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SHIGA Naoya

(Ishinomaki, préfecture de Miyagi, 20/02/1883 - Atami, préfecture de Shizuoka, 21/10/1971)

shiga naoya

 

"Son père, fils de samouraï, était banquier. La famille déménagea à Tōkyō quand Naoya avait trois ans ; ils habitèrent chez ses grands-parents, qui élevèrent l'enfant. Sa mère mourut quand il avait treize ans, et son père se remaria peu après.

Il est diplômé de la prestigieuse école Gakushūin. Il entra ensuite à la faculté de littérature anglaise de l'université de Tokyo, où il rencontra Kanzō Uchimura, qui le convertit au christianisme en 1908. Il changea ensuite de faculté pour passer à celle de littérature, mais quitta l'université peu après, en 1910 et ne reçut pas de diplôme. [...]
Il est considéré avoir perfectionné le style littéraire japonais appelé Watakushi shōsetsu, qui utilise les souvenirs subjectifs des auteurs sur leur propre vie de tous les jours. Il s'est établi une bonne réputation avec quelques nouvelles, donc Kamisori (« Le Rasoir », 1910), Seibei to hyotan (« Seibei et la gourde », 1913), et Manazuru (1920). Ces œuvres seront suivies d'autres, plus longues, comme Otsu Junkichi (1912), Wakai (« Réconciliation », 1917, écrit peu après sa réconciliation avec son père), et son roman phare, An'ya Koro (« Une longue nuit passe », 1921-1937), qui fut publié dans le magazine radical-socialiste Kaizo.

Son style laconique influença beaucoup d'écrivains et lui valut des éloges d'Akutagawa Ryūnosuke et d'Hiroyuki Agawa. Toutefois, d'autres contemporains, dont Dazai Osamu, firent de vives critiques de son style « sincère ».

Shiga déménagea plus de vingt fois dans sa vie, ce qui l'inspira à écrire des nouvelles connectées à ces endroits, dont Kinosaki ni te (« Au cap Kinosaki ») et Sasaki no bai (« Le cas de Sasaki »). Il habita la station thermale d'Atami dans la préfecture de Shizuoka dès la Seconde Guerre mondiale. Il y reçut fréquemment des amis, dont l'écrivain Kazuo Hirotsu et le réalisateur Yasujirō Ozu." (Wikipedia)

 

a kinosaki
Détail d'une estampe de Kitagawa Utamaro (1753-1806).

- A Kinosaki. Récits traduits par Marc Mécréant. Editions Philippe Picquier. 270 pages.
"Un regard panoramique sur l'oeuvre de Naoya Shiga fait apparaître une multitude de titres. [...] Or en dehors de An'ya Kôro (À Tâtons dans la nuit noire), ce ne sont que récits brefs, voire minuscules, mais tous - ou à très peu près - solidement amarrés au « Moi ». Ce sont en effet les menues phosphorescences d'une vie et des réflexions qu'elle engendre. Par cette application à recueillir ces miettes d'existence, Naoya Shiga peut passer pour le vrai fondateur, au Japon, du « récit de soi »." (Marc Mécréant, introduction, page 6).
Àpropos de son écriture :
"Ce style qui a longtemps fait - et fait encore - de lui un maître, c'est lui essentiellement qui assure Shiga de conserver dans les lettres japonaises moins peut-être une « présence » qu'une « situation ». La phrase de Shiga paraît couler de source. Un peu claire si l'on veut, mais susceptible d'irisations délicates, toujours contenue, contrôlée, maîtrisée. Chaque texte publié supposait au moins trois rédactions successives." (pages 7-8).
Pour autant le vocabulaire est volontairement restreint : "peu de mots, mais des mots efficaces, et qui, dans les dialogues, rendent toujours un son juste." (page 8).
Le recueil se compose de 14 nouvelles, présentées chronologiquement.

