisin du dessus dans son activité, qui tourne bien sûr autour du sexe.
Et on continue avec des personnages hauts en couleurs : une jeune femme, rencontrée dans une bibliothèque, dont on découvre les activités (c'est un grand moment) ; une femme plus âgée qui vit dans une maison pleine de détritus (ce qui évoque Le Pèlerinage, de Hashimoto Osamu), espionne ses voisins, et qui peut enfin s'épanouir ; un romancier de romans érotiques qui aimerait qu'on le reconnaisse comme un auteur à part entière... Concernant ce dernier personnage, Keijirô, le voici au travail :
"Des romans érotiques, il en avait écrit plus d'une centaine, et pourtant les dicter à l'enregistreur le faisait toujours bander. Son sexe était son baromètre et une érection solide le gage d'un roman réussi, se disait-il." (page 195).
Il va retourner sur le terrain, à Shibuya, pour enrichir son imaginaire, et constater qu'avec les années, les filles se sont sacrément décomplexées.
"Quand il vit des jeunes filles marcher fièrement dans Center-gaï, il en ouvrit deux yeux ronds.
Quelles allures criardes ! Pas une n'avait les cheveux noirs. Même les lycéennes en uniforme de leur établissement avaient des airs de filles de pink salons !
Ça ne lui ferait jamais des modèles pour ses romans, ça, se dit Keijirô. Les lecteurs de romans érotiques étaient essentiellement des hommes d'un certain âge, qui vénéraient les jeunes filles pour l'image de pureté qu'elles représentaient. La femme modeste et réservée, qui ne montre un visage débauché qu'au lit, voilà le type de personnage féminin qu'ils aimaient.
Non, mais attends... Malgré son apparence dévergondée, une jeune fille qui n'est encore qu'une débutante pour les choses du sexe, encore une enfant... Prise à l'hameçon de la technique sexuelle éprouvée d'un homme d'âge mûr, elle se métamorphose, quittant l'âge ingrat où les enfants sont généralement insolents pour devenir une femme soumise à son maître...
Ça ferait un fil conducteur pas mauvais, ça, pour mon prochain roman. L'inspiration lui ensoleilla le coeur.
Mais pour ça, il fallait quand même en savoir un peu plus sur le coeur de la lycéenne d'aujourd'hui. Au moins pour rendre les dialogues vivants. Alors, on en aborde une pour voir ?
" (page 201).
Notre écrivain constate qu'il est un peu décati... est-ce que cela posera un problème ? Non, bien sûr, car il n'y a pas trente-six possibilités pour pouvoir s'acheter un sac de marque. Or, c'est important, d'avoir un sac de marque.
Et notre écrivain libidineux de baver sur les jeunettes :
"Quelle magnifique croissance ! Quel bonheur de vivre dans un pays qui donnait à manger à leur faim à ses enfants !" (page 218)

Au-delà de scènes souvent franchement drôles, burlesques, le roman aborde évidemment un sujet très contemporain : la solitude, le problème des relations entre humains, le virtuel et le réel.
Très bien.

Pour le plaisir :



- Retour à la page Littérature japonaise

 

Toute question, remarque, suggestion est la bienvenue.MAILBOX.GIF (1062 octets)