Littérature Japonaise
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"Shōhei Ōoka était romancier, critique littéraire et traducteur de littérature française. Ōoka appartient à ce groupe d'écrivains d'après-guerre pour lesquels la Seconde Guerre mondiale occupe une importance considérable dans leurs œuvres. Tout au long de sa vie, il publia des nouvelles et des critiques dans presque tous les magazines littéraires du Japon. Son père était agent de change. Élevé dans l'amour de
la littérature dès son plus jeune âge, il apprend le français au lycée,
puis est diplômé de littérature de l'université de Kyōto. En 1944, il est incorporé dans l'armée et après seulement trois mois d'instruction, envoyé sur la ligne de front dans l'île de Mindoro dans les Philippines. En janvier 1945, il est capturé par l'armée américaine et envoyé dans un camp de prisonniers sur l'île de Leyte. Avoir survécu, quand tant d'autres étaient morts, lui fut un traumatisme. Il regagne le Japon à la fin de 1945. Ce n'est qu'après la guerre que Ōoka commence sa carrière d'écrivain. Il
publie un récit autobiographique sur son expérience de prisonnier de guerre
intitulé Furyo ki (Journal d'un prisonnier de guerre). En 1958, loin de ses premières préoccupations, Ōoka publie Kaei (L'Ombre des fleurs), dans lequel il dépeint la lutte puis la résignation d'une hôtesse de boîte de nuit dans le Ginza décadent de la fin des années 50. À la fin des années 60, Ōoka revint à son sujet de prédilection : la guerre dans le Pacifique et la défaite des Japonais aux Philippines, pour l'un de ses derniers ouvrages, un roman historique, Reite senki, relatant la bataille de Leyte, pour lequel il entreprit pendant trois ans des recherches très complètes. Il envisage la guerre du point de vue d'un épit de réserves morales, est obligé d'obéir." (adapté de Wikipedia) - Les Feux (Nobi, 1957, roman traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle en 1995). Le Livre de Poche-biblio. 221 pages. Postface de Maya Morioka Todeschini. Puis le roman commence ainsi :
Tamura se rend donc vers l'hôpital, par un chemin forestier. Il pense que c'est la dernière fois qu'il parcourt ce chemin, que la mort est au bout, ce qui le fait s'interroger sur ce qu'est la vie, ce qu'est la mort. Tamura est un intellectuel (Une femme a une réaction "qui ressemblait [...] à celle de Lisa décrite par Dostoïevski" - page 105-, des "pigeons ramiers chantaient les deux premières mesures du thème d'une symphonie de Beethoven", page 110) : "Je ne disposais que de la liberté absurde de vivre comme je le voulais le temps qui me séparait de ma mort. Grâce à la grenade que j'avais sur moi, la mort faisait encore partie de mon libre choix, mais je ne pouvais qu'en différer le moment." (pages 51-52). On pourrait croire qu'il n'y a qu'à se pencher ou tendre le bras pour trouver de quoi manger... Eh bien non. "J'eus une pensée ironique envers les gens du Nord qui imaginent les richesses naturelles des pays où l'été est éternel." (page 59). Le livre est un chemin de croix. Tamura et d'autres soldats en déroute cherchent à rallier un point donné de l'île. Certains ne parviennent plus à marcher. Ils crèvent de faim sur le chemin. C'est plus qu'un cauchemar : un enfer. Un excellent roman, terrible, qui sent le vécu. Le narrateur est un homme ordinaire pris dans la guerre. Ayant la mort à l'horizon, et cet horizon se rapprochant, il réfléchit à ce qu'est la vie, s'interroge sur Dieu (les références religieuses sont très nombreuses, et déjà annoncées par la citation de David en exergue du livre). Tamura est amené à faire ce qui doit être fait, ce qu'il est contraint de faire. A-t-il le choix ? Y a-t-il une destinée, un chemin tracé par une volonté propre, ou bien tout ne serait-il que le fruit du hasard ? "On ne trouve ici aucune complaisance, mais au contraire un ton ironique et analytique ; il donne profondeur et rigueur à ce roman qui, sous la plume d'un auteur moins talentueux, aurait pu sombrer dans le mélodrame, ou se contenter d'énumérer les horreurs de la guerre" (Maya Morioka Todeschini, postface, page 218) On peut tenter de trouver d'autres relations avec les Psaumes de David : les chiens du Psaume 22 ("Des chiens me cernent") ; "ton bâton et ta canne, voilà qui me rassure" semblent remplacés par le fusil et l'épée, etc. Pour compléter, voici quelques extraits du très intéressant ouvrage Regards d'encre, Ecrivains japonais 1966-1986, de Jean Pérol, aux Editions La Différence.
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