1/ Fil d'Aragne (Ariginu, décembre 1908 ; 6 pages).
Ce texte ressemble à un conte cruel. "Il y a de cela bien longtemps, vivait sur une montagne une déesse merveilleusement belle. Déesse de la Beauté, de l'Amour, mais aussi de la Jalousie." (page 9)
La déesse de la montagne s'éprend d'un joli pastoureau, Adani. "Mais le coeur du garçon était déjà pris ailleurs, par Fil d'Aragne, son aînée d'un an ou deux, qui tissait comme une fée et dont la beauté ne le cédait en rien à celle de la déesse." (page 10).
"La déesse devint folle de jalousie." (page 11).
Il est dangereux de susciter la jalousie d'une divinité, car que peuvent les humains contre les dieux ?
Une courte et forte nouvelle, qui peut faire un peu penser à Akutagawa (qui a d'ailleurs écrit une nouvelle intitulée Fil d'Araignée, mais cela n'a rien à voir). Il y a en tout cas une influence du mythe grec.

2/ Le rasoir (Kamisori, avril 1910 ; 12 pages)
Yoshisaburô est un barbier sensationnel. "« Barbe faite par Yoshiburô, disaient les clients, dure un jour de plus qu'ailleurs. ». Et il était fier de penser qu'en l'espace de dix ans, il n'avait à son passif aucune, ce qu'on appelle aucune, estafilade." (page 16). Mais voilà qu'un jour, il tombe malade... Pourra-t-il assurer ?
Un peu comme la nouvelle précédente, c'est court et cruel.

"Les récits qu'il a proposés jusqu'alors sont tous brefs, souvent sans véritable conclusion, et semblent parfois presque insignifiants." (Dictionnaire de littérature japonaise, sous la direction de Jean-Jacques Origas, puf, page 281). Cela ne s'applique pas aux deux premiers textes présentés, mais beaucoup plus aux suivants.

3/ La vieil homme (Rôjin, février 1911 ; 6 pages)
"A cinquante-quatre ans, il perdit sa femme. C'était en automne ; son fils entrait à la section technique de l'université de Tokyo ; sa fille aînée venait d'avoir son troisième enfant. Il parut avoir vieilli d'un seul coup de cinq ou six ans. Et sur cet homme d'affaires intrépide, on vit se dessiner l'ombre de la décrépitude, tout au moins à en juger du dehors.
Quatre mois plus tard, il se remaria avec une femme qui avait servi pendant plus de dix ans chez des nobles. Elle avait un an de moins que l'aînée de ses belles-filles, et n'oubliait pas, chaque matin, de se poudrer la nuque et les épaules.
Ainsi nanti d'une jeune épouse, il récupéra les années de vieillissement qu'il devait à la mort de sa première femme. Bien plus, il rajeunit !
" (page 27)
Mais les années passent vite, et notre homme se surprend à agir comme un vieillard qu'il avait critiqué lorsqu'il était plus jeune... C'est qu'il a maintenant l'âge de ce vieillard ! (plus de soixante-dix ans).
"Et il se disait que, tout bien considéré, ces quarante et quelque années avaient été vraiment très peu de chose." (page 30).
Une histoire sobre sur la vieillesse. Très bien.

4/ Le crime de Han (Han no hanzai, septembre 1913 ; 14 pages).
"Une chose bien inattendue s'était produite au cours du numéro de Han , un jeune jongleur chinois : un couteau avait tranché net la carotide de sa femme. Lui avait été immédiatement arrêté." (page 33).
Les témoins, nombreux, sont convoqués. Que s'est-il passé ? Le juge va procéder à des interrogatoires. Est-ce un accident, ou bien le jongleur l'a-t-il fait exprès ? Comment le savoir ? Et s'il n'est pas possible d'éclaircir les motivations du jongleur, quelle doit être la sentence ?
Encore très bien.

5/ Le voleur d'enfant. (Ko wo nusumu hanashi, janvier 1914 ; 28 pages)
Le narrateur est un jeune homme, méprisé par son père :
"- Alors, dis-moi, avec les belles choses que tu écris, comment envisages-tu l'avenir ? Comment comptes-tu gagner ta vie ?" (page 47).
Après cette altercation (peut-être autobiographique Shiga Naoya ayant rompu avec sa famille à cause de l'hostilité de son père), le jeune homme part, et finit par s'installer très loin, "dans une petite ville des bords de la mer Intérieure." (page 48). Il écrit, mais est bientôt la proie de cauchemars. Il est obsédé par une fillette de douze ou treize ans qui lui apparaît en songe... Il a des douleurs à la tête, à la nuque ... Et voilà qu'un jour, il rencontre une fillette d'une grande beauté...
Le lecteur fait une plongée dans un esprit malade. Il doit y avoir une signification plus complexe, mais je ne l'ai pas perçue. Un peu long.

kinosaki
Onsen à Kinosaki, vers 1910.

6/ A Kinosaki (Kinosaki nite, avril 1917 ; 10 pages).
Il y a là encore un peu d'autobiographie dans ce texte : "Naoya Shiga, en août 1913, a été heurté par un train de la ligne de ceinture, à Tokyo. On n'est pas surpris, dès lors, du tour plus grave pris par ses méditations et certains de ses récits." (Marc Mécréant, page 7).
"Blessé dans un accident par un train de la ligne de la petite ceinture, à Tokyo, j'étais parti seul, en convalescence, à Kinosaki, station thermale de la province de Takima. Si ma blessure à la colonne vertébrale dégénérait en tuberculose osseuse, il y avait toutes chances pour qu'elle me soit fatale ; mais le docteur ne le pensait pas. [...]
J'étais absolument seul, sans la moindre personne avec qui bavarder. Je passais mes jours à lire, à écrire, à m'installer dans une chaise longue sur le balcon de ma chambre et à regarder les montagnes, ou le va-et-vient de la rue.
" (page 75).
"Au cours d'une convalescence, le narrateur surprend quelques animaux - une abeille, un rat, un triton - comme autant de figures de la mort. Chacun est tour à tour vicime, témoin et bourreau. Le grand cycle de la « Nature » peut-il englober chaque individu dans un destin apparemment contingent ?" (Dictionnaire de littérature japonaise, sous la direction de Jean-Jacques Origas, puf, page 282).
Encore une bonne nouvelle.

7/ Mari et femme (Kôjimutsu no Fûfu, juillet 1917 ; 18 pages).
Voici le début de la nouvelle :
"On était au coeur de l'automne et la nuit était calme. Au-dessus du marais passaient en criant des oies sauvages. Elle avait approché la lampe du bord de la table et cousait. Lui, à côté d'elle, étendu sur le dos de tout son long, regardait distraitement au plafond. Ils restèrent une éternité sans rompre le silence." (page 85).
Le mari et la femme parlent : elle essaye de le convaincre, il se braque... On est dans la psychologie du couple. Ce n'est sans doute pas la meilleure nouvelle du recueil.

8/ Le petit commis et son dieu (Kojô no Kamisama, décembre 1919 ; 14 pages)
Un commis dans un magasin de balance a envie de manger des sushis dont parlent ses collègues plus âgés... Une chance incompréhensible va s'offrir à lui...
Une bonne nouvelle amusante, et en même temps qui veut dire quelque chose : il arrive parfois dans la vie des choses étonnantes, a priori inexplicables, mais qui ont des raisons que l'on ignorera toujours, et qu'on ne peut même pas imaginer.

9/ La Flambée au botrd du lac (Takibi, mars 1920 ; 16 pages)
L'extraordinaire, l'étrange, existent-ils en ce monde ? Un groupe parle, raconte des anecdotes.
Une petite nouvelle, sans doute trop classique.

10/ Les Rainettes (Amagaeru, décembre 1923 ; 17 pages)
Nous sommes dans un petit bourg. Sanjirô, qui tient une fabrique de saké, et un écrivain, qui vit maintenant dans une petite ville à une dizaine de kilomètres, sont amis depuis leur enfance..
Sanjirô s'est marié à une belle fille de la campagne, mais elle est totalement ignorante. Un jour, l'écrivain fait savoir à Sanjirô, qui s'est mis à aimer la littérature, que deux auteurs vont venir faire une conférence dans sa petite ville. Sanjirô a bien envie d'emmener sa femme...

11/Métempsycoses (Tenshô, 8 pages)
"Il y avait une fois un homme doté d'une femme à l'esprit obtus. Il l'aimait, bien sûr, mais sa balourdise le faisait souvent sortir de ses gonds, échauffait sa bile, le poussait à l'accabler de reproches fielleux - toutes tracasseries que la pauvre femme était bien obligée de subir.
À chaque fois, elle pleurnichait et se désolait de ce que la nature lui eût donné si peu de tête. [...]
il n'arrivait pas à comprendre qu'après les Noirs, on voulût encore émanciper les femmes.
" (page 151).
Le mari grincheux et sa femme en viennent à parler de leur prochaine réincarnation : serait-il possible de rééquilibrer la situation ? Comme les femmes sont niaises depuis l'origine des temps (dit le mari), le couple opte pour la réincarnation sous forme animale. Mais que choisir ? Renard, cochon, canard mandarin ? (on se croirait dans le film réalisé en 2015 par Yorgos Lanthimos, The Lobster).
Se retrouveront-ils dans leur vie future et formeront-ils un couple assorti ? C'est ce que le lecteur saura.
On constate qu'il y a fréquemment des femmes peu intelligentes dans les textes de Shiga Naoya. Peut-on y voir un élément autobiographique ? À la fin du récit, il y a une petite conversation entre un inconnu et l'écrivain, ce dernier disant :
"- Ma femme est d'une rare intelligence ; moi, un mari d'une exceptionnelle gentillesse. Impossible donc d'entendre dans la maison le moindre bruit de récrimination." (page 158).
Mais est-on encore dans la fiction ? Est-ce de l'ironie ?

shiga naoya et sa femme
A droite : Naoya Shiga et sa femme (devant lui, donc)

12/ Rage d'armour (Chijô, mars 1926 ; 12 pages)
Un homme marié a une maîtresse.
"Sa maîtresse était serveuse dans une maison de passe de Gion. Elle avait dans les vingt, vingt et un ans. C'était une grande fille, intellectuellement nulle, un peu garçonnière. Qu'est-ce donc qui l'avait attiré chez cette femme ? La chose le déconcertait. Non qu'il n'eût trouvé à son goût des femmes de ce type, mais jamais il ne se fût attendu à être si profondément épris.
Ce qu'il trouvait en elle, c'était une saveur de fruit frais, que sa femme avait perdue depuis bien longtemps.
" (page 161).
Sa femme lui demande d'en finir tout de suite avec cette histoire.
Une bonne nouvelle psychologique.

13/ Kuniko (Kunino, 1927 ; 44 pages)
Le récit commence ainsi :
Le narrateur est un écrivain
"Pourquoi me le dissimuler ? Si Kuniko s'est suicidée, c'est moi le responsable. D'ailleurs je ne cherche pas à le nier. Mais pouvais-je prévoir une pareille chose ? Non, non, je ne le pouvais pas." (page 171). On va lire comment le couple s'est rencontré, et le déroulement du drame, sur fond de problèmes d'inspiration de l'écrivain.

14/ Une Farce (Itazura). (1954 ; 56 pages)
Le narrateur est un jeune professeur de collège. Il s'agace d'un collègue sans-gêne et qui ne cesse de lui raconter ses aventures amoureuses... Avec un autre homme, il va monter une petite farce...
Une nouvelle bien menée, amusante.

C'est donc un très bon recueil.
Les thèmes sont globalement sombres (les problèmes de couple, la vieillesse), mais il arrive qu'il y ait de l'humour, ce qui est rare dans la littérature japonaise qui parvient chez nous.


